Avec le nucléaire, on tourne en rond !

par olivier cabanel
vendredi 14 novembre 2014

Alors que quelques adorateurs inconditionnels du nucléaire continuent obstinément de le défendre, on ne peut que constater l’impasse dans laquelle cette énergie dangereuse à plongé la planète, pour commencer par le Japon, et pas seulement, puisque la France est aussi menacée.

A Fukushima, le long et compliqué démantèlement continue laborieusement, et si l’exploitant s’est récemment félicité d’avoir presque fini la vidange de la piscine de refroidissement du réacteur n°4 (il ne resterait plus que 11 assemblages usés à être encore dans la piscine, et 180 assemblages neufs, à quoi il faut ajouter que 3 (sur les 11 restants) ne sont pas en bon état, ce qui va compliquer sérieusement la tâche) il devra surtout s’occuper des 3 autres piscines, opération beaucoup plus complexe, vu les niveaux très élevés de pollution, (lien) les réacteurs 1 et 3 ne pouvant être approchés à cause de l’intense radioactivité qui s’en dégage (lien) impliquant l’usage de robots, qui peuvent subir des dommages irrémédiables dus aux rayons ionisants. lien

Les mesures prises récemment par des équipes du LSCE (VNRE, CEA, UVSQ) conjointement avec des universitaires japonais, ont démontré l’étendue de la pollution au plutonium dans une bonne partie du pays, jusqu’à 45 km du site accidenté (lien) alors que d’autres scientifiques ont apporté la preuve que ce plutonium s’était invité jusqu’à 120 km du site dévasté. lien

Rappelons que la période (ou demi-vie) du plutonium est de 24 000 ans, perdant ainsi seulement la moitié de sa radioactivité. lien

En attendant, les immenses réservoirs d’eau radioactive continuent de se remplir, à fuir, et à se multiplier. lien

Tous les jours, Tepco pompe 750 tonnes d’eau polluée par la radioactivité qui sévit dans la centrale, dont 350 tonnes partiellement filtrées, sont réintroduites dans le système de refroidissement des réacteurs.

Toutes les 60 heures, il faut ajouter un réservoir de stockage, et l’exploitant semble fâché avec les chiffres quand il affirme qu’il n’y aurait que 350 000 tonnes d’eau stockées, affirmation facilement démentie si l’on veut bien vérifier la réalité sur le terrain, puisque l’eau radioactive stockée y dépasse les 500 000 tonnes. lien

Ce qui n’étonne personne, Tepco, depuis le début de la catastrophe, ayant démontré sa capacité à dissimuler la vérité, ou à la déformer.

Finalement, fin octobre, Tepco et les autorités japonaises ont fait savoir que l’enlèvement du combustible fondu du réacteur n°1 aurait 5 ans de retard par rapport à l’agenda établi : l’opération devant initialement avoir lieu en 2020lien

Ce démantèlement qui devait durer 40 ans sera donc fatalement beaucoup plus long.

Quant à la facture initiale, d’après une étude récente menée par Kenichi Oshima, professeur d’économie environnementale à l’université Ritsumeikan, le montant serait double de ce qu’il était prévu, atteignant aujourd’hui les 80 milliards d’euros.

Ce montant qui parait énorme ne prend en compte que les effets directs provoqués par l’accident, et ne concerne que la gestion du site et l’indemnisation : en France, l’IRSN (institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), évoque un chiffre qui atteint les 450 milliards, en comptabilisant aussi tous les effets indirects. lien

D’ailleurs si l’on prend Tchernobyl comme élément de comparaison, on sait que la catastrophe a déjà couté plus de 500 milliards de dollars (soit 400 milliards €) (lien) et d’après la Bank of America, en 2011, Fukushima était déjà estimé à 130 milliards de dollars (soit 104 milliards €) lien

Or à Tchernobyl, seul un réacteur était concerné : à Fukushima, 3 réacteurs ont fondu.

Sur le chapitre de la finance, les japonais ont découvert qu’un possible conflit d’intérêt concernait Yoichi Miyazawa, le nouveau ministre de l’industrie : il possède 600 actions de Tepco, mais il a déclaré que « cela ne posait pas le moindre problème (…) ça ne va pas affecter sa façon de décider ». lien

Il voudrait donc redémarrer 2 réacteurs, mais il doit passer par la case « premier ministre » pour espérer l’emporter début 2015. lien

On en sait un peu plus sur ce qui s’est passé au moment de l’accident grâce au témoignage de Masao Yoshida qui était le directeur du site à ce moment : 90% des cadres de la centrales auraient déserté le site, des les premières explosions, malgré l’ordre de la direction, allant se réfugier à 10 km de là pour tenter d’échapper aux radiations. lien

Quittons le Japon pour nous tourner vers la Finlande, pays dans lequel Areva à vendu un EPR déjà célèbre pour l’explosion de son prix, et l’énorme retard pris pour ce chantier.

Considérant cette situation inacceptable, TVO, le futur exploitant du site, a décidé de réclamer 2,3 milliards d’euros à Areva et Siemens.

Il faut rappeler que cet EPR avait initialement été estimé à 3 milliards d’euros, et que la facture s’est quasi multipliée par 3.

Mais c’est en France, l’un des pays les plus nucléarisé du monde, qu’il nous faut nous rendre maintenant.

Aujourd’hui, de l’aveu même des autorités, la question n’est plus de savoir si un accident nucléaire identique à Tchernobyl, ou Fukushima, peut se produire en France. lien

C’est en tout cas ce qu’écrit Thierry Gadault dans son livre « EDF, la bombe à retardement » (éditions First) que l’ont peut résumer à cette phrase qu’il propose : « la question n’est plus de savoir s’il y aura un accident nucléaire grave en France, mais quand et où ? ». lien

François Lévêque a publié, le 27 février 2013, une thèse sous le titre : « le risque d’accident nucléaire majeur : calcul et perception des probabilités ».

Il écrit : « la probabilité d’un accident de fusion de cœur l’année prochaine en Europe est de 4,4 (mal) chance pour 1000 », bien loin de l’estimation optimiste de Dessus et Laponche, qui avec des paramètres discutables proposaient le chiffre de 0,72. lien

Ajoutons pour la bonne bouche que ERDF a mis un projet de gazoduc en route, et l’entreprise n’ayant manifestement pas peur, malgré les inquiétudes émises par l’ASN (autorité de sureté nucléaire), a décidé de faire passer le gazoduc sous le canal Donzère-Mondragon, destiné au refroidissement des réacteurs nucléaires du Tricastin, ce que déplore lucidement l’eurodéputée Michèle Rivasi évoquant « un effet domino inacceptable ». lien

On peut signer une pétition contre ce tracé sur ce lien

On peut en effet imaginer facilement ce qui se passerait si des terroristes s’en prenaient à ce gazoduc, faisant éventuellement coup double, avec la centrale nucléaire du Tricastin. lien

A ce sujet, les drones continuent de survoler les centrales nucléaires du pays, sans réaction efficace des autorités, à part déposer des plaintes, menacer, ou arrêter quelques aéromodélistes innocents, ce qui semble bien anodin. lien

Ce qui a poussé le député socialiste Jean-Yves Le Deaut, président de l’OPECST (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) à demander le 7 novembre dernier «  de faire cesser les désordres que constituent les survols de centrales nucléaires par des drones  » (lien) ce qui ne les empêche pas de continuer. lien

Alors bien sûr, certains sont convaincus que ces petits drones ne représentent pas un danger, même si certains ont 2 mètres d’envergure, ce qui laisse supposer qu’ils pourraient transporter des explosifs…mais d’autres vont plus loin. lien

Ils imaginent, comme l’IDEX (international défense exhibition) qu’ils pourraient être un vecteur offensif majeur, en utilisant des faisceaux dirigés d’énergie électromagnétique capables de faire subir des dommages à l’électronique des sites nucléaires. lien

D’autres supposent que ces drones auraient pu filmer les sites pour préparer une action. lien

En résumé, est-il raisonnable de s’obstiner à défendre une industrie si fragile, si dangereuse, cible potentielle d’attentats, sachant qu’elle est déjà sujette à caution, au vu du millier d’incidents annuels constatés par l’ASN, (lien) au vu aussi des défauts connus ?

Entre les cuves fissurées, (lien) impossibles à changer, les sommes pharaoniques qu’il faudrait engager pour rendre les centrales un peu plus sures, et l’impossibilité actuelle de gérer les déchets dangereux qu’elles produisent, alors qu’il y a tant d’alternatives propres et faciles, qui peut être totalement rassuré par cette énergie ?

Le rayon estimé dangereux par les autorités ne dépasse pas quelques kilomètres, alors que, comme on l’a vu au Japon, le plutonium se disperse au-delà des 100 km autour d’un site, ce qui rend la quasi-totalité du territoire national menacé en cas d’accident majeur. lien

De plus, les comprimés d’iode sont difficiles d’accès et leur action relativement limitées face au danger radioactif (lien)… Greenpeace vient d’en faire un canular. lien

Pour toutes ces raisons, le 15 novembre prochain, des citoyens inquiets et motivés vont occuper des ronds points dans toute la France, à proximité des centrales nucléaires, avec détermination et banderoles portant des messages tels que : « avec le nucléaire on tourne en rond », ou « Tchernobyl, Fukushima, à qui le tour ? » lien

On peut signer un appel sur ce lien.

Comme dit mon vieil ami africain : « l’école devrait nous apprendre le futur compliqué au lieu de se limiter au passé simple ».

L’image illustrant l’article vient de « ww. gurumed.org »

Merci aux internautes de leur aide efficace

Olivier Cabanel

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