Bandits caravaniers…

par Michel Koutouzis
jeudi 23 septembre 2010

La déclaration du ministre de la défense, Hervé Morin (qui n’en loupe pas une), expliquant que « il espère entrer en contact avec Al Quaida » pour connaître les exigences des ravisseurs (vidéo en fin d’article), signifie ainsi que Paris engage des négociations avec un groupe terroriste. Qu’il ne vienne pas plus tard nous dire, comme il est d’usage, que nulle rançon n’a été versée. 

A plusieurs reprises nous avons souligné que la guerre en Iraq, en Afghânistân, mais aussi en Afrique, au Caucase et dans les Balkans avait comme première conséquence l’émergence de bandes organisées qui localement ou à l’étranger exportaient leurs conflits sous la forme de « crime organisé ». Phénomène que les institutions internationales nomment par euphémisme « criminalisation du politique ». 

Le contraire existe aussi : des seigneurs de la guerre (Caucase, Asie centrale, etc.), des émirs féodaux (Afghanistan, Turquie, Iraq, etc.), des paysans démunis recyclés au piratage (Somalie, Nigéria, etc.), endossent une identité politique ou religieuse, transformant leurs trafics en guerre sainte ou en revendications territoriales ou ethniques (Libéria, Casamance, Kossovo, etc.).

Les aléas géopolitiques étant ce qu’ils sont, ces bandes et leurs meneurs sont parfois montés en flèche comme des combattants de la liberté (Kosovo, Afghanistan, etc.) parfois attaqués de front (Panama, Iraq, etc.), parfois ils deviennent des hommes d’affaires respectables, des marchands d’armes ou de drogues, ou des investisseurs recherchés (Ouzbékistan, Afghânistân, Azerbaïdjan, etc.). Parfois ils deviennent présidents kleptocrates (quand ils ne le sont pas déjà). 

En Afghânistân, au Kosovo, en Arménie, au Congo, au Kazakhstan, au Turkménistan et dans une poignée d’ex régions autonomes soviétiques, mais la liste au niveau mondial est trop longue pour tout énumérer, on traite et négocie les bienfaits de la démocratie avec des individus qui étaient aux premières loges des personnes recherchées par le DEA, le FBI ou Interpol. Les perspectives, aléatoires, ne sont jamais « bouchées ». Qui peut dire si des membres éminents de la « Brise de mer » ou des « Panthères roses » finiront leur carrière sous les barreaux ou sur un strapontin ministériel ? Qui sait s’ils finiront comme le dictateur Noriega, le général Dostom ou le ministre de l’énergie Ismaël Khan ? Au Kosovo, la moitié du conseil des ministres a, a eu et aura sans doute des « ennuis » avec la justice dès lors que la géopolitique et la diplomatie ne joueront plus leur rôle d’écran de fumée.

Il y a bientôt quinze ans où la fameuse route du sel, faute de sel, s’est recyclée en une route trafiquante liant l’est à l’ouest africain, et procurant de tout aussi bien aux pays sahéliens qu’à ceux de l’Afrique du Nord. Depuis des chaines hi-fi, jusqu’à la drogue en passant par les armes. Cela fait un sacré bout de temps que des soldats perdus, des fondamentalistes en déroute, des caravaniers et des trafiquants ont créé un mélange explosif, depuis le sud du Maroc et la Mauritanie jusqu’au Soudan. Se demander si un enlèvement est dû à des fous furieux d’Aqmi ou à des bandits des grands chemins caravaniers n’a plus de sens. Tout dans le désert s’est transformé en marchandise, et ce depuis longtemps. 

Il y a belle lurette que les filières du hachich marocain sont utilisées pour bien d’autres drogues et produits (dont les damnés de la terre, les « clandestins »). Il y a belle lurette que la Mauritanie est devenue une plaque tournante, qu’elle profite de l’étanchéité des réseaux marocains pour fourguer la cocaïne en Europe via les Canaries entre autres. Que la Libye et désormais l’Egypte se sont recyclées dans les envois de clandestins via Malte, Lampedusa et la Grèce. Les experts nous parlent d’une poignée de « fanatique islamistes », dérivant parfois vers le « criminel ». C’est du contraire qu’il s’agit, et tant que le voile religieux et les arrières pensées géopolitiques cacheront cette réalité, nous ne serons pas en espoir de sortir de l’impasse. 

 


Lire l'article complet, et les commentaires