Barack Obama

par Edwige Fournier
jeudi 29 décembre 2011

Souvenez-vous de son élection le 4 novembre 2008. Une telle liesse mondiale ne pouvait avoir lieu sans que ce ne fût un homme exceptionnel qui la provoque. Six mois auparavant personne n’aurait parié un dollar sur cet outsider. Ceci dit, avec sarcasme, on aurait pu dire que les Américains avaient le choix entre une femme, un vieux, et un noir ! Et pour une fois, aucun des trois n’étaient antipathiques mais les trois avaient un handicap, si l’on peut dire… Et ce fut sûrement celui qui avait le plus lourd qui l’emporta devant une planète aussi médusée qu’enthousiaste.

Bien sûr, après ce miracle politique, beaucoup disaient : « Mais on va être déçus… ». Et beaucoup affirment aujourd’hui qu’ils sont déçus. Pourquoi ? Parce que les gens veulent tout, et tout de suite. Ce n’est pas un homme d’Etat qu’ils souhaitent avec de saines convictions, et de nobles projets, mais Merlin l’enchanteur.

Combien de fois lit-on que Barack Obama ne tient pas ses promesses. C’est faux. On me répondra, la preuve : Guantanamo est toujours là. Pourtant, le 22 janvier 2009, Obama signe l’ordre de sa fermeture, seulement 2 jours après son investiture. C’est le juge militaire siégeant à l’une des commissions judiciaires qui refusa d’obtempérer. L’administration Obama a sûrement sous-estimé les procédures judiciaires et les problèmes liés au transfert de certains prisonniers dans leur pays d’origine ou pays d’accueil. De plus, si trop de détenus se retrouvent accueillis dans certaines régions du monde, comme le Yémen par exemple, ils pourraient bien grossir les troupes d’Al-Qaeda. Cependant, certains pays européens ont accepté d’accueillir des détenus, et les transferts de prisonniers se sont faits et se font toujours vers l’Espagne, la Belgique, la France. Ce n’est pas en premier titre dans les journaux, bien sûr. Il ne faut pas se mettre l’opinion publique à dos. Cela se fait avec lenteur et discrétion. Mais Guantanamo se vide peu à peu.

Faut-il rappeler qu’en avril 2006, sous l’ère Bush, on comptait 558 personnes emprisonnées à Guantánamo ; aujourd’hui, sous l’administration Obama, il en reste 172. Obama reste déterminé à fermer ce camp et à juger les personnes soupçonnées de terrorisme dans les tribunaux fédéraux américains et non par des tribunaux militaires.

Rien de formidable ne se fait d’un claquement de doigt. Déçus, les Américains, impatients, oui… Une presse quasi unanime saluera la réforme du système de santé qu’Obama a gagné au Congrès, de 219 voix contre 212. Bien sûr, la victoire n’est pas si large, mais c’est cependant la réforme la plus importante réalisée aux Etats Unis depuis 60 ans.

Le Washington Post déclarera que la loi reste malgré tout imparfaite, car elle ne couvre pas encore tout le monde, notamment un tiers des immigrants clandestins. Mais elle couvre tous les Américains auxquels l’assurance-santé avait été refusée. Le Président Obama promulgue deux lois réformant l’assurance santé, le Patient Protection and Affordable Care Act et le Health Care and Education Reconciliation Act en mars 2010, assurant une protection sociale à des dizaines de millions d’Américains qui en étaient dépourvus. Les assurances privées ne sont plus en mesure d’abandonner leurs clients ; l’assurance devenant en retour obligatoire.

Et le New York Times affirme que, désormais, cette couverture sociale couvrira 32 millions d’Américains supplémentaires, même si le bémol est que 19 millions attendront 2019. Mais faut-il rappeler comme Lincoln Mitchell : « Cette loi ne réglera pas tous les problèmes en un jour. » Un saut de puce pour un monde utopique, mais une enjambée pour la société américaine.
Obama n’a-t-il pas tenu sa promesse sur la loi de la régulation financière ? Le 16 juillet 2011, le Sénat a adopté la reforme, la plus importante et la plus vaste depuis 1930.

• Limitation des activités de trading jugées risquées (réglementation des produits dérivés ; fonds spéculatifs ou hedge funds soumis à l’autorité de la SEC, l’autorité boursière


américaine ; encadrement de la titrisation de prêts immobiliers).

• Création d’un Conseil de surveillance de la stabilité financière, chargé d’anticiper les risques financiers et de coordonner les actions.

• Meilleure protection des consommateurs, avec la création d’un bureau au sein de la Banque centrale chargé de gérer les produits financiers de consommation courante (prêts immobiliers, cartes de crédit…)

• Fin de la mise à contribution des contribuables en cas de sauvetage financier : ils ne pourront plus être sollicités pour sauver des entreprises financières en difficulté.

A mi-mandat, on doit à Barack Obama deux des plus grandes réformes depuis 60 et 90 ans.

Un des multiples combats d’Obama est l’écologie, notamment le réchauffement climatique. Y a-t-il beaucoup de chefs d’Etat que cela interpelle vraiment ? Persuadé de l’impact des activités humaines sur le réchauffement planétaire, il s’est investi pour réduire ce problème récurrent. Il possède les commandes pour y parvenir, puisque avec la Chine, les Etats-Unis sont le premier émetteur mondial de gaz à effets de serre. L’administration a donc pris des mesures pour favoriser les énergies renouvelables et restreindre les émissions de C02. Mais comme pour la réforme de l’assurance maladie, cela ne peut se faire en quelques semaines ou quelques mois. Il faut, pour Obama, se mettre au diapason et convaincre ses voisins afin d’obtenir une réduction massive. Il rencontre quelques difficultés à faire passer son projet. Normal puisque alors que les Etats-Unis n’ont pas ratifié les accords de Kyoto, la faute à son prédécesseur, le fameux Bush junior. A la veille du sommet de Copenhague, la future loi sur la question fera de plus l’objet de violents débats.

N’oublions pas qu’en plus de réformer totalement son pays et de manière indirecte, le monde, il lui faut rattraper 8 années de désastre « bushinien »…

Le bilan de sa politique étrangère reste, pour le moment, mitigé. Il est vrai qu’il s’est heurté, comme beaucoup d’autres présidents, au conflit israélo-palestinien. Laissant trop de lest sûrement à Benjamin Netanyahu. Mais pouvait-il réussir en une trentaine de mois là où tant d’autres ont échoué depuis des décennies ?

En Afghanistan, Obama se trouve dans une situation délicate. Hamid Karzaï lui réclame un renfort de 40.000 hommes. Mais le traumatisme de la guerre du Vietnam hante toujours les Américains. En Iran, les choses ont progressé dans le dossier nucléaire, mais il faut s’attendre encore à de tenaces débats à venir.

Obama a tout de même réussi au Kremlin avec une limitation du nombre de missiles intercontinentaux et de têtes nucléaires. Sans penser que les ennemis d’hier deviennent les amis d’aujourd’hui, on peut dire que la diplomatie entre ces deux ex-adversaires légendaires s’est grandement améliorée.

Le terroriste le plus recherché de la planète a été retrouvé sous l’administration d’Obama. Depuis août 2010, une équipe américaine de renseignement a remonté le fil. « Et finalement, la semaine dernière, j’ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice », a déclaré le président en avril 2011.

Non Obama n’est pas Dieu, mais ses promesses sont toujours empreintes d’humanité et d’intelligence. Il se bat depuis 32 mois à les réaliser, mais il n’a pas de baguette magique. C’est un travail de Titan auquel il s’attaque, et pierre par pierre, Obama construit un meilleur monde. Il doit convaincre chaque pays de cette planète, doit se battre contre les Républicains, le Congrès, les lois établies par son prédécesseur, et surtout… surtout contre l’impatience d’un monde à bout de souffle qui croit encore à Superman.

*

Extrait du discours d’Obama du 20 mars 2008 :

Cette conviction me vient de ma foi inébranlable en la générosité et la dignité du peuple Américain. Elle me vient aussi de ma propre histoire d’Américain. Je suis le fils d’un noir du Kenya et d’une blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père qui a survécu à la Dépression et qui s’est engagé dans l’armée de Patton pendant la deuxième Guerre Mondiale, et une grand-mère blanche qui était ouvrière à la chaîne dans une usine de bombardiers quand son mari était en Europe.

J’ai fréquenté les meilleures écoles d’Amérique et vécu dans un des pays les plus pauvres du monde. J’ai épousé une noire américaine qui porte en elle le sang des esclaves et de leurs maîtres, un héritage que nous avons transmis à nos deux chères filles.

J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux des oncles et des cousins, de toute race et de toute teinte, dispersés sur trois continents, et tant que je serai en vie, je n’oublierai jamais que mon histoire est inconcevable dans aucun autre pays.

C’est une histoire qui ne fait pas de moi le candidat le plus plausible. Mais c’est une histoire qui a gravé au plus profond de moi l’idée que cette nation est plus que la somme de ses parties, que de plusieurs nous ne faisons qu’un.


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