Belgique : l’extrême droite flamande a encore un peu de pain sur la planche, juste un peu

par Guillaume Ribeaucourt
jeudi 9 novembre 2006

Aux élections communales belges d’octobre 2006, le Vlaams Belang (extrême droite flamande) a encore gagné du terrain. Le cordon sanitaire, organisé et entretenu par les partis démocratiques, tiendra-t-il jusqu’aux prochaines élections de 2007 ? Dans un contexte complexe où les communautarismes s’affichent au grand jour, le Vlaams Belang n’a plus grand-chose à faire pour prendre le pouvoir, dans ce plat pays qui est le nôtre.

C’est clair, la Belgique n’est pas épargnée par la montée de l’extrême droite. En raison du contexte institutionnel assez complexe de la Belgique, l’extrême droite ne s’exprime pas de la même manière que l’on soit dans le Nord ou dans le Sud du pays. La Flandre, depuis 1978, a son parti nationaliste. Au départ, on l’appelle le Vlaams Blok, mais en 2004, à la suite de la décision de la Cour de cassation de Belgique qui condamna pour racisme et xénophobie plusieurs associations proches du Vlaams Blok, ce dernier décida de changer purement et simplement de nom, pour éviter de lourdes amendes pénales ainsi que la privation de ses dotations publiques.
Dans le Sud, en Wallonie, c’est différent. Le parti d’extrême droite, le Front national, perd en crédibilité un peu plus chaque année, pour cause de déboires judiciaires de son président à vie, le médecin Daniel Féret. Nous ne nous attarderons pas dans cet article sur cette veine de l’extrême droite. Plutôt, nous aimerions présenter de manière la plus claire possible le Vlaams Belang (le parti extrémiste de la droite flamande) ainsi que les conséquences de sa progression pour la vie politique belge et étrangère.

Nous sommes donc le 14 novembre 2004. Lors d’un congrès réuni à Anvers, le Vlaams Blok se dissout pour les raisons que nous connaissons déjà et refonde un nouveau parti, avec les mêmes personnes et pour l’essentiel le même programme : le Vlaams Belang.

C’est ainsi que le parti change de nom, tout en conservant les mêmes initiales (VB) et les mêmes couleurs, le noir et le jaune, qui sont celles de la Flandre et du fameux Lion flamand. Néanmoins, le parti change sa ligne politique en matière d’immigration. Alors qu’il avait été attaqué pour ses positions racistes, le parti renonce à demander le « renvoi vers leur pays (d’origine) de larges groupes d’immigrés non européens », et fait désormais campagne pour une non-acceptation de ceux qui « rejettent, nient ou combattent notre culture ». La nuance est de taille. Le VB peut à nouveau remonter sur la scène politique belge.

Les élections municipales du 8 octobre dernier : victoire du VB !

C’est clair, net et précis, le Vlaams Belang s’installe en force dans le paysage politique flamand. Le parti d’extrême droite a encore amélioré ses positions le dimanche 8 octobre dernier lors des élections communales, et ceci dans la quasi-totalité des villes de Flandre. Néanmoins, fait très important, le VB a perdu sa première place dans son bastion d’Anvers.

Franck Vanhecke, le chef du Vlaams Belang, n’a pas tardé à crier victoire. "Nous sommes vraiment loin devant. Nous avons gagné de façon spectaculaire. Nous sommes les vainqueurs de cette élection", a-t-il lancé.

Et il n’a pas tout à fait tort. Le Vlaams Belang s’est ainsi imposé comme le premier parti dans sept municipalités flamandes. Sur l’ensemble de la Région flamande, il progresse de 7,6 points pour atteindre 20,8% des voix, renforçant ses positions bien au-delà du port d’Anvers, deuxième ville de Belgique et bastion historique de l’extrême droite flamande.

Il faut savoir que lors des précédentes municipales de 2000, le parti d’extrême droite était arrivé en tête à Anvers avec un tiers des voix, mais il avait été écarté du pouvoir par un "cordon sanitaire", coalition disparate de partis opposés à cette formation xénophobe et séparatiste.

 Filip Dewinter, figure charismatique et chef du Vlaams à Anvers, a reconnu que les résultats de son parti étaient décevants dans sa ville, mais il les a attribués au vote des immigrés. "Nous n’avons pas fait aussi bien (que nous l’espérions) " à Anvers, parce que "les immigrés ont eu le droit de vote, cela a eu une influence", a-t-il estimé dans la presse.

Au plan national, ce scrutin marque un revers majeur pour le Premier ministre Guy Verhofstadt, à moins d’un an des élections législatives prévues au printemps 2007.
Les socialistes sont également en recul dans les 19 conseils municipaux de la région-capitale de Bruxelles, mais gardent le contrôle de la ville elle-même. Ce sont les chrétiens-démocrates du CDH qui sont les principaux bénéficiaires des pertes socialistes en Wallonie et à Bruxelles.
Les législatives, qui devraient avoir lieu en mai ou juin 2007, s’annoncent donc mal pour la fragile coalition gouvernementale menée par le Premier ministre Guy Verhofstadt, qui espère décrocher un troisième mandat.

Quand l’extrême droite flamande s’associe à l’extrémisme des immigrés.

Pour la première fois en Belgique, les citoyens non européens pouvaient voter aux municipales. Progrès social impressionnant, les immigrés non européens, qui sont souvent considérés comme des individus de seconde zone, pouvaient enfin élire leurs représentants ! Pourtant, le résultat de cette avancée démocratique semble assez désolant. En effet, des candidats extrémistes religieux présents sur des listes (pourtant démocratiques) ont reçu plus de voix que prévu. Les débats ont été vifs en Belgique avant, pendant et après les élections ; certains ont même noté la présence de membres des Loups gris (extrême droite radicale turque) sur la liste PS tenue par la ministre de la Justice en personne.

Il y a donc eu des candidats et des élus de l’extrême droite immigrés. Le Vlaams Belang d’ailleurs n’était pas complètement ignorant de cette donnée puisqu’on a pu voir sur les listes du parti extrémiste flamand, une dénommée Belkis Sögütlü ainsi que des tracts en langue turque dans certains quartiers de Bruxelles. Le journaliste Mehmet Koksal dénoncera même, sur son site, la présence sur les listes du Vlaams Belang d’un candidat musulman qui communique en arabe avec ses électeurs. Enfin, une étude universitaire conduite par le Centre d’études en sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles (Cevipol) montre que lors des élections régionales de juin 2004, parmi les électeurs bruxellois du Vlaams Belang, il se trouvait 4,5 % de musulmans.

On peut donc conclure, à la vue de ces élections belgo-belges, que les immigrés ne rechignent pas à fréquenter et à soutenir par le vote un parti politique qui déclare pourtant, avec beaucoup de finesse, son mépris pour les immigrés.

Les prochaines élections de 2007 seront décisives.

On en parlera peu, parce que la présidentielle en France va probablement faire plus de bruit. Et pourtant, on peut s’attendre à voir en Belgique, pour les élections fédérales (élection du gouvernement et du Premier ministre), une montée radicale de l’extrême droite, que ce soit en Flandre ou en Wallonie. Une première raison est à trouver dans l’absence du vote des citoyens non européens. Si ces derniers ont bien le droit de vote aux communales, ils ne l’auront pas à l’échelle fédérale. Et comme l’a bien dit Filip Dewinter, son parti a perdu du poids dans la répartition des sièges aux communales à cause du vote des citoyens non européens. De plus, l’extrême droite francophone (FN), même si elle bat de l’aile pour le moment, n’est pas en reste. Le FN a ceci de particulier : il n’est pas fédérateur, et se voit souvent concurrencé par de petits partis dissidents. Malgré ce contexte, le FN engrange à nouveau des bénéfices électoraux importants par rapport aux élections de 2000, comme l’avait déjà démontré les élections législatives de 2003 et les régionales de 2004. On peut donc s’attendre à ce que l’extrême droite dans la partie francophone se stabilise, au minimum, voire à ce qu’augmente ses scores. Enfin, la montée de l’extrémisme communautariste ne présage rien de bon pour l’avenir de la Belgique. Les positions se radicalisent un peu plus chaque jour, et les citoyens se replient sur eux-mêmes, se crispent et se tourneront probablement vers des partis plus traditionnels tels que le CDH (anciens chrétiens démocrates) ou encore tourneront le dos à la démocratie pour voter FN ou VB (comme l’ont montré ces dernières élections). Le dialogue intercommunautaire est en train de disparaître peu à peu dans les villes (voir pour cela Bruxelles, où certains quartiers vivent dans un tel vase clos que ni le français ni le flamand ne sont les langues utilisées quotidiennement) et au vu des scores engrangés lors des dernières élections communales, on peut facilement imaginer que le fameux cordon sanitaire belge se déchire.
Dans ce cas, espérons que le nouveau président français réalisera assez vite que chez ses voisins, la peste brune s’empare des doux foyers du plat pays et qu’elle se répand facilement, même là où on ne l’attendait pas.


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