Ben Ali : Au revoir Président ? Mon oeil !

par Peachy Carnehan
samedi 15 janvier 2011

C'est fait. Zine el-Abidine Ben Ali, Président dictateur de Tunisie, a finalement décampé comme le voleur qu'il était après plusieurs semaines de protestations et d'émeutes sanglantes dans son pays.

L'image a fait le tour du monde, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi est intervenu en fin d'après-midi sur les écrans de la télévision d'Etat pour annoncer théâtralement qu'il avait pris le pouvoir. « Conformément à l'article 56 de la Constitution, j'assume à partir de cet instant la charge de président par intérim », a-t-il annoncé sans rire, oubliant au passage de préciser qu'il était le bras droit du despote et l'un des rouages du système de corruption d'Etat tant conspué par les émeutiers.

Dans la foulée, et pour certainement célébrer « le grand soir », les « camarades soldats » de l'armée se sont d'ailleurs empressés de boucler l'aéroport et de fermer l'espace aérien tunisien. Un enthousiasme révolutionnaire qui n'était évidemment pas destiné à protéger la fuite aussi inattendue que soudaine du dictateur Ben Ali, lui qui venait d'annoncer l'état d'urgence après consultation du chef d'état-major des armées... Mohammed Ghannouchi, le nouveau le Premier ministre par intérim nommé par décret. Il n'y a pas qu'en France qu'on prend les gens pour des cons.

 

BEN ALI DEGAGE !
 

Plus tôt dans la journée, des milliers de manifestants avaient défilé dans Tunis pour exiger la démission de leur « Président du pouvoir d'achat » à eux au cri de « Ben Ali dégage ! » Un message simple, clair, compréhensible mais qui a pourtant laissé de marbre les brutes de la police anti-émeute du tyran. Celle-ci ayant riposté avec des gaz lacrymogènes, puis par des tirs à balles réelles. Les responsables de l'hôpital de Tunis faisaient état d'une quinzaine de morts vendredi soir.

Les troubles qui ont mené à la révolution ont commencé, comme souvent, par un simple débordement, symbole de toutes les vexations endurées : la mort d'un jeune homme dans le sud de la Tunisie qui s'était immolé par le feu pour protester contre l'interdiction qui lui était faite de vendre ses produits sur un marché. Dans un contexte de crise, le fait divers dramatique a ensuite été attisé par la rue puis par l'Internet pour se transformer en une colère massive ciblant les inégalités économiques et la corruption des politiques. Vieille potion toujours détonante. Des dizaines de personnes sont mortes dans les émeutes, jusqu'à la fuite de Ben Ali le sanglant.

La rue semble donc avoir été la plus forte, démocratiquement et sans verser dans l'excès, juste victime des tirs meurtriers de la police. Les rares barbus présents ont été boutés des cortèges à coups de pieds dans le cul, et le tyran d'extrême droite a quitté le pays comme le malpropre qu'il était. Fin de la version officielle, sauf que...

 

COUP D'ETAT ?

Sauf que la prise du pouvoir par le Premier sinistre Mohammed Ghannouchi possède tous les atours du coup d'Etat. Le plumage, le ramage et même l'odeur. Les mêmes crapules qui saignent le peuple tunisien sont toujours en place et comptent bien y rester jusqu'à nouvel ordre. Le gang des Trabelsi, belle-famille rapace de Ben Ali, s'est réfugié en France dans la nuit de vendredi à samedi et conserve le contrôle de son empire économique. Les flics meurtriers reçoivent toujours leurs ordres. Le couvre-feu et l'usage de tirs à balles réelles sont confirmés, et la presse tunisienne continue à enfumer les populations avec la même ardeur que Le Figaro ou TF1. Au revoir président ? Vive la liberté ? Chez Mickey, peut-être, puisque Obama a salué vendredi le « courage et la dignité » du peuple tunisien.

En attendant les probables évènements de samedi, Ben Ali a continué à jouer les filles de l'air. Selon BFM TV, l'avion du dictateur en fuite a survolé Paris peu avant 20 heures avant de rebrousser chemin vers une destination inconnue. Sarkozy, épouvanté à l'idée de mécontenter la très pacifique communauté tunisienne de France - et de perdre le peu de points de satisfactions qu'il lui reste dans les sondages d'opinions - a en effet fait savoir vendredi soir que « la France ne souhaitait pas la venue sur son territoire du président tunisien en fuite Zine el Abidine Ben Ali ». Et dire qu'il y a deux jours il proposait, via Michelle Alliot-Marie, « le savoir-faire français à la police tunisienne » pour mâter les émeutiers... Sacré Sarko, champion du monde du retournage de veste.

Aux dernière nouvelles, selon Al-Jazira, l'avion du président tunisien se serait posé sur le tarmac de l'aéroport international de Djeddah en Arabie Saoudite. Il peut y dormir sans craintes, car au pays, ses troupes veillent toujours sur ses intérêts.


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