Bernie Sanders, le dernier des socialistes ?

par Henry Moreigne
mercredi 3 février 2016

S'il n'en reste qu'un, ce sera peut être celui-là. Au moment où François Hollande prend ses distances avec la ligne politique historique de la rue de Solferino, et où Manuel Valls promet au PS le destin d'un astre mort, Bernie Sanders porte lui fièrement en bandoulière son socialisme dans le marathon des présidentielles américaines.

 Le sénateur indépendant du Vermont, candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine de 2016 affiche un programme susceptible de faire rougir de honte les hiérarques socialistes français qui se déchirent entre Vallsistes et Macronniens.

A 73 ans, le dinosaure Sanders plaide pour un salaire minimum de 15 dollars, la généralisation des congés maladie, la gratuité des études supérieures, la régularisation des immigrés clandestins, et n'hésite pas à prendre la défense de l’environnement.

Bernie Sanders répond à une attente commune aux deux rives de l'Atlantique : l'émergence d'un héraut capable de porter haut et fort la voix des petits, des invisibles, des laissés-pour-compte comme des classes moyennes. Populiste ? Non seulement populaire parce que son programme consiste à taper dans la fourmilière.

Les démocraties occidentales partagent la même maladie : la fracture croissante entre des élites toujours plus riches et puissantes et une majorité des citoyens condamnée à la paupérisation, au chômage et à la rivalité entre pauvres et encore plus pauvres, entre exploités et encore plus exploités, dans une Uberisation croissante de nos sociétés. La souffrance des classes moyennes, pierre angulaire des démocraties atteint un niveau record. L'exaspération et le désenchantement ne sont pas loin de céder le pas au désespoir avec tous les risques que cela contient.

Aux États-Unis, le constat est saisissant. Les revenus de la classe moyenne sont aujourd’hui plus bas que ceux perçus à la fin des années 1980. Les Américains de la middle class sont passés de 61 %, en 1970, à un peu moins de 50 % de la population actuelle. Leurs revenus ont chuté de 62 % à 43 % quand ceux des classes supérieures passaient, dans le même temps, de 29 % à 49 %.

Mêmes causes, mêmes effets avec une montée des deux côtés de l'Atlantique d'un sentiment de trahison alliant colère, frustration et anxiété. En France l'Union Européenne est le bouc émissaire idéal, aux USA ce rôle revient à l’État fédéral alimenté par l’idée que celui-ci a un rôle trop important dans la vie courante et alimente la dépendance à son égard des citoyens. Il ne faut pas prendre ces derniers pour des imbéciles. De plus en plus prennent conscience que les sujets sociétaux par le clivage dans les opinions publiques qu'ils permettent évitent pour les dirigeants d'aborder les questions de fond le chômage, les salaires, la fiscalité, la protection sociale…

En bousculant Hillary Clinton dans le caucus de l’Iowa avec des résultats "les plus serrés dans toute l’histoire du caucus démocrate de l’Iowa" selon le chef du parti démocrate, le sénateur Sanders prouve une nouvelle fois que son discours fait mouche et que la révolution de velours qu'il prône répond à une attente forte notamment de la jeunesse.

Bernie, déploie finalement les arguments qui ont fait le succès de François Hollande. Là où ce dernier déclarait "mon ennemi c'est la finance", Sanders dénonce la classe des milliardaires, le capitalisme de connivence et l’impunité de Wall Street. Là où Hollande promettait de faire de la jeunesse une grande cause nationale, Bernie, le candidat aux costumes froissés plus pragmatique promet la gratuité de l'université, dans un pays où la dette moyenne des étudiants atteint 35 000 dollars.

Le contraste n'en est que plus saisissant avec la France et sa classe politique immuable, devenue étanche à la société. Rarement le vieux monde n'aura porté aussi bien son nom. Rarement la France n'aura été aussi en attente d'un grand renouvellement. Rarement le Font National n'a été aussi près du pouvoir.


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