Bill Gates, l’humanitaire version XP

par LM
mardi 20 juin 2006

L’homme le plus riche du monde va consacrer quelques-uns de ses milliards à l’humanitaire. Bill Gates prend ses distances avec Microsoft pour copier-coller l’abbé Pierre et Mère Teresa. Doit-on craindre un virus ?

William Henry Gates III, dit Bill Gates, l’homme qui vaut 51 milliards de dollars (photographié ici par la police d’Albuquerque, au Nouveau Mexique, après avoir grillé un stop, en 1977) a décidé de laisser tomber les machines pour aider son prochain.

« Aujourd’hui, je travaille à plein temps à Microsoft, et à temps partiel pour la fondation Gates », a déclaré William. « D’ici juillet 2008, ce sera l’inverse. »

Le fondateur de Microsoft se repositionne. En fait, depuis 2000, il avait entamé cette volte face. A l’époque, il avait cédé son poste de PDG à son bras droit, Steve Balmer. C’est la même année qu’il fonde avec sa femme Melinda l’association "Bill and Melinda Gates", qui a pour but d’ « apporter à la population mondiale des innovations en matière de santé et d’acquisition des connaissances. » La santé et l’éducation. Cette association peut rendre jalouses toutes les autres à travers le globe, puisqu’elle a la chance de bénéficier d’un bas de laine de quelque... 28,8 milliards de dollars ! De l’argent directement issu des comptes épargne du couple Gates. Bill, dans sa vertigineuse générosité, a d’ailleurs d’ores et déjà annoncé que l’essentiel de sa fortune (95%) irait à sa mort dans les caisses de cette association, et dans celles qui luttent notamment contre l’analphabétisme dans le monde. Les héritiers de Gates, ses deux filles et son fils devront se « contenter » des 5% restants. (Quelque 2,5 milliards, tout de même)

« Avec le succès de Microsoft, j’ai eu le cadeau d’une grande richesse. Je pense que cette richesse s’accompagne d’une grande responsabilité, celle de la rendre à la société et de s’assurer que ces ressources soient mises à profit de la meilleure manière pour aider ceux qui sont le plus dans le besoin. » Avouez qu’il se débrouille pas mal, en déclaration de bonnes intentions, le magnat de l’informatique. Et puis, ses milliards de dollars, ça a une autre gueule que le compteur du Téléthon, non ? Vous vous rendez compte, si François Pinault ou Arnaud Lagardère se piquaient soudain d’une envie d’aimer leur prochain de la même manière, on pourrait s’éviter 30 heures de direct non stop avec Claude Sérillon et Sophie Davant et des dizaines de quidams qui dans tous les villages, même ceux où l’on n’aurait jamais l’idée d’habiter, réalisent des omelettes géantes ou des ascensions de clocher inutiles ! Vous réalisez d’un seul coup le grand vide cathodique pour le service public et le grand plein de satisfaction pour tout un chacun de ne plus entendre le 3637, ce 118 318 des bons sentiments ! Le geste, que dis-je, l’élan de Bill Gates, qui semble s’être téléchargé une conscience, devrait inspirer nos riches à nous, suffisamment nombreux pour sortir de la misère bien du monde.

« J’aimerais ne pas être l’homme le plus riche du monde. Il n’en sort rien de bon », a déclaré Gates, dans la foulée de sa Révélation. C’est sûr. Mieux vaut passer pour l’homme le plus généreux du monde. Les mauvaises langues disent déjà que Gates, malmené depuis quelques années déjà par différentes procédures qui ont ou vont affaiblir la position dominante de Microsoft, enfile une nouvelle panoplie, celle d’un milliardaire philanthrope pour redorer son blason. Même si c’était le cas, ça ne changerait pas grand-chose. Tant qu’il donne effectivement son argent, sa fortune immense, ou une partie d’elle-même à des œuvres caritatives, quelle importance que ce soit par calcul ? Ces calculs-là résoudraient bien des équations, si d’autres acceptaient de les faire.

Mais les étiquettes ont la vie dure, et on préfère nettement l’image de Mère Teresa vivotant avec ses petits pauvres près des tas d’ordures de Calcutta, ou celle d’un abbé Pierre se lissant la barbe dans des foyers de sans-abri l’hiver venu, que celle d’un homme qui annonce qu’il va aider le monde en se faisant construire dans le même temps une maison à 100 millions de dollars.

Milliardaire bienfaiteur, c’est antinomique. Pourtant, force est de constater qu’il faut d’abord avoir de l’argent pour en donner, et que plus on en a, plus on peut en donner. Alors, même si l’informaticien à lunettes le plus célèbre du monde s’éloigne peut-être de Microsoft (tout en en demeurant le principal actionnaire) avant que cette entreprise n’aille un peu moins bien, même s’il anticipe par là quelques difficultés qu’il pressent, même si son envolée lyrique a sans doute quelques accents qu’on qualifierait ailleurs de politiciens, peu importe, s’il ouvre aussi grand qu’il l’annonce son portefeuille, alors beaucoup en profiteront, beaucoup pour qui Google, Yahoo, Excel, Linux ou Word sont des contrées inconnues.

Si tout ne s’achète pas, sans argent on ne peut rien. Bill Gates ne va pas renflouer la planète, mais il a les moyens (comme l’indique son prénom) de régler quelques additions.


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