BNP-Paribas : « proche d’un racket d’extorsion » pour The Economist !

par Laurent Herblay
vendredi 18 juillet 2014

Ce n’était pas un allié auquel je m’attendais, mais la lecture du compte-rendu de l’accord entre BNP Paribas et la justice étasunienne par The Economist, l’hebdomadaire des élites globalisées, pourtant très favorable par principe aux Etats-Unis, apporte de l’eau à mon moulin.

Un abus de pouvoir caractérisé
 
Quelle agréable surprise que la lecture des deux papiers de The Economist consacrés à l’accord passé par BNP Paribas avec la justice étasunienne dans son édition daté du 5 juillet. Le journal donne une importance particulière à cette affaire puisqu’il y consacre un papier dans sa première section, consacrée aux principaux évènements de la semaine « Pas une façon de traiter un criminel  », qui donne le ton, suivi d’un autre article dans la section finance, intitulé « La punition capitale  ». Cette prise de position me surprend en partie car The Economist a tendance à soutenir l’impéralisme étasunien et a plusieurs fois indiqué que Washington pouvait chercher à imposer ses vues à la planète, du moment qu’elles servent sa conception du monde. Du coup, le journal n’est guère sensible à l’argument d’extraterritorialité.
 
Mais il questionne la mesure de la justice étasunienne : « la banque française méritait une sanction, mais le système légal des Etats-Unis est proche d’un racket d’extorsion  ». The Economist insiste sur le fait que BNP Paribas a aidé un régime monstrueux. Il soutient qu’il « est également vrai que les transactions en cause n’avaient rien à voir avec les Etats-Unis, mais parce qu’elles étaient en dollars, elles devaient être arbitrées à New York, ce qui a permis aux hommes de lois étasuniens de mettre un pied dans la porte  ». Il poursuit « même si BNP Paribas mérite pleinement sa sanction, le système légal qui l’a produit est plus proche d’un racket d’extorsion que de la justice (…) Tout processus qui peut faire paraitre les affaires de la BNP avec le Soudan autrement qu’une honte, doit définitivement être très défectueux  ».
 
Entre gris clair et gris foncé

Dans cette affaire, il semble que BNP Paribas s’est rendue coupable d’actes qui pouvaient être sanctionnés mais aussi que la justice étasunienne n’échappe pas à tout reproche, comme même The Economist l’admet. Même si on peut penser que son opinion anti-Etat et pro-entreprises peut l’influencer, cela montre que la vérité est dans les nuances de gris, ce qui me rend suspectes les opinions en noir et blanc, comme celle de l’anonyme qui défend mordicus la sanction sans vouloir admettre la moindre contestation. Pour l’instant, le déroulement du débat me pousse à conserver une opinion que je pourrais qualifier de gris foncé car les deux points qui me posent problème n’ont pas été pleinement remis en cause.

La question de l’extraterritorialité n’a pas été tranchée. En effet, on parle du fait que comme il s’agissait de transactions en dollar, alors, elles devaient passer par une chambre de compensation aux Etats-Unis, ce qui les ferait tomber sous le coup du droit étasunien. On évoque une chambre de compensation et non une chambre de transactions. Il ne me semble pas que toutes les transactions en dollars doivent passer par les Etats-Unis. Une chambre de compensation sert en général à rééquilibrer les soldes des organismes financiers, et seulement le solde. Et qui dit que ces transactions avaient un impact négatif sur le solde en dollar de la filiale suisse de BNP Paribas ? Enfin il ne me semble pas que si une banque chinoise échange avec Dubaï en euros, alors elle doive respecter le droit européen…

Merci à The Economist d’apporter de l’eau à mon moulin dans cette histoire abracadabrantesque. Si BNP Paribas est sans doute critiquable (sinon, ils n’auraient sans douté pas accepté de payer), les demandes et la façon de procéder de la justice étasunienne n’en reste pas moins extravagantes et ne lui sont permises que par le fait qu’ils sont la première puissance économique de la planète et qu’ils en abusent.


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