Boko Haram, ou l’impuissance de l’Union africaine

par Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko
jeudi 15 mai 2014

Depuis le rapt des lycéennes de Chibok par les islamistes de Boko Haram, dans l’Etat de Borno au Nigéria, force est de constater l’implication de la société civile et des autorités occidentales dans l’espoir d'obtenir leur libération. En effet, depuis un mois de captivité, une mobilisation croissante n’a cessé d’interpeller l’opinion internationale sur Internet et dans la vie quotidienne en vue d’une aide au Nigéria pour tenter de retrouver les 223 adolescentes. Si les Occidentaux s’engagent à travers les aides étatiques et les manifestations citoyennes, force est de constater l’absence totale des pays de l’Afrique de l’Ouest. Pis encore, l’Union africaine s’est quasiment inscrite aux abonnés absents. Ainsi est-on en droit de se poser des questions sur le sérieux des institutions régionales et continentales en Afrique.

 

Boko Haram

Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est un péché ». Il s’agit d’un groupe islamiste radical, classé comme organisation terroriste pars les Etats-Unis, qui sévit au Nigéria depuis une douzaine d’années. Possédant une assise solide parmi les populations de la région, précisément dans le Nord-Ouest, il prône l’application stricte de la charia et s’attaque au gouvernement, aux chrétiens et parfois aux musulmans modérés. Créé en 2002 par Mohamed Yusuf, Boko Haram est aujourd’hui dirigé par Abubakar Shekau. Le mariage sans dot entre membres du groupe incite cette structure à recourir aux enlèvements de jeunes filles et à imposer le remariage des veuves des « martyrs ».

 

Concertations à Paris

En proie aux fragilités internes, le Nigéria, pourtant puissance militaire régionale, a fait appel à l'aide extracontinentale. A cet effet, à l’initiative du président Goodluck Jonathan, une rencontre se tiendra à Paris le 17 mai prochain dans le cadre d’un sommet régional pour la lutte contre Boko Haram. Celle-ci se tiendra en présence des présidents camerounais, tchadien, nigérien et béninois, ainsi que des représentants américains, britanniques et une délégation de l’Union européenne – l’Union africaine étant, curieusement, non conviée. Le choix de Paris incite plus d’un spécialiste à s’interroger, d’autant plus que, allié traditionnel des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, le Nigéria a longtemps entretenu des relations distantes avec la France du fait des positions françaises en faveur du Biafra à la fin des années 1960 puis du Cameroun dans le conflit frontalier autour de la péninsule de Bakassi.

 

La dépendance aux puissances extracontinentales

Jusqu’à présent, s’agissant de l’enlèvement des lycéennes de Chibok par Boko Haram, l’Union africaine s’est contentée d’une simple déclaration d’intention. En effet, la présidente en exercice, Nkosazana Dlamini Zuma, a qualifié cet enlèvement de « stratégie visant à terroriser et à effrayer la population nigériane et le monde entier ». Ainsi a-t-elle appelé tous les pays membres de l’Union africaine et la communauté internationale à soutenir le gouvernement nigérian pour combattre énergiquement l’enlèvement de jeunes filles, les meurtres et autres délits perpétrés par le groupe islamiste. Mais concrètement, l’institution africaine n’a rien entrepris pour assister les autorités locales dans la lutte contre un groupuscule qui essaie d’imposer sa volonté dans le secteur frontalier entre le Tchad, le Niger et le Nigeria. On est encore très loin de l’Afrique rêvée de Nkosazana Dlamini Zuma. La présidente de l’Union africaine écrira-t-elle la nouvelle page de l’histoire de l’Afrique en laissant systématiquement la résolution des problèmes continentaux aux pays étrangers ? Avoir foi en l’Afrique, c’est se donner les moyens pour mieux faire face aux nouveaux défis. C’est rendre enfin le continent africain indépendant. Une Union africaine impuissante ne pourra en rien faciliter la coopération intracontinentale, ni asseoir solidement le panafricanisme.


Lire l'article complet, et les commentaires