Bolivie ou quand l’histoire nous rattrape

par David Carayol
lundi 19 juin 2006

Le saviez-vous : la Bolivie, un des pays les plus pauvres du monde, par deux fois déjà s’est trouvée sur un trésor... la première fois, c’était il y a 500 ans, la deuxième, c’est aujourd’hui... La première fois, les Européens ont pillé ce trésor ; et aujourd’hui, que ferons-nous ?

Région du Potosi, Haut Pérou, année 1545, un filon d’argent est découvert. Il se révèle contenir d’énormes quantités de ce métal précieux. En trois siècles d’exploitation coloniale, jusqu’en 1825, ce sont 40 000 tonnes d’argent, ou trois fois le stock européen d’alors, qui furent extraits de ces mines et exportés, pour la majeure partie, en Europe[1].

L’Eldorado était rêvé d’or par les colons espagnols, il se révéla d’argent.

Les quantités extraites furent si importantes qu’elles sont pour de nombreux économistes à l’origine des débuts de l’essor du capitalisme en Europe, puis dans le reste du monde[2].

Autour de cette mine, à 4090 m d’altitude, s’est érigée la ville de Potosi, la plus haute du monde. Elle fut aussi la plus peuplée du monde en 1650, comptant alors 200 000 habitants.

Cette ville et ses mines sont à l’origine de deux expressions encore utilisées aujourd’hui : "Vale un Potosi" en Espagne qui signifie "ça vaut une fortune" ou encore "c’est le Pérou" pour signifier la richesse d’alors.

En cinq siècles d’exploitation, 8 millions de personnes y ont également laissé leur vie, issues des populations locales aymara, quechuas ou d’Afrique.

Aujourd’hui, Potosi et ses mines existent toujours, et le PIB par habitant y est le plus faible de Bolivie. La Bolivie, elle, compte 9 millions d’habitants, 55% des habitants sont indigènes et 60% sont pauvres.

En 2000 sont découvertes près de Santa Cruz, région orientale de la Bolivie, d’énormes réserves de gaz qui, très vite, sont estimées comme étant la deuxième réserve d’Amérique latine (après le Vénézuela).

Le 18 décembre 2005 pour la première fois en Amérique latine, un président indigène, un Aymara, est élu ; son nom : Evo Morales.

Il est élu après un feuilleton politique plein de rebondissements qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis 2000 et qui verra quatre présidents se succéder en quatre ans, trois soulèvements populaires et le soulèvement de la police bolivienne.

A l’origine de cette crise sans précédent depuis vingt ans, dans un pays dont l’histoire est jalonnée de coups d’état, un nouveau trésor : le gaz.

Chronologie des événements :

Les causes cachées de ces événements :

La longévité de cette période d’instabilité sociale et politique de la Bolivie est à la mesure des injustices criantes et de la corruption sous-jacente depuis de nombreuses années déjà.

L’histoire des cinq cents dernières années de la Bolivie est une histoire qui est fondamentalement marquée par le pillage de ce pays. Suffisamment a été écrit là-dessus. L’histoire de la Bolivie du XXe siècle est largement liée au contrôle de ressources du sous-sol, principalement les hydrocarbures.

Plus récemment l’article intitulé « Les opérations d’ENRON en Bolivie[8] » résume à lui seul la mise en place d’un autre pillage systématique des ressources naturelles de la Bolivie.

Voici un échantillon de quelques-unes d’elles :

- Signature d’un accord d’association entre ENRON avec YPFB (la société d’exploitation nationale d’hydrocarbures boliviens) en 1994 sous la première présidence Lozada à Miami (où réside ce même président, aujourd’hui en fuite), sous la loi de l’Etat de New York (Etats-Unis) alors que la loi stipule l’obligation de signature sous la loi bolivienne. La société ENRON fut associée à la YPFB afin de trouver des financements pour le projet de gazoduc géant (le plus gros d’Amérique latine) entre la Bolivie et le Brésil. Il fut découvert plus tard que PETROBAS avait déjà négocié la fourniture de ce gazoduc clés en main, la participation d’ENRON n’ayant donc plus de sens. On apprend également dans un autre article tout aussi éloquent qu’ENRON aurait alors payé près de 2,5 millions de $ pour favoriser cette signature[9]...

Mais pour cela ces peuples auront besoin de sécurité et de confiance, car c’est essentiel pour bâtir des relations saines et durables entre les peuples !

Je laisse le mot final à Monsieur Morales, président de la Bolivie[13] : « My family and my people historically have been excluded, but we do not exclude others. We have been enslaved, but have never enslaved anyone else.”

David Carayol



  1. [1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Bolivie
  2. [2] http://www.greenleft.org.au...
  3. [3] http://www.unesco.org...
  4. [4] http://www.latinreporters.com/...
  5. [5] http://www.latinreporters.com...
  6. [6] http://www.latinreporters.com...
  7. [7] http://www.latinreporters.com/...
  8. [8] http://www.eca-watch.org/...
  9. [9] http://www.mondialisation.ca/...
  10. [10] http://www.prensa-latina.cu/...
  11. [11] http://www.europarl.europa.eu...
  12. [12] http://www.europarl.europa.eu/...
  13. [13] lors de son allocution au Parlement européen

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