Burundi : de la propagande banale à la banalisation des Génocides ?

par Bertrand Loubard
mardi 23 février 2016

Pour ce qui est du volet "informations" relatif à la situation prévalant au Burundi ces derniers mois, on peut constater certains "points" qui suggèrent des interrogations, in fine, assez angoissantes.

Il ne se trouve (à ma connaissance), ni dans la presse écrite, ni dans les autres médias traditionnels, aucun essai (ou quasiment) de remettre la situation actuelle dans un contexte historique cohérent et vérifiable. Les assassinats de Rwagasore (1961), de Pierre Ngendandumwe (1965), de Ntare V (1972), les génocides des Hutus (1965 - 1969 - 1972) et les dictatures des MiKombero (66-76), Bagaza (76-87) et Buyoya (1987-2003), n'ont jamais, ou presque, été évoqués. La situation qui a suivi l'élection et l'assassinat de Ndadaye (octobre 1993) n'est quasiment jamais rappelée. La guerre civile qui a éclaté suite à l'assassinat de Ntaryamira (6 avril 1994) semble même devoir être un détail de l'histoire, une histoire qui "tourne mal" actuellement. Or après 2000 (Arusha) et depuis 2003 (Accord de cessez-le-feu), il y eu 12 années pendant lesquelles, vu d'ici, les processus se mettaient, progressivement, en place pour faire émerger la levée des contraintes de redémarrage d'une vie socio-économique et culturelle "presque normale" malgré, à certains moments, des heurts violents. Tout ceci ne nécessite pas une analyse dans les média : non, c'est indéniablement bon pour les poubelles de l'histoire. Dans la situation actuelle, faire du caractère "ethnique" des problèmes burundais les gros titres des médias accroche instantanément les attentions. Cela tranquillise immédiatement, sans autres besoins intermédiaires de critique raisonnable, car donnant une lecture recadrant les faits dans l'habitude, dans la banalité.

Il est vrai que Nkurunziza aurait sans doute mieux fait de ne pas se représenter même s'il prétexte (lui et sa "nébuleuse") d'une interprétation de la Constitution burundaise qui l'aurait autorisé à se présenter pour un second mandat à l'élection au suffrage universel en 2015. Il serait évident que les deniers développements semblent bien démontrer que l'attachement au pouvoir de Nkurunziza (et de sa "mouvance") pourrait être plus viscéral que sous-tendu par l'"intérêt supérieur de la nation". Il semble aussi évident qu'une répression violente des manifestations ait été une réponse non appropriée et disproportionnée à l'opposition, dans la mesure où ces manifestations non téléguidées étaient réellement la seule façon, pour l'opposition, de s'exprimer spontanément et pacifiquement. Il se pourrait aussi que Nkurunziza (et son "entourage") protège une fin de règne pour se préparer une retraite reposante en dehors de tous soucis matériels comme c'est souvent le cas avec les politiciens (de tous les continents). Cependant, comme dans certaines situations de troubles populaires (et pas seulement en Afrique) ne se pourrait-il pas qu'il y ait eu des provocations ? Les provocations sont toujours "planifiées", par définition, pour que soit indécidable la désignation d'un coupable et ainsi provoquer la spirale de la violence. La première provocation serait-elle, de fait, celle imputable à Nkurunziza de se présenter à une réélection présidentielle ? Aurait-elle été un des éléments d'une planification en vue d'un génocide (qu'il "devrait être normal" de qualifier, d'ores et déjà, d'"annoncé") ? Nkurunziza aurait-il pu s'approprier (ou préserver), de cette manière, des avantages impossibles à obtenir (ou conserver) autrement ? Devait-il courir le risque d'affronter des mouvements insurrectionnels pour pouvoir s'accaparer du pouvoir et, comme ailleurs, le perdre très rapidement ? Devait-il se cacher derrière un "parti majoritaire", sans doute divisé de l'intérieur (mais peut-être moins que les autres) ? Ces "motivations personnelles, intentions intimes et planifications supposées" dont Nkurunziza pourrait sans doute un jour être soupçonné, répondre et, éventuellement, être convaincu, constituent-elles une première et injuste agression pour autant ? Est-ce que le fait de briguer un second mandat (même irrégulièrement) justifie le fait de deux tentatives de coups d'état militaires et sanglants en moins de deux mois ? Cette situation imposerait-elle que des groupes de civils soient armés, sauf preuves du contraire, par un trafic d'armes depuis le Rwanda (constaté par l'ONU) ? Justifie-t-elle le fait que des Burundais soient entraînés par des militaires rwandais au Rwanda pour être ensuite envoyés sur le terrain, au Burundi (même constaté par les USA !) ? Le cas M23 est-il en train de se répéter ? .....Dans le cas de Daesch, l'EI, les Talibans, Al Qaïda, les Moudjahidines et autres Djihadistes de tous poils, ne parle-t-on pas d'infiltration, de radicalisation et de terrorisme ? La cohérence entre les stratégies de provocation propres à Tahrir, Tripoli, Maidan, Benghasi et d'autres lieux ainsi que l'homologie dans la structure des mensonges relatifs aux armes de destructions massives, à l'anthrax et aux autres arsenaux chimiques ne devraient-elles pas surprendre, interroger l'esprit, mobiliser la réflexion critique à propos de ce qui s'observe au Burundi d'aujourd'hui ?

Pour en revenir "à la presse écrite et aux autres médias traditionnels ....", peut-on y trouver, par exemple, des chiffres crédibles concernant les dernières élections aux différents échelons de pouvoir au Burundi ? L'opposition a boycotté le dernier scrutin présidentiel, bien entendu, en faussant les résultats, évidemment ! Mais cela aurait-il changé l'ordre des "arrivées" (selon l'expression de Colette Braeckman à propos des dernières élections en RDC) ? Par contre, si on prend les élections communales et législatives précédentes qui ne semblent pas avoir été contestées ou "techniquées" ni avoir entraîné des troubles significatifs, on s'aperçoit que les chiffres des électeurs inscrits, des abstentions, des différends résultats et autres indicateurs concourent à des "images" assez homogènes, stables et constantes d'année en année. Non, il ne s'agit pas des 99,99 % de la pétition spontanée au Rwanda voisin pour la "perpétuation" des mandats présidentiels. Non il ne s'agit pas des 99,99 % de "oui" au référendum qui s'en suivit, ni des 100 % obtenus aux différentes assemblées constitutionnellement réunies pour la circonstance. En fin de compte un chiffre assez constant, au Burundi, semble tourner autour de 65% pour le parti auquel le Président appartient....Cela serait-il le signe manifeste d'une manipulation des résultats ? Cela nécessiterait-il une intervention de la Communauté Internationale ? S'agirait-il d'une écrasante minorité qui dominerait une infime majorité ?

A propos de l'intervention internationale que demanderait à corps et à cris le peuple burundais lui-même et la Communauté Internationale amie de ce peuple, le C.S. de l'ONU n'a élaboré aucun projet ou proposition de résolution sachant que la Chine et/ou la Russie y apposeraient leur veto. L'OUA s'est elle aussi refusée d'intervenir dans une question de souveraineté nationale. Et ce malgré que Musévéni, le dictateur d'Ouganda depuis 30 ans, ait été "pressenti" par la Communauté Internationale pour jouer, comme d'habitude, comble des combles, le rôle de pompier - pyromane qu'on lui connaît. La proposition de médiation de l'Afrique du Sud a été passée sous silence (évidemment puisque l'Afrique du Sud fait partie du BRICS). Nelson Mandela, en cautionnant l'accord d'Arusha de 2000, n'aurait-il pas dit que le Burundi était, à l'époque, un pays qui connaissait l'apartheid de noirs par des noirs et que les conditions dans laquelle vivaient les Hutus burundais s'apparentaient à celles des camps de concentration ? Et on ne peut pas dire que Nelson Mandela soit particulièrement négationniste....Le peuple burundais aurait-il une raison de craindre un retour à la situation pré-2000 ?

Les informations sur les 55 dernières années de l'histoire du Burundi semblent donc devoir être "labellisées conformes" dans les médias principaux. Il en est ainsi presque chaque fois qu'un régime ne plait pas à la Communauté Internationale à laquelle appartiennent ces médias "pré-formatés". Il y a d'abords les vraies - fausses accusations jamais ni confirmées ni démenties (celles de l'avocat belge et ses images diffusées sur une chaîne de télévision française, les images de charniers prises par des "satellites ONG", etc.). Ensuite il y a le dénigrement, la diabolisation d'une personne-symbole (suivant un député européen : Nkurunziza : "président prédicateur - joueur de football"). Et puis l'atteinte à la liberté de la presse avec, récemment, la dénonciation fracassante de l'arrestation des journalistes du Monde, incident abondamment documenté avec un effet traditionnel d'annonce étonnamment absent lors de leur libération. Tout cela semble bien huilé comme une partition jouée et rejouée, comme un "tube de printemps" qui entre dans l'oreille, peu importe l'interprète. Tout cela ferait-il partie d'une stratégie efficace comme dans d'autres pays et d'autres circonstances ? En tout cas, cela participe à la banalisation de la propagande (comme l'attentat du Falcon 5O rwandais, du MH 17 malaisien et d'autres dont, avec le temps, tout le monde s'en fout). Mais plus grave, cela banalise aussi la notion de Génocide puisque maintenant la « R2P », chère à Samantha Power, autorise tout un chacun d'accuser préventivement n'importe qui de présomption de négationnisme prémédité. Car pour "paraphraser" Georges Bush : "celui qui n'accuse pas, est révisionniste".

Les richesses du Sud-Kivu, ne constituent pas pour le Burundi le cocktail explosif qu'elles ont été dans le Nord-Kivu pour le Rwanda. Les eaux du Lac Tanganyika et le sous-sol burundais ne renferment rien en valeurs "minérales" sures, à l'heure où le bourses dévissent et les cours s'effondrent. Que pourrait-il donc bien justifier l'inquiétude de la part de la Communauté Internationale au Burundi ? L'absence d'une base de l'US Army ?


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