Cameron, un eurosceptique à Downing Street

par AJ
mardi 25 mai 2010

 

Le leader des conservateurs britanniques James Cameron s’est logiquement installé au 10 downing street, prenant les commandes d’une coalition tories-lib dems inédite outre manche. A moins de 43 ans, ce pur produit du système éducatif anglais, passé par l’Eton College et Oxford, partisan du changement et d’un parti conservateur à visage humain, plus jeune premier ministre de l’histoire ( il devance de peu Tony Blair en matière de précocité) disposerait a fortiori de tous les atouts pour incarner une vague moderniste caractérisée par un renouvellement générationnel de la classe politique. Or, le "Hung parliament" (parlement suspendu, soit un parlement sans majorité absolue) dont ont accouché les échéances du 6 mai dernier témoignent du phénomène inverse : le scandale des notes de frais a contribué à creuser un fossé entre les électeurs et la classe politique, et les tories ne doivent leur succès qu’à la lassitude provoquées par treize années de travaillisme, le phénomène Clegg témoigne d’ailleurs de la volonté des électeurs d’en finir avec le bipartisme. David Cameron n’incarne donc ni un vent de modernisme ni une régénération de la classe politique britannique.

De plus, l’arrivée de David Cameron à Downing Street tombe au pire des moments pour les europhiles : alors que les réticences allemandes à contribuer au plan d’aide pour la Grèce fragilise l’union monétaire et le processus de construction européenne dans son ensemble, l’arrivée d’un europhobe confirmé tel que David Cameron n’est guère favorable au développement de l’UE. En effet, en dépit de son physique de gendre idéal suggérant une certaine ouverture, Cameron s’inscrit dans une pure tradition eurosceptique britannique. Ainsi, aux dernières échéances européennes, les conservateurs britanniques ont quitté les rangs du PPE, le Parti Populaire Européen, (la droite européenne) au profit d’une nouvelle plateforme, l’ECR (Conservateurs et réformistes européens) au côté du président tchèque Vaclav Klaus, qui s’était illustré par sa détermination à faire échouer le traité de Lisbonne ainsi que le mouvement polonais PiS, celui du président défunt Lech Kaczyński, tout aussi eurosceptique. Plus gênante est la participation de la petite formation lettone Pour la partie et la liberté, qui s’est illustrée l’an dernier par une proposition de loi visant à indemniser les soldats de la Waffen-SS durant la seconde guerre mondiale, une branche militaire du régime nazi. Le fait que le polonais Michal Kaminski préside le groupe est également condamnable au vu des positions ambiguës que tient ce dernier, jadis adhérent au mouvement néonazi Renaissance nationale de la Pologne.
Le traité de Lisbonne tout juste ratifié après plusieurs années d’immobilisme, l’arrivée au pouvoir de David Cameron dans un état clé de l’union comme le Royaumme-Uni laisse entrevoir de nouvelles heures difficiles pour l’UE. David Cameron ne fait pas mystère de sa volonté de retirer à Bruxelles des responsabilités, afin de les exercer pleinement au sein du Royaume Uni. Comme tous les Etats membres nous nous battrons pour notre intérêt national assurait ainsi les conservateurs dans leur programme, et s’engageaient également à conditionner tout transfert de souveraineté vers Bruxelles à l’approbation des britanniques par référendum. L’euroscepticisme exacerbé de David Cameron n’est d’ailleurs pas sans rappeler Margaret Thatcher si bien que le célèbre « I want my money back » de la dame de fer pourrait parfaitement être une citation de l’actuel premier ministre.

En revanche, Nick Clegg pourrait bien contraindre les conservateurs à adoucir leurs positions : européen convaincu, polyglotte et favorable à l’adoption de l’euro, le vice-premier ministre, leader des lib-dems, sait que sans son soutien au gouvernement Cameron, c’est un gouvernement minoritaire que serait contraint de conduire le leader des Tories. Les deux hommes se sont d’ailleurs entendus pour reporter à plus tard les questions communautaires, de façon que David Cameron ne se lancera dans l’arène qu’une fois les grands chantiers de la coalition mis en oeuvre....à moins que la romance entre Nick Clegg et David Cameron ne s’interrompt brutalement avant...

 

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