Cameroun : La famille de Biya porte plainte pour des blagues de cour de récréation

par Aimé Mathurin Moussy
mercredi 21 novembre 2018

Mépris et mensonge : tels sont les deux piliers du pouvoir actuel. Les « neveux du président » ont livré leur premier assaut judiciaire, contre un internaute, qui s’est fendu d’affronts, voire de quolibets à l’endroit de la défunte mère du président. Rien que ça. Les Camerounais nécrophiles, se sont confondus en jérémiades et autres lamentations compassionnelles, pour s’apitoyer sur un macchabée, sur une cendre, sur un être inanimé.

Non ! Cette sortie enflammée, cette gouaille de cours de récréation, apparemment ludique de ce trentenaire, exprimait la colère d’un peuple méprisé et trompé. C’était la manifestation des oubliés, celle du Cameroun profond et périphérique, qui ne travaille pas, qui ne se soigne pas, qui n’a pas de pouvoir d’achat, qui a perdu ses libertés. Son indignation est d’autant plus grande, qu’on ne comprend pas pourquoi, dans ce pays aux ressources innombrables : Que des milliers d’orphelins et de veuves soient délaissés ; Que cette jeunesse soit sacrifiée. A cause d’une caste hautaine et désinvolte, d’une oligarchie et ploutocratie désincarnée.

Depuis 36 ans, les Camerounais vivent dans une désillusion vertigineuse. Foin sur la paupérisation ! Foin sur le délitement social. Comme dans les années 60, on meurt de malnutrition, de choléra, de paludisme. Comme aux premières années des indépendances, les coupures intempestives d’électricité, les coupures d’eau battent leur plein. Cette infortune, n’est pas du goût de la famille présidentielle. Elle est tapie sous des lambris dorés. Elle vit à la solde de l’Etat. Ils sont tellement déconnectés, qu’ils ne saisissent même plus le langage du citoyen lambda, les jurons de bars, les blagues de gamins.

 La réalité où on aurait voulu voir la réclame et la glose de la famille présidentielle, lors de l’accident ferroviaire d’Eséka ; Lorsqu’une jeune fille a succombé lors de son accouchement, parce qu’elle n’avait pas d’argent pour corrompre les médecins. On aurait voulu voir cette famille présidentielle au chevet de milliers de réfugiés anglophones au Nigéria. On s’attendait à voir cette famille présidentielle venir au secours des familles monoparentales. Parce qu’on a insulté, la foufoune, la chatte, le cul de la défunte mère du président, la meute se met en branle. Ici en France, depuis toujours on caricature les hommes politiques, décédés ou actuels, sans que cela ne fasse l’objet d’un procès. Dans toutes les émissions radiophoniques ou audiovisuelles en France, on charrie, on insinue, sur le cul, sans que cela n’écorne la population. Pourquoi faut-il faire des fatwas sur le cul au Cameroun, pays qui s’inspire tant de la France ? La mise en scène ambitieuse d’un procès ne trompe plus personne. Cette histoire qui est partie du néant, se terminera dans le néant. L’internaute concerné, ici en France, ne risque rien. C’est plutôt ce pouvoir qui en sortira ridiculisé.

Il est ému aujourd’hui pour un mort. Il connaît le chagrin d’un orphelin. Une blague quoi ! Jamais ou presque, on a vu Paul Biya, assister aux obsèques de ses ministres, amis et collaborateurs. En 36 ans, si ma mémoire est bonne, il a assisté à la mise en bière de son aide de camp en 1992. Depuis ce temps, rien. Les Camerounais ont ressenti depuis des lustres que Biya n’a cure de leurs préoccupations. Il est habité d’un mépris profond et structurel à l’endroit de son peuple. Son peuple lui demande une seule chose, c’est de laisser le pouvoir au véritable vainqueur de cette élection.

Qui peut sérieusement imaginer que cette famille présidentielle, qui dispose théoriquement d’un mandat de sept ans pour transformer le pays en profondeur, comme il le prétend, puisse se donner pour priorité, une action en justice, pour des injures (le cul de ta mère) de cours de récréation. On savait que Biya est à côté de ses pompes, de là à transformer le Cameroun, en une vaste cour de récréation, il faut avoir une expérience particulière en politique. Voilà un subterfuge bien ficelé au palais, pour distraire une fois de plus le peuple.

AIME MATHURIN MOUSSY


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