Cameroun : Monseigneur Bala, une décoration à titre posthume pourquoi faire ?

par Aimé Mathurin Moussy
vendredi 11 août 2017

Après la découverte macabre de la dépouille de Monseigneur Benoît Bala, le 2 juin 2017 dans le fleuve Sanaga, c’est la première fois où, pendant deux mois, l’on n’aura parlé de rien ou de presque rien.

C’est un poids supplémentaire sur les épaules du prélat, cette décoration à titre posthume décernée par le Président Biya, lors de ses obsèques le 3 Août 2017,ne prenant pas en compte les résolutions du parquet, est lourde de sens. Car, l’évêque est selon la justice de son pays considéré comme un suicidé. Le décorer, est-ce une provocation ostentatoire du pouvoir en place, ou une simple bourde d'amateurs ?

 L’Ordre de la Valeur au Cameroun est une distinction décernée aux braves, aux morts pour la Patrie ; aux valeureux fils de la Nation…Je ne sais pas si donner la mort, même à soi-même est un honneur en soi, et mérite la reconnaissance des pouvoirs publics ?

Dans cette affaire sensible portée à la connaissance du public, l’Etat n’a pas été disposé à relever le défi d’un débat public, c’est-à-dire en prenant le peuple souverain à témoin, pour montrer l’indépendance de l’institution judiciaire. Dans le cas de l’autopsie, pourquoi ne pas avoir associé la conférence épiscopale pendant toutes les actions menées ? Pourquoi l'Etat n'a pas mis sur pied une commission ad hoc pour dissiper tous les doutes ?

Il s'avère que le Garde des Sceaux a opté de piétiner allègrement les préoccupations du clergé. Il a donc saisi Interpol, en toute opacité pour faire jaillir sa part de vérité. C’est la première fois, dans l’histoire de notre pays, où l’on a osé appeler des experts étrangers pour faire l’autopsie d’un mort, faisant fi de notre indépendance médicale et sanitaire.

Une République, ce sont ses lois. La force de loi, c’est de permettre à toutes les parties en conflits d’opposer un débat contradictoire, où chaque partie doit faire preuve de sa bonne foi. La bonne foi, c’est-à-dire la légitimité du poursuivi et du poursuivant, le sérieux de l’enquête à charge et à décharge, le respect de présomption d'innocence. Dans le cas d'espèce, au lieu de prôner la transparence, le gouvernement a planté les germes de la suspicion. Au lieu de rassurer, le pouvoir en place a multiplié l'arrogance. Mais à quelles fins ?

Reste que, on se sera plus intéressé aux perturbateurs endocriniens ou à la mise en scène du meurtre, qu’aux responsables et commanditaires du crime. L’Etat se préoccupait plus des batailles de leadership au sein de l’épiscopat, que d’éclairer l’opinion sur le déroulement des auditions. 

C’est ce flou, qui a suscité une protestation solennelle de la conférence épiscopale, contre ce qu’elle considère de dévoiement judiciaire. La conférence épiscopale croit avoir fini par remonter le fil conducteur de cette surprenante mort. C’est ainsi que les évêques sont arrivés, sur la foi de diverses sources et de plusieurs documents concordants, à la conclusion selon laquelle, Monseigneur Benoît Bala a été assassiné.

Mis en cause, qui plus est gravement, tant les faits sont lourds d’implications légales et morales, l'Etat camerounais a choisi l'outrance. Et pourtant, comme n’importe quel justiciable, il était en droit de nous prouver sa bonne foi, en procédant à l’autopsie collégiale du prélat défunt. Rappelons-le, le gouvernement n'est pas au-dessus des lois, il a des comptes à rendre. C'était l'occasion de l’affirmation solennelle du droit fondamental des citoyens. Un des principes de ce droit, est que la justice est rendue au nom du peuple. En somme, la démocratie est véritable, si la justice peut être rendue au détriment des puissants et des puissances établies.

 Donc, si on apprécie le geste à sa juste mesure, il se trouve donc que Monseigneur Bala soit tombé au champ d’honneur,puisque le Président considère le prélat comme un héros national, au point de lui décerner , le valeureux titre de Chevalier de l'Ordre Nation de la Valeur. Il est donc temps, de lui restituer son honneur bafoué par la justice de son pays qui qualifie son decès de suicide. J’ose croire que, dans la suite des gouvernants, le bon sens saura diriger leurs consciences. 

© Aimé Mathurin Moussy


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