Ce chaos libyen qui disqualifie le droit d’ingérence

par Laurent Herblay
mardi 29 juillet 2014

Il y a trois ans, avec le soutien de la grande majorité de l’opinion publique, plusieurs pays étaient intervenus dans la guerre civile libyenne. Les récents évènements démontrent plus que jamais que l’ingérence, fût-elle drapée d’humanisme, est sans doute une erreur.

Purgatoire en enfer
 
Qu’il est loin le temps où Nicolas Sarkozy pouvait s’afficher fièrement comme le sauveur du peuple libyen. Cela fait trois ans que le pays ne parvient pas à se stabiliser. Comme le rapporte le Monde : « la violence en Libye, qui dure depuis des mois, a pris une nouvelle dimension. Plus de cent morts en deux semaines d’affrontement, des combats qui s’intensifient près de Tripoli et à Benghazi, une menace de voir exploser un gigantesque dépôt de carburant aux portes de la capitale, sur fond de coupures d’eau, d’électricité et d’internet, alors que se confirme l’absence d’autorité centrale et que les étrangers quittent le pays aussi vite qu’ils le peuvent ».
 
L’intervention de 2011, qui a permis la chute de Kadhafi, n’a laissé qu’un immense chaos, un pays sans Etat, où les bandes tribales s’affrontent pour le contrôle du territoire, faisant d’innombrables victimes. Le plus effarant est que la situation continue à se dégrader trois ans après, dans une descente aux enfers représentée aujourd’hui par le sort incertain de la capitale, mais aussi de la ville phare de la révolution d’il y a trois ans, Benghazi. Les évènements de 2011 ont précipité le pays dans une guerre civile tribale dont on se demande bien quelle pourrait être l’issue aujourd’hui et qui impose de se demander si la situation n’était pas finalement moins mauvaise avant 2011, même si l’on reconnaît tous les aspects révoltants du régime de Kadhafi.
 
La fin de l’ingérence ?

Devant le fiasco complet des suites de l’intervention de 2011, cela amène forcément à se demander si toute ingérence n’est pas par nature à proscrire. En effet, il faut rappeler ici qu’il s’agit sans doute de l’intervention qui s’est faite dans les meilleures conditions, puisqu’elle consistait à venir en appui à une opposition organisée qui voulait renverser un dictateur (et dont l’échec aurait provoqué des représailles), que l’ONU avait appuyé l’intervention (au contraire de l’Irak) de même que la ligue arabe. C’est ainsi que Dominique de Villepin, Nicolas Dupont-Aignan ou Hubert Védrine avaient soutenu (sous conditions, pas totalement respectées) l’intervention. Le fait que des personnes attachées à la souveraineté nationale le fassent semblait être un bon présage.

Mais le premier problème fut le fait de passer par l’OTAN, une organisation issue de la guerre froide, qui n’a plus la moindre légitimité aujourd’hui et qui aurait dû disparaître, ce qui était déjà un mauvais signe. Il est bien évident qu’une intervention sous influence étasunienne représente une provocation qui ne pouvait pas permettre un rassemblement du peuple libyen derrière la nouvelle autorité, qui devait son pouvoir en bonne partie à Washington. C’est aussi du pain béni pour les islamistes les plus radicaux pour qui il s’agit sans doute de la meilleure publicité. Fort heureusement, le précédent libyen a sans doute joué un rôle dans le refus d’une intervention en Syrie qui aurait probablement laissé un même chaos, pas forcément moins horrible que l’actuel.
 
Ce qui se passe en Libye représente une leçon dont nous devons nous souvenir. D’autant plus pour moi, qui avais, de peu certes et après hésitations, soutenu l’intervention. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que l’ingérence semble accentuer le mal au lieu de le guérir.

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