Ce qui se trame pour les accords d’Abraham

par Dr. salem alketbi
samedi 15 avril 2023

L’accord saoudo-iranien a suscité un débat parmi les analystes et les experts, certains affirmant qu’il sape les accords d’Abraham signés par Israël avec plusieurs États du Golfe et États arabes, et qu’Israël est le plus grand perdant de cet accord. Ils prétendent que l’Arabie saoudite ne poursuivra pas ses efforts de normalisation avec Israël.

Toutefois, un examen plus approfondi de la situation suggère que ces hypothèses ne sont peut-être pas tout à fait exactes. La signature d’accords de paix avec Israël ne vise pas nécessairement à construire un mur de défense ou un axe de confrontation avec l’Iran.

En fait, certaines politiques officielles réfutent cette idée, comme la décision des Émirats arabes unis de reprendre les relations diplomatiques avec l’Iran après avoir signé un accord de paix avec Israël. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la politique étrangère des Émirats arabes unis, qui vise à s’ouvrir à tous les pays et à apaiser les tensions.

Malgré cela, la coopération économique et stratégique entre les EAU et Israël s’est poursuivie et n’a pas été affectée par l’ouverture des EAU à l’Iran. En outre, il ne s’agissait pas d’une démarche unilatérale, car les alliés des Émirats arabes unis dans le Golfe étaient au courant de leurs mouvements vers l’Iran. En outre, des cycles de négociations ont eu lieu entre l’Arabie saoudite et l’Iran, avec la médiation de l’Irak, comme l’ont confirmé les médias à l’époque.

La question de la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël n’a rien à voir avec l’Iran. Riyad a ses propres considérations, intérêts et calculs, et nous ne pensons pas que la «  sensibilité  » à une éventuelle contre-réaction iranienne soit un facteur significatif dans ces calculs, si tant est qu’elle existe.

Israël a une vision stratégique qui implique la mobilisation des forces régionales pour faire face à la menace nucléaire iranienne. Si les deux parties reconnaissent le danger, les faits montrent que la signature d’accords de paix avec Israël n’est pas directement liée à cette vision. Elle est plutôt motivée par un désir de coopération régionale, l’établissement d’une culture de coexistence et d’autres raisons économiques, scientifiques et technologiques qui n’ont rien à voir avec la mobilisation régionale.

Ainsi, les accords d’Abraham progressent parallèlement à la reprise des relations entre Téhéran et les capitales du Golfe, avec un impact limité l’un sur l’autre. Les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) comprennent la nécessité d’apaiser les crises régionales et de parvenir à la stabilité par l’autosuffisance, compte tenu du rôle déclinant des États-Unis et de la volonté de réduire les interventions étrangères dans la région.

On peut dire qu’il n’y a pas d’agenda politique saoudien lié à la normalisation des relations avec Israël dans la reprise des relations entre Riyad et Téhéran. Il existe une position officielle saoudienne sur cette question et des avancées réelles ont été réalisées, comme l’autorisation pour les avions israéliens de survoler l’espace aérien saoudien. Ces mesures et décisions n’ont rien à voir avec l’Iran, d’autant plus que le dialogue saoudo-iranien a débuté il y a deux ans et a abouti à un accord signé à Pékin avec la médiation de la Chine.

La Chine est devenue un acteur important dans l’équation de la sécurité régionale et il est peu probable qu’elle compromette les accords d’Abraham. En effet, ceux-ci correspondent aux intérêts stratégiques de la Chine, qui cherche à assurer la stabilité et la sécurité dans la région du Golfe arabe, d’où elle importe environ la moitié de ses ressources énergétiques.

Quant à savoir si Israël peut être considéré comme une partie perdante dans la reprise des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran, on peut affirmer sans équivoque que les partisans d’une mobilisation régionale contre l’Iran peuvent considérer Israël comme un perdant, indépendamment de l’ampleur réelle ou de l’impact stratégique de la perte. Toutefois, l’idée qu’Israël soit perdant est avant tout théorique, car le concept de mobilisation militaire régionale n’a jamais été réalisable. Nombreux sont ceux qui ont d’abord écarté la possibilité que les États du Golfe rejoignent une alliance militaire explicite contre l’Iran.

De mon point de vue, l’Arabie saoudite est en train de vivre un changement politique, avec des objectifs stratégiques très ambitieux qui font qu’il est difficile de prédire comment elle abordera des questions telles que la normalisation des relations avec Israël sur la base de constantes dépassées. Comme nous l’avons noté précédemment, il existe une ambiguïté déclarée dans la position saoudienne à l’égard d’Israël.

En outre, il existe un mouvement régional qui fait qu’il est difficile pour la diplomatie saoudienne de rester isolée. En outre, des mouvements rapides et de grande ampleur sur l’échiquier régional et international visent à remodeler les fondements de l’ordre mondial post-Ukraine. Forte de son influence régionale et internationale, l’Arabie saoudite pourrait éprouver des difficultés à penser au-delà de ces contextes stratégiques changeants.

Par conséquent, il reste à voir si la position saoudienne sur les accords d’Abraham restera soumise aux déterminants que Riyad a annoncés à de précédentes occasions ou s’il y aura une percée significative qui permettra à l’Arabie saoudite d’obtenir d’énormes intérêts stratégiques en échange d’une modification de sa position sur certains dossiers non résolus.

En bref, la reprise des relations entre Riyad et Téhéran n’équivaut pas nécessairement à l’abandon des accords d’Abraham par l’Arabie saoudite, car la position du royaume est principalement fondée sur des questions sans rapport avec l’Iran. Cela n’implique pas non plus une remise en cause des accords actuels. En outre, les faits montrent que la région connaît des transformations rapides, ce qui rend difficile d’exclure toute possibilité.

Cependant, tout dépend encore du comportement et des décisions d’Israël, qui doit tenir compte de ces changements importants et agir de manière à promouvoir ses intérêts auprès des États arabes et du Golfe, notamment en ce qui concerne la désescalade de la situation avec les Palestiniens.


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