Comment Poutine a scellé le sort de Nabucco
par AJ
jeudi 3 décembre 2009
C’est ce contexte qui a favorisé l’émergence du projet "Nabucco", un gazoduc de 3300 kilomètres, qui permettrait d’alimenter l’Europe en gaz, qui ne provienne pas des réserves de Sibérie, en passant par la Turquie. Un projet vecteur d’unité pour l’Europe, qui plus est ! Or, l’Allemagne de Schröder et l’Italie de Prodi puis Berlusconi ont cédé aux sirènes russes qui vantaient dans un même temps les mérites de North Stream et Sud Stream, deux projets sous-marins, qui contournaient ainsi les pays de transit "à risque". En conséquence, le poids stratégique de Nabucco s’en est trouvé amoindri, et seule la France, à qui la Turquie refusait une participation en raison de sa position sur la génocide arménien, avait les moyens de préserver l’attractivité du projet. En son absence, seuls la Bulgarie, la Hongrie, l’Autriche, la Roumanie, la République Tchèque et la Turquie s’embarquent dans l’aventure.
De plus, Vladimir Poutine avait souligné, au début d’année, le flou relatif qui règne quant à l’origine du gaz que transportera Nabucco : la production des pays d’Asie Centrale ne représente que 5% de la production mondiale, sans compter que l’Ouzbékistan et le Turkménistan restent sous protectorat russe de facto : leurs liens avec leur géant voisin restent trop étroits pour que l’Europe y voit l’espoir d’une dépendance gazière moins prononcée vis-à-vis de la Russie. D’autant plus que cette dernière s’active pour s’assurer l’acquisition de champs au Turkménistan ou en Ouzbékistan. Quant à l’Irak, le climat géopolitique l’empêche de l’inscrire au rang des fournisseurs fiables et sécurisés. Sans compter qu’un nouveau pas pourrait être franchi d’un moment à l’autre dans le cadre des tensions liées à la question kurde, alors que les champs gaziers irakiens se situent au Kurdistan. En somme, comme l’assure M.Poutine, Nabucco ne peut être alimenté sans l’Iran. Hors de question pour l’UE, qui n’envisage guère dépendre non plus de la Russie mais de l’Iran : blanc bonnet et bonnet blanc.
En plus de la France, Vladimir Poutine a obtenu, sans que l’accord n’obtienne une résonance médiatique en France, la participation financière de l’Autriche à South Stream, sans que cette dernière ne mette en cause son implication dans Nabucco : quoi qu’elle en dise, le gazoduc européen devient par la même occasion pratiquement caduque. En une dizaine de jours, Vladimir Poutine s’est donc assuré du soutien de la France et de l’Autriche, scellant ainsi le sort de Nabucco. Un coup de maître....
A retrouver dans son contexte original sur http://lenouvelhebdo.com