Comment Trump conçoit le dossier iranien
par Dr. salem alketbi
lundi 5 août 2019
Comme tout analyste le sait, le président américain Donald Trump préfère éviter le scénario de guerre avec l’Iran dans la période actuelle, en prélude à l’élection présidentielle américaine. Mais que se passera-t-il après ces élections ? Comment le Président Trump envisage-t-il la prochaine étape ?
Dans l’un de ses tweets de la semaine dernière, Trump a dit : « Rappelez-vous que les Iraniens n’ont jamais gagné une guerre, mais jamais perdu une négociation ! » Cette déclaration a un certain nombre d’implications en termes d’analyse politique.
Tout d’abord, le président Trump ne s’inquiète pas de faire la guerre à l’Iran, contrairement à ce que certains croient. Il préférerait gagner l’épreuve de force sans tirer un seul coup de feu. Tel est son principal pari par lequel il cherche à prouver qu’il est différent des autres anciens présidents américains.
En revanche, le tweet implique que le président Trump est plus prudent lorsqu’il s’assoit à la table des négociations avec les Iraniens qu’il ne l’est lorsqu’il les affronte militairement. Comment faire alors ?
La Maison-Blanche sait que négocier avec le régime des mollahs est une tâche difficile, et je pense que cela motivera le président Trump à insister pour négocier avec le régime et obtenir une victoire politique contre lui.
Cela pourrait suffire à aiguiser l’appétit du président Trump pour une bataille de négociation avec les mollahs. L’œil d’homme d’affaires de Trump, son habileté à négocier, est la force motrice pour entrer dans une bataille négociée. La victoire validera son style de gestion de crise politique.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a proposé de se rendre en Iran pour des entretiens. « Bien sûr, si telle est la décision, j’irais volontiers là-bas (...) Je serais heureux de pouvoir parler directement au peuple iranien, » a-t-il déclaré dans une interview accordée à Bloomberg TV.
L’offre, qui a été rejetée par le régime des mollahs, n’était qu’une tentative d’ouvrir une ligne directe avec les mollahs. Récemment, la médiation des émissaires des grandes puissances régionales et régionales s’est enlisée. La médiation du sénateur républicain et membre de la Commission sénatoriale des relations étrangères Rand Paul a fait de même.
Les médias ont rapporté que lors de sa récente visite au siège de l’ONU en juillet dernier, Paul a reçu le feu vert de son « ami » le président Trump pour rencontrer le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif. Paul a invité Zarif à Washington pour discuter d’une solution à la crise croissante.
Parallèlement à ses efforts pour trouver une issue aux négociations, l’administration va de l’avant avec des sanctions sévères. Des sanctions récentes ont été prises à l’encontre du ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif, à la suite des sanctions contre le Guide suprême iranien Ali Khamenei, le Président Hassan Rouhani et les commandants des Gardiens de la révolution, dirigés par le général Qassem Soleimani.
En fin de compte, les mesures prises par l’administration ne sont pas claires. Ils ne forment pas encore une stratégie intégrée pour faire face à la menace iranienne. Mais ce sont des étapes calculées qui suivent deux chemins parallèles.
La première est de gagner du temps et de donner aux mollahs la corde avec laquelle ils peuvent se pendre. A cela s’ajoute une approche impliquant des sanctions d’une sévérité sans précédent. Le pari est sur le facteur temps pour amener les mollahs à faire des erreurs, contribuant à construire une mobilisation internationale contre eux jusqu’à la fin de la prochaine élection présidentielle américaine.
A ce moment-là, le scénario de mesures militaires désastreuses contre le régime iranien serait à l’ordre du jour, une fois que toutes les possibilités de règlement politique de la crise auraient été épuisées.
La deuxième est d’essayer de négocier avec le régime à des conditions qui répondent à l’objectif du président Trump. L’atout est de dompter le régime iranien, de l’empêcher de fabriquer une arme nucléaire, de réduire ses capacités de missiles et d’affaiblir son influence régionale, en particulier en Syrie, pour rassurer et sécuriser Israël.
Mettre en exergue les capacités de négociation de l’Iran est ce qui intéresse le président Trump en ce moment. Je dirais que son tweet sur les capacités de négociation des Iraniens est un moyen d’ancrer l’idée de la victoire de l’Iran dans l’accord signé en 2015 entre les mollahs et le groupe P5+1.
Obtenir des points supplémentaires au-delà des termes de cet accord, conformément aux attentes du président Trump, serait une victoire de négociation sans précédent pour le régime des mollahs, du point de vue de son administration. L’administration s’efforce d’y parvenir et d’en faire la promotion lors de l’élection présidentielle américaine comme l’une des réalisations du premier mandat du président Trump.