Crise Egyptienne : L’hypocrisie de la communaute internationale

par Francois SERANT
lundi 19 août 2013

La Communauté internationale, les USA en tête, est partie prenante de la chute de Mohamed Morsi en Egypte. Les jeux ont été faits dès l’accomplissement de la chute programmée de l’émir du Qatar remplacé sur injonction de Washington par son fils Tamim, pour avoir pris en toutes libertés trop d’initiatives, assez pernicieuses, pour l’Occident. Nous faisons allusion à la crise Malienne, à l’infiltration de djihadistes en Algérie et aux mauvais résultats engrangés dans le combat engagé contre le régime de Bachar Al Assad en Syrie. L’appui de Ryad et d’Abu-Dhabbi à la junte civilo-militaire en Egypte dès le lendemain du départ de Morsi témoigne de la complicité ou de la duplicité de certaines puissances occidentales dans le coup de force.

 Il faut dire en fait que les Etats-Unis d’Amérique ont des amis chez les deux protagonistes, aussi bien chez les Frères musulmans qu’au sein de l’armée qui bénéficie d’une aide militaire annuelle de plus d’un milliard de Dollars qui s’assimile en réalité à un deal. Et l’instigateur du renversement, le Général Al-Sissi est un pion de Washington au sein des forces armées Egyptiennes dont la quasi-totalité des officiers supérieurs sont formés dans les académies militaires d’outre-Atlantique. Ceci n’empêche pas que les puissances aient deux fers au feu. Les leaders politiques de l’opposition ou du pouvoir en place mangent souvent dans la même gamelle, la même mangeoire. Les grandes puissances gagnent à tous les coups. Le peuple qui s’encanaille est toujours le dindon de la farce.

En fait quels sont les objectifs poursuivis en mettant le feu au pays des pharaons. Divers scénaris sont en lice ?

1- Au départ le candidat de l’armée lors des dernières élections présidentielles a été l’ex ministre de l’intérieur de Moubarak, le général Chafik. Sur injonction de Washington selon des sources bien informées, il a été plutôt fait choix du représentant des Frères musulmans pour rester dans l’ambiance du moment, pour respecter la nouvelle carte géopolitique établie qui fait de cette mouvance le moteur du « changement » dans les régions du Maghreb et du Machrek. Ils ont aidé à renverser Kaddafi, Ben-Ali, Moubarak. Ils sont le fer de lance de la tentative de renversement du régime Syrien.

Donner à cette mouvance le trône du Caire revient à neutraliser la diplomatie et le poids politique immense de l’Egypte dans le monde arabe, dans le sillage de la crise Syrienne. Et la dernière prise de position de Morsi qui rompt les relations diplomatiques avec la Syrie et appelle les jeunes Egyptiens à faire le djihad sur les routes de Damas va dans le sens des intérêts du moment de l’Occident. Cependant, cela n’empêche qu’on décide de renverser l’échiquier et de tout recommencer. En balançant les Frères musulmans, après avoir tenté de balancer leurs pendants Turcs du parti d’Erdogan, on opte pour le chaos que gardés au pouvoir ils finiraient par créer dans le long terme. Selon des analystes, ils seraient, ces fondamentalistes, ces fanatiques, des idiots utiles qui s’autodétruisent et qui ne savent même pas où mène le tunnel obscur où ils sont entrainés. Si la canaille ne le sait pas, les dirigeants le savent toujours. On finirait selon ce scénario par avoir la peau de la puissance Egyptienne qui reste le dernier rempart du monde arabe. L’Irak et la Libye sont neutralisés, la Syrie en feu. Place nette pour la configuration du nouvel ordre géopolitique de la région.

2- Les militaires, en éjectant Morsi auraient selon certains leur propre agenda, à côté de celui de leur tuteur. Le renversement de Morsi, suite à des changements d’humeur ou de stratégie des tuteurs a fait l’affaire de la hiérarchie militaire et des classes dominantes Egyptiennes qui n’avaient pas donné de gaieté de cœur le pouvoir aux Frères musulmans. L’armée avant d’agir a tenu compte de ses propres intérêts. Elle s’est rendue compte que les Frères musulmans restés au pouvoir auraient fini par la phagocyter comme l’ont fait leurs coreligionnaires Turcs du parti AKP de Erdogan. L’Egypte finirait par perdre totalement sa souveraineté, suite à l’éclatement ou l’asservissement de l’armée par les enturbannés. L’armée qui constitue un Etat dans l’Etat, à l’instar de l’armée Turque avant l’arrivée au pouvoir des « islamistes » a pensé agir au plus vite pour garantir ses privilèges politiques et économiques. Et nous en sommes sûrs que l’Armée Egyptienne fera face à quiconque se met en travers de ses intérêts fondamentaux, renversera la vapeur et changera le cours de l’histoire si nécessaire.

Quelle est la marge de manœuvre des tuteurs occidentaux et du pouvoir Egyptien ?

Le pouvoir Egyptien est aujourd’hui dans l’impasse aussi bien que les tuteurs occidentaux. Comment dénouer cette difficile équation ? Les deux protagonistes Egyptiens mangent à la même gamelle, mais leurs ouailles enflammés n’en savent rien et décident d’en découdre dans la rue. Jusqu’où va nous amener cette controverse ? L’Occident va toujours sortir la langue de bois en condamnant énergiquement les derniers massacres. Cependant, il ne sera pas aussi prompt à faire intervenir l’OTAN comme il le fit contre Kadhafi qui n’a jamais été son fils de pute. Al-Sissi est des leurs. Lui aussi, il ne sait sur quel pied danser. Va-t-il mettre fin à la « démocrature » Egyptienne et remettre les pendules à l’heure de Moubarak ou à l’heure de Nasser ? Il est un fait les Frères musulmans ne peuvent pas revenir au pouvoir élections ou pas. La victoire leur a été acquise sur le fil. La prochaine fois, ce fil sera assez ténu, suite aux derniers évènements. Il est tout aussi acquis qu’i n’y a pas d’avenir pour un pouvoir néo-Moubarak.

L’Occident devrait jouer la carte El-Baradei qui a démissionné du gouvernement suivant un timing bien précis. Il est indéniable qu’il savait bien au départ qu’on allait droit vers ce mur : les massacres des trublions de la Confrérie des Frères musulmans. Sa démission de la junte civilo-militaire devrait lui donner une nouvelle jeunesse politique, faire de lui l’homme du nouveau Centre, comme l’ont fait certains démagos sous les tropiques. Les frères musulmans ne le lui pardonneront pas, son allégeance au nouveau pouvoir. La hiérarchie militaire et ses affidés, faiseurs de rois, ne lui pardonneront non plus sa démission opportuniste. Sur qui l’Occident devra compter si El-Baradei a brulé trop tôt ses vaisseaux ? Le prochain poulain civil de l’Occident ne pointe pas encore à l’horizon. La démission de El-Baradei, si ce dernier a une influence certaine sur la mouvance TAMAROD, fer de lance du renversement de Morsi aura le mérite d’éroder la base populaire du pouvoir Egyptien, pas plus.

Et si le Général Al-Sissi arborait la stature nationaliste de Nasser, ce géant qui fait rêver une fraction non négligeable des masses Egyptiennes ? L’armée est la seule institution encore debout dans ce pays et qui marche. Elle est la seule à décider de l’avenir de ce pays. Morsi n’a pas compté avec elle. Il s’est jeté dans les bras de l’Amérique sans penser un instant qu’elle tient compte, comme toute puissance qui se respecte, de ses intérêts, de l’équation des forces politiques en présence. L’armée a suivi la dictée qui lui a été donnée, vu qu’elle allait dans le sens de ses intérêts primordiaux, des intérêts fondamentaux de l’Etat Egyptien dont elle a la garde. Les premières phrases de la dictée peuvent faire l’affaire des tenants du pouvoir Egyptien, mais ils n’en connaissent pas la suite qui est la plus importante et qui toujours s’écarte totalement de l’ébauche, par ces temps où prédomine le discours du chaos.

L’armée est maitre du destin de l’Egypte, personne d’autre, pourvu qu’elle demeure monolithique, à l’instar de l’armée Syrienne. Al Sissi, le leader, est-il capable de diriger cette fronde, à l’instar de ses prédécesseurs Neguib et Nasser ? Nous en doutons fort. La carte géopolitique de la région a changé avec la chute de Kadhafi au sud de l’Egypte. La Confrérie des Frères Musulmans qui y a joué un rôle majeur avec l’appui financier du Qatar et l’assistance militaire de l’Occident occupe le timon des affaires à Tripoli. Le spectre du scénario Syrien guette l’Egypte qui pourrait connaitre une longue guerre civile. On attaquerait l’Egypte via la Libye et le Soudan qui faciliteraient l’infiltration de milliers de djihadistes venus de tout l’Afrique du nord, ces soldats hystériques, inconnus et sans visage, porte- drapeaux de ces guerres de sous-traitance. En outre, il faut compter, comme moyen de pression, avec la manipulation des voisins dans le partage des eaux du Nil, question d’une importance stratégique pour l’Egypte. La Jordanie dirigée par le roi Abdallah II, substitué sous pression, au prince héritier Hassan à la dernière minute par le roi Hussein mourant, ne pourra lui être d’aucun recours, encore moins la Syrie engluée dans la crise.

L’Egypte avec ce scénario court de graves dangers et le risque d’être dépecé, amputé du Sinaï, cette zone stratégique très convoitée, suite à l’embourbement syrien. Avec l’agonie de l’Egypte, le monde arabe perdra ses repères. Les militaires Egyptiens, la Confrérie des frères en fait ne sont que des pions qui sont déplacés selon le bon vouloir de leurs tuteurs. L’Egypte hier a pu bénéficier de la conjonction des vues russes et américaines lors de la crise de Suez engendrée par la nationalisation du canal par Nasser face aux menées guerrières conjuguées de la France et de l’Angleterre pour des raisons diverses : l’appui de Nasser aux indépendantistes Algériens et la perte potentielle des revenus tirés de la gestion du canal. Pourra-t-il bénéficier aujourd’hui d’une telle conjoncture ? Les petits pays n’ont pas la force nécessaire pour faire face aux géants de la politique internationale. Leur béquille reste la diplomatie de la bascule, la diplomatie Louverturienne, le jeu des contradictions entre les super-grands. Ce monde presqu’unipolaire laisse-t-il une bouée de sauvetage au Général Al-Sissi, s’il veut réinventer l’Egypte ? Il y a toujours une bouée à qui sait chercher. Personne n’est seul au monde disait l’autre. Al Sissi a le choix entre se coucher ou se tenir droit sans sourciller, à l’instar du sphinx de Giseh. Au vu des dernières prises de position des hommes d’Etat, maitres à penser de la « Communauté internationale »L’Egypte court le risque de porter longtemps sa croix sur les routes de Damas. La politique du chaos initiée en Syrie semble être la priorité des tuteurs pour la région. Le scénario Syrien qui a un air de déjà vu, a-t-il des chances de réussir en Egypte ? Pour l’heure, deux citadelles arabes sont en train de brûler : la Syrie et l’Egypte ? Quand le feu sera éteint, les jeux seront faits. On saura alors des sauveurs qui étaient les vrais pompiers ou les pompiers-pyromanes.


Lire l'article complet, et les commentaires