De l’Ukraine et de la Palestine

par Laurent Herblay
mardi 6 mai 2014

Jour après jour, la situation se dégrade en Ukraine. L’Est rentre lentement mais sûrement dans une guerre civile, comme le rapporte Jacques Sapir. Certains médias présentent le camp russe comme les méchants face à de gentils urkainiens pro-européens, au mépris de la réalité, mais aussi de toute objectivité.
 
Deux poids, deux mesures

Imaginons un instant qu’après une brève guerre, la Russie occupe l’intégralité de l’Ukraine, qu’elle la tienne sous sa coupe financière au point de pouvoir l’asphyxier du jour au lendemain, qu’elle construise un grand mur pour se protéger, avec une découpe qui ne suit pas toujours les frontières mais s’enfonce parfois aussi dans le territoire ukrainien, qu’elle développe des colonies de russes dans tout le territoire, dans des zones qui échappent complètement à l’administration ukrainienne, et protégées par des murs, et qu’au final, l’Etat ukrainien n’ait qu’un contrôle limité sur une minorité de son territoire, le reste étant directement administré par la Russie, depuis Moscou, avec une solide présence armée. Le tout étant aggravé par de nombreux morts de part et d’autre, poussant la Russie à des interventions armées.

Cette situation, c’est celle de la Palestine vis-à-vis de l’état d’Israël depuis plusieurs décennies. Que dirait-on si Poutine soutenait, de près ou de loin, l’implantation de colonies de russes dans la partie orientale de l’Ukraine ? Pourtant, la communauté internationale continue à laisser faire cela à Tel Aviv, au mépris de toutes les règles internationales et même du simple bon sens humain. Il y a quand même un deux poids deux mesures complètement ridicules dans le traitement de la crise ukrainienne. Même si Poutine n’est pas tout blanc, ce que je n’ai jamais cru, même si je reconnais qu’il défend l’intérêt de son pays, il est hallucinant de voir se rallumer un discours de la guerre froide dans certains médias, The Economist atteignant sans doute des sommets de ridicule en appelant quasiment à une guerre sainte.
 
La responsabilité de l’Europe et des Etats-Unis

C’est ainsi que Marie Jégo, dans le Monde, se demande  : « Que va faire Vladimir Poutine ? Seul maître à bord, il n'a pas à soumettre sa décision à un collège de responsables, comme c'était le cas à l'époque de l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979, quand Leonid Brejnev avait dû écouter les arguments des autres membres du Politburo, l'exécutif soviétique ». En clair, Poutine serait pire Brejnev ! Pour information, même si elles sont loin d’être parfaites, il y a quand même des élections en Russie. Certes, Poutine n’est pas en ligne avec nos standards (au point que j’ai critiqué Marine Le Pen pour avoir clamé son admiration pour lui), mais cela ne devrait pas empêcher de prendre du recul. Et puis, les médias qui prennent partie de manière aussi caricaturale devraient veiller à ce qu’ils disent.

Par-delà le deux poids deux mesures avec les politiques d’Israël, les pays occidentaux sont triplement mal placés pour tenir ce discours. Le gouvernement qu’ils soutiennent de facto comporte de véritables néo-nazis, comme le pointe notamment Olivier Berruyer. Ensuite, il est difficile de ne pas voir la responsabilité de l’UE et des Etats-Unis dans la situation ukrainienne. C’est elle qui a exacerbé la volonté des ukrainiens russophiles, qui préfèrent finalement un retour dans la sphère d’influence russe que ce qu’on leur propose. Enfin, il est culotté de reprocher à la Russie ses pratiques après les attaques injustifiées et sanglantes en Afghanistan et en Irak, en contravention avec le droit international.

Bien sûr, comparaison n’est pas raison. Le contexte n’est pas le même. Mais, avant de désigner la Russie comme le méchant, nous ferions mieux de prendre un peu de recul : nous acceptons des comportements bien pires, ce qui relativise les critiques de The Economist, qui verse dans la russophobie de bas étages.


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