De la Villardière, l’ONU, les Territoires et Netanyahou

par BDarmon
mardi 27 décembre 2016

Un reportage au sujet de Jérusalem effectué par Mr de la Villardière et diffusé par M6 a provoqué des réactions d’indignations de la part des dirigeants communautaires juifs en France et en Israël, invoquant un antisionisme provocateur portant les germes de l’antisémitisme.
A la suite de ces réactions virulentes, j’ai regardé ce reportage d’un peu moins de deux heures.

Le journaliste analyse une situation actuelle et ne revient pas sur l’Histoire.
Il aurait pu rappeler les pogroms de Hébron ou Jérusalem dans les années 1920-1930. Il aurait pu pointer le fait que les Juifs furent chassés et spoliés de la vieille ville de Jérusalem en 1948 par l’armée jordanienne. Il aurait pu évoquer les centaines de milliers de juifs qui durent quitter les pays arabes à la suite de la création de l’Etat d’Israël. Tous ces faits sont la cause réelle du fait que les pays arabes tels l’Irak, le Liban, la Syrie, l’Egypte, l’Algérie, la Libye, le Yémen, et jusqu’en 1967 la Cisjordanie et Jérusalem Est étaient effectivement vides de Juifs. Le peu de Juifs restant se compte aujourd’hui par quelques centaines répartis au Maroc principalement et en Tunisie.

Pourquoi les Juifs furent-ils chassés par les Arabes des pays où ils vivaient pour beaucoup depuis des centaines voire des milliers d’années ?
La raison est : Israël, dont la seule existence a donné naissance à une idéologie hystérique mettant en cause Le vivre ensemble entre Juifs et Arabes dans les pays arabes, là où les Juifs n’étaient qu’une petite minorité !

Et pourtant, le reportage ne m’a pas choqué, car les faits sont têtus et l’approche était de saisir et rapporter une situation actuelle et réelle.
Quand les Israéliens ont conquis Jérusalem Est et la Cisjordanie en 1967, ces territoires comptaient 650.000 habitants dont aucun Juif. Quarante-neuf ans plus tard, la population est d’environ 3.000.000 dont 580.000 juifs qui habitent ce que les instances internationales appellent les « Territoires occupés ». Les localités juives sont nommées des colonies et leurs habitants des colons.
La population arabe s’est considérablement développée sous l’effet d’une natalité importante et aussi d’une immigration organisée entre 1967 et 1972.
De leur côté, les gouvernements israéliens successifs depuis 1967 ont favorisé les implantations juives dans cette région. Au départ, il s’agissait de positionner des points de peuplement dans des endroits stratégiques pour la défense du pays, comme dans la vallée du Jourdain ou aux alentours de Jérusalem. Par la suite les habitants juifs sont devenus très majoritairement religieux, voyant dans leur présence ici la réalisation d’une promesse divine.

Ces faits étant exposés, le reportage met en exergue le conflit entre, d’une part des Arabes qui vivaient dans cette région qui n’a jamais été un état avant la conquête israélienne, et d’autre part, ces habitants juifs qui, au nom de Dieu, sont convaincus d'être chez eux.
« La colonisation et l’occupation militaire » sont ainsi appréhendés par 2,5 millions d’habitants, certes endoctrinés dès l’enfance à la haine et la peur des Juifs et d’Israël, mais leur réalité au quotidien n’en est pas moins déplorable : Une vie sous le joug de soldats armés, de routes édifiées pour les seules populations juives, de check point, barrières de protection des implantations juives et du mur de séparation qui leur procure le sentiment d’être en prison. Leurs frustrations et humiliations sont bien réelles et destructrices de tout avenir commun. Elles sont exacerbées par une partie des habitants juifs fanatiques et arrogants qui, au mieux ignorent les Êtres Humains qui y vivent, au pire les considèrent comme des étrangers dans leurs propres maisons. Est-ce là l’esprit du judaïsme ?
Notre patriarche commun Abraham enterré justement à Hébron au cœur de ces territoires n’est-il pas un symbole de bonté et de bienveillance ? Lui n’édifiait pas des murs, sa tente était ouverte, son hospitalité légendaire. 

Sauf à être totalement possédé, il est difficile de justifier le fait d’acheter une maison en plein quartier arabe de Silwan, là où il n’y a aucun Juif, ne pas aller dans les commerces alentour, mettre au balcon des drapeaux israéliens signifiant aux Arabes vivant là : « Votre quartier est à nous ! ». Puis demander aux forces de l’armée israélienne de protéger la maison, s’en suivant l’installation de barrières, caméras et check point, déstabilisant la vie des habitants du quartier. Est-ce la parole divine qui autorise à pourrir la vie des gens avec l’espoir avoué et même revendiqué de les soumettre ou de les faire partir ? 
Même méthode lorsque les « jeunes des collines » installent un point de peuplement sauvage en hauteur au-dessus d’un village arabe pour contrôler la situation. Puis demander qu’une route soit créée pour arriver à leurs caravanes.
Pour éviter les heurts ? l’armée dresse un check point afin d’éviter toute déflagration.
Disons le, leur but n’est pas de vivre en Paix avec leurs voisins, mais de modifier sensiblement la vie des habitants arabes, enflammant les cœurs de haine et désir de vengeance.
La méthode me rappelle l’Histoire de « Ch’ha » que m’a rapportée mon père :
Ch’ha qui a besoin d’argent décide de vendre sa maison à laquelle il tient pourtant beaucoup. Il trouve un acheteur et lui demande s'il peut garder un clou qui est fixé sur un des murs et auquel il prétend être attaché. Surpris, finalement l'acheteur accepte.
Le lendemain, Ch’ha revient dans son ancienne maison et dit : « Je dois accrocher ce vêtement à mon clou. » Le nouveau propriétaire interloqué accepte puisque le clou appartient à Ch’ha.
Le surlendemain, Ch’ha revient et accroche à son clou une carcasse de viande. Cette fois, le propriétaire proteste. Mais Ch’ha lui répond « c'est mon clou, j'y accroche ce que je veux ! » La carcasse reste là plusieurs jours. Ne supportant plus la puanteur, le propriétaire de la maison n'en peut plus et proteste auprès de Ch’ha qui lui propose : « Si tu veux, je peux te racheter la maison, mais je n’ai que peu d’argent »
Ne pouvant plus vivre ainsi le vendeur accepte et Chha récupère sa maison pour une somme dérisoire.

Bien avant la création de l’Etat d’Israël, l’OLP, l’Etat islamique ou le Hamas, alors que le mouvement sioniste était encore en gestation, avant le premier congrès sioniste de 1897, un des penseurs les plus respectés de la pensée sioniste Ahad Ha’Am fit un voyage en Palestine Ottomane en 1891. A son retour, il écrivit un article qui s’intitulait « Vérité sur la Palestine » à l’intérieur duquel il mettait en garde les premiers promoteurs du Sionisme : « … les Arabes, comme tous les sémites, possèdent une vive intelligence et une grande astuce. Ils ne se laissent pas tromper par nos activités dans le pays et ils ont compris nos intentions, mais ils gardent le silence, car pour le moment ils n’y voient aucun danger pour leur avenir. Mais lorsque la vie de notre peuple en Palestine se développera au point que le peuple indigène s’en sente menacé, il ne cèdera pas si facilement. Avec quelle prudence devons-nous traiter avec un peuple étranger au sein duquel nous voulons nous installer ! Combien est-il important que nous fassions preuve de bienveillance et d’estime à son égard ! …. Si l’Arabe considère jamais l’action de ses rivaux comme une oppression ou une spoliation des ses droits, alors, même s’il est silencieux et qu’il attend son heure, la rage restera vivante dans son cœur. »

Cent vingt ans après, les propos d’Ahad Ha’Am raisonnent comme un cri prophétique malheureusement incompris et toujours d’actualité.

Le 23 décembre à l’ONU, le Monde unanime a demandé aux Israéliens de stopper la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette résolution qui a provoqué des réactions délirantes du côté du gouvernement israélien, n’est en aucun cas de la faute des Nations. C’est l’aboutissement logique d’une politique désastreuse menée par Netanyahou et fondée sur un double discours. 

Comme l’a expliqué l’ambassadrice américaine : On ne peut prétendre à la fois vouloir la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël et d’un autre ne cesser de construire dans les territoires destinés à ce futur Etat. Il est clair que le vote du conseil de sécurité de l’ONU est d’une logique redoutable et le véto américain fait écho à l’esbroufe de Netanyahou. Ce personnage respire la « suffisance ». Il s’estime plus intelligent que tout le Monde et pense pouvoir flouer ses ennemis comme ses alliés.
La réaction colérique du premier ministre israélien démontre l’échec total de sa politique du statu quo. 
Après avoir saboté les accords d’Oslo et porté le coup de grâce au camp de ceux qui recommandaient sincèrement la politique de la négociation Paix contre Territoires, le voilà acculé, seul contre le monde entier. 
Son ego surdimensionné, son manque de droiture et de franchise l’ont amené dans une impasse. Fâché avec les USA, avec la France, avec les Allemands, etc.
Sa politique de mensonge consiste à pointer chacun qui n’est pas d’accord, comme antisémite si c’est un Goy, et comme traitre si c’est un Juif.
Israël est totalement isolé sur la scène internationale. Et dans sa propre majorité, en ce pire moment, de nombreux ministres réclament l’annexion de la zone C représentant la majorité de la Cisjordanie.
Espérons que cette impasse ne mènera pas à une guerre, mais malheureusement, rien n’est moins sûr. 
Qu’on se le dise une fois pour toute : Si on prône une solution fondée sur la Paix contre les territoires, il faut arrêter de construire en Cisjordanie tant que les frontières de cet Etat ne sont pas négociées dans le cadre d’un traité de Paix.

Et pourtant la Paix ne dépend pas des constructions en Cisjordanie.
Les territoires contre la Paix, c’est le credo ânonné par les nations qui ne comprennent rien à cette guerre qui démarra il y a cent ans lorsqu’il n’y avait ni état d’Israël, ni territoires.

« La colonisation » (interdite par l’ONU) est ce superbe argument fabriqué par les occidentaux traumatisés par leur passé colonial, pour délégitimer le droit des Juifs à restaurer leur nation. 
Sauf à être apostat, les musulmans savent que cette Terre est fondamentalement liée aux Juifs. Le Coran qui ne mentionne pas une fois le nom de Jérusalem explique clairement que Dieu (Allah) a donné cette Terre aux juifs, bien avant la naissance de Mahomet Sourate 5, la table est servie, versets 20, 21 : (20.) (Souvenez-vous) lorsque Moïse dit à son peuple : ‹ Ô, mon peuple ! Rappelez-vous le bienfait d'Allah sur vous, lorsqu'Il a désigné parmi vous des prophètes. Et Il a fait de vous des rois. Et Il vous a donné ce qu'Il n'avait donné à nul autre aux mondes. (21). Ô mon peuple ! Entrez dans la terre sainte qu'Allah vous a prescrite. Et ne revenez point sur vos pas [en refusant de combattre] car vous retourneriez perdants. Ainsi que dans la Sourate 17, le voyage nocturne, verset 104, « Et après lui, Nous dîmes aux Enfants d'Israël : "Habitez la terre". Puis, lorsque viendra la promesse de la (vie) dernière, Nous vous ferons venir en foule. »

Cet argument de la colonisation est destiné aux sociétés occidentales laïques ou athées, mais en aucun cas aux croyants Juifs, Chrétiens ou Musulmans.
Si on considère que les Juifs colonisent Jérusalem, la Judée et la Samarie, ils n’ont a fortiori aucun droit de s’installer à Tel-Aviv ou Haïfa. 
Il s’ensuit au terme de ce raisonnement qu’il faut démanteler l’Etat d’Israël, état colonial, état illégitime, et en interdire l’accès aux Juifs. 
Assurément si les Juifs sont des colons à Jérusalem, ils le sont à Tel-Aviv.

Selon un sondage mené par le Washington Institute for Near East Policy publié le 24 juin 2014, la majorité des Palestiniens de Cisjordanie et Gaza sont opposés à la solution à deux Etats et revendiquent la totalité de la Palestine historique, signifiant ainsi la destruction de l’Etat d’Israël.
Selon l’enquête, 55,4% des Palestiniens de Cisjordanie et 68,4% de leurs voisins gazaouis considèrent que "récupérer la Palestine historique" devrait être "le principal objectif national palestinien pour les cinq prochaines années", avant la "fin de l’occupation".
Une large majorité de Palestiniens estime que la "résistance devrait se poursuivre jusqu'à ce que la Palestine historique soit libérée" même en cas de négociations fructueuses avec Israël.
65,2% des sondés (Cisjordanie et Gaza confondues) se disent prêt à faire partie d’un "programme en étapes en vue de libérer la Palestine historique".
Seuls 30,7% pensent que la solution à deux Etats constitue l’objectif final pour les Palestiniens, en cas d’accord avec Israël. Ça laisse songeur !
Considérant que les Palestiniens estiment que les Juifs n’ont aucun droit sur Jérusalem et Tel-aviv, si l’ONU jouait son rôle de vecteur de Paix, elle devrait voter une résolution affirmant que les Juifs ne sont pas des colons en Palestine. 
Cette affirmation permettrait de ramener les Palestiniens à la réalité et d’engager des négociations pour la Paix.

Les programmes scolaires des enfants arabes et juifs devraient rapporter ce que fut réellement l’Histoire. En finir avec des narratifs propagandistes de chaque côté. Expliquer que bien avant le sionisme, bien avant l’Etat d’Israël, bien avant que les Juifs français, anglais ou allemands soient devenus les citoyens de ces pays, ils avaient leurs racines ancrées en Terre sainte. Enseigner également la fuite et le déracinement de centaines de milliers de Palestiniens entre novembre 1947 et juillet 1948.

L’Etat d’Israël doit être fier de ses racines juives comme la France est fière de ses racines chrétiennes. Ces racines permettent le vivre ensemble quelle que soit sa croyance. 
Il convient de reconnaître que le chemin parcouru depuis soixante-dix ans par cet état devenu la huitième puissance mondiale est considérable. Dans les domaines de la biologie, physique, médecine, nano technologies, et high tech en général, Israël fait partie des nations les plus puissantes. Les universitaires et chercheurs israéliens collaborent avec leurs homologues des meilleures universités dans le Monde.

Pour ceux qui pensent à tort qu’il suffit d’évacuer des territoires pour obtenir la Paix, qu’ils sachent une fois pour toute que la bande de Gaza a été vidée de ses juifs et rendue aux palestiniens depuis plus de dix ans. Au début il n’y avait ni blocus maritime, ni aérien. Les Palestiniens de Gaza ont reçu des milliards de dollars pour construire les infrastructures d’un Etat.
Et pourtant les dirigeants palestiniens n’ont pas exploité ce territoire fertile, Ils ont ravagé cette région et utilisé les énormes sommes d’argent de l’aide internationale pour acheter des missiles et armer des milices qui font régner la terreur au sein de la population. Ils terrorisent et harcèlent en tirant des roquettes sur les villes israéliennes frontalières. Cette terre, qui est la plus fertile de la région, est aujourd’hui une désolation organisée par le Hamas pour servir leur diktat.
Les Egyptiens, qui ont eux aussi une frontière avec Gaza, ont construit un mur de sécurité encore plus élevé que celui côté israélien, pour éviter les incursions des extrémistes palestiniens trafiquants en tout genre. Ce mur égyptien de protection, personne n’en parle, et pourtant il sépare des Arabes d'autres Arabes que tout devrait rapprocher !

Jérusalem
A chaque fois qu’un immeuble sort de terre à Jérusalem, on accuse « la colonisation ». Jérusalem deviendrait une ville juive !
Et pourtant pour la première fois depuis 2000 ans cette ville retrouve sa splendeur passée : tous les croyants viennent et prient dans cette Jérusalem. Chaque année des centaines de milliers de Chrétiens s’y rendent en pèlerinage.
Monsieur de la Villardière est témoin que les musulmans prient et contrôlent leurs lieux saints. S’il avait fait le même reportage en mai 1967, il aurait constaté que le mur des lamentations était à l’abandon, utilisé pour faire pisser les ânes et les chevaux, et que toutes les synagogues de la vieille ville étaient en ruine incendiées et pillées.
Aujourd’hui, cette ville est en pleine croissance, y compris démographique et les populations juives et arabes se développent comme jamais.
Jérusalem est redevenue, grâce aux Juifs, un pilier mondial des sciences et du savoir avec son université reconnue où étudient juifs et arabes.
Avec ses hôpitaux ultramodernes où sont soignés les malades de toutes confessions et origines par les meilleurs médecins arabes et juifs.
Avec la gestion des lieux saints qui appartient à chacune des trois religions.
Avec ses théâtres, ses galeries d’art, Jérusalem vit comme jamais.
Quelle différence avec la Jérusalem jordanienne entre 1948 et 1968.
Que les Arabes le décident et Jérusalem deviendra la capitale de l’Humanité à laquelle ils auront toute leur part.
Qui connait cette région sait que les Arabes et Juifs ne peuvent être compartimentés. Rien ne pourra jamais séparer totalement les Juifs et les Arabes.
Il faut qu’ils vivent ensemble dans le respect et la dignité
Ce pourrait être au sein du même Etat avec des régions disposant d’une grande autonomie comme en Allemagne.
On peut également imaginer une confédération comme en Suisse.
Dans ce Moyen-Orient martyrisé, nous avons besoin de dirigeants courageux et droits, porteurs d’une nouvelle dialectique radicalement différente de ces discours de suspicion et de haine.
Il n’existe aucune raison valable d’empêcher un Juif d’habiter Jérusalem ou Hébron, là où l’Histoire juive est inscrite.
Il n’existe aucune raison d’empêcher un Arabe de vivre dignement et tranquillement dans un pays qui le représente.

Dans l’Ecclésiaste (Kohelet), le verset 7 du chapitre 3 explique : « il y a un temps pour tout, un temps pour déchirer et un temps pour recoudre, un temps pour être silencieux et un temps pour parler ».

Bernard Darmon.


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