De Verdun à Mossoul

par Lucchesi Jacques
jeudi 3 novembre 2016

En cet automne 2016 se déroule en Syrie une bataille décisive pour l’avenir du monde libre. Elle pourrait bien rejoindre, dans un siècle, celles que nous avons connues en Europe et que nous commémorons aujourd’hui.

 Voici plus de trois semaines que les forces irako-kurdes ont entrepris de reconquérir Mossoul et ses avant-postes. Trois semaines que des soldats courageux et déterminés talonnent, pilonnent et délogent les djihadistes de Daesh qui avaient conquis presque sans se battre, en juin-juillet 2014, cette ville - parmi les plus importantes d’Irak – et les villages environnants. On sait depuis quelle terreur ils ont fait régner sur la population - pourtant majoritairement sunnite -, rackettant et éliminant tous ceux qui manifestaient le moindre mécontentement. Ils continuent d’ailleurs à exercer des représailles sanglantes sur les villageois encore sous leur joug. Et vont certainement utiliser comme des boucliers humains une bonne partie des habitants de Mossoul.

Car la bataille finale se précise avec l’entrée, dans les quartiers-est de la ville, des forces coalisées depuis quelques jours. Sur le papier, leur supériorité est écrasante : trente mille soldats, bien équipés et soutenus par l’aviation franco-américaine face aux cinq mille hommes – grand maximum – de l’EI. Sur le terrain, c’est différent car l’avantage tactique est du côté des assiégés. D’autant que les djihadistes se sont préparés depuis longtemps à cette offensive, creusant d’innombrables galeries souterraines, minant les rues et les équipements urbains. Oui, la bataille qui commence va sans doute être très dure, avec des combats de rue comme on n’en avait plus vu depuis la seconde guerre mondiale, du moins si les combattants de l’EI envisagent de la défendre jusqu’au bout. L’autre hypothèse étant que ceux-ci quittent progressivement Mossoul pour se diriger vers la Syrie voisine et aller renforcer Raqqa – l’autre grand bastion de l’EI – qui est maintenant dans le collimateur des forces russo-syriennes.

Cette bataille sera terrible, et décisive aussi pour l’avenir du monde libre. Car ce qui se joue à Mossoul n’est pas d’ordre local mais bien international. C’est le combat, toutes ethnies confondues, de la démocratie contre un totalitarisme barbare et obscurantiste ; c’est la lutte de la tolérance religieuse contre l’intolérance la plus sectaire, des libertés individuelles contre la haine de ces libertés. Certes, la réalité humaine sera toujours plus complexe que les principes politiques qui la sous-tendent et les espoirs qui s’en dégagent. Mais il n’en reste pas moins que si le mal a un nom et un drapeau aujourd’hui, il ne doit jamais avoir un état digne de ce nom.

Oui, cette guerre est juste et nous sommes tous concernés, en France et en Europe, par les combats qui se déroulent dans cette partie du Moyen-Orient. A défaut d’y participer activement, il faut saluer la bravoure de ces soldats de la liberté, en particulier ces indomptables Peshmergas qui sont, dans leurs contrées arides, les plus farouches adversaires de Daesh depuis deux ans. Leur victoire si espérée ne mettra pas un point final – nous ne le savons que trop – au terrorisme islamiste, mais il réduira à néant les prétentions à un califat de l’EI. Et il se pourrait bien que dans cent ans, nos descendants parlent de Mossoul comme nous avons parlé de Verdun ou de Stalingrad. Car l’Histoire et ses tragédies n’ont pas pris fin, hélas, avec le XXeme siècle.

 

 Jacques LUCCHESI


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