Demain Christine Lagarde sera peut-être à Bilderberg ? Parce qu’elle le vaut bien...

par Flore Vasseur
mercredi 8 juin 2011

J’aimerais vous reparler cette semaine du Bilderberg, cette conférence qui réunit chaque année dans un lieu tenu secret - et à chaque fois différent - l’élite transatlantique des affaires, de la Politique et des media. Je vous en parle parce que la prochaine édition devrait avoir lieu de jeudi à samedi au Grand Hotel Kempiski de Saint Moritz en Suisse. Devrait car l’information n’est pas publique, le Bilderberg entretenant depuis son origine en 1954 le plus grand secret sur ce qui se dit, se passe ou se décide durant ces 3 jours de discussion à huis clos.

PDG, ministres en fonction, têtes couronnées, banquiers centraux, patrons de presse et militaires débattent dans un palace interdit au public et verrouillé par un service d’ordre impressionnant. Terrorisme, monnaie, climat, épidémie, conflits, tout y passe. Pourtant rien ne filtre. Malgré l’importance des personnalités impliquées (de Rockefeller à Angela Merckel, de Llyod Blankfein, le patron de Goldman Sachs à Tim Geithner, de Jean-Claude Trichet à Tony Blair qui y ont toutes participé, à des années souvent différentes*) malgré l’importance des personnalités donc et des sujets débattus, à ce jour, aucun des invités – même journaliste - n’a raconté son expérience ni permis d’évaluer l’influence réelle de ce groupe.

La blogosphère fourmille de rumeurs sur le sujet : création de l’Euro, ascension au pouvoir de Bill Clinton ou de Tony Blair, le Bilderberg tirerait les ficelles d’un jeu politique qui ne serait plus que mascarade. J’utilise le conditionnel à dessin Marc car le Bilderberg n’a pas fait l’objet d’enquête digne de ce nom dans la presse traditionnelle. Mais pourquoi ce black out médiatique au juste ? S’agit-il de collusion, de censure ? Le Bilderberg est-il un non sujet ou alors avons-nous peur ? Parler du Bilderberg c’est un peu comme jouer avec des allumettes. 

Pour comprendre un peu mieux, je me suis rendue l’an dernier à Sitges près de Barcelone, là où se tenait l’édition 2010 du Bilderberg. Et je n’ai rien vu d’autre qu’un hôtel bunker, protégé des regards et des quelques manifestants par un golf, des hélicoptères et des agents déguisés en altermondialistes. Je suis repartie bredouille, frustrée de n’avoir rien vu et peut être encore plus de n’avoir trouvé qu’une poignée de personnes devant les barricades de la police espagnole. Un peu bêtement, la faiblesse de l’opposition m’avait alors presque convaincue qu’effectivement, il n’y avait peut être rien à voir.

Il y a quelques jours j’ai rencontré dans son bureau, à Bruxelles, le Président du Bilderberg. La facilité à décrocher l’interview m’a paru suspecte et de fait, Etienne Davignon, vieux briscard de la politique et des affaires belges, ne m’a rien dit. Pour mémoire, Etienne Davignon, pardon le Vicomte Etienne Davignon a été très impliqué dans la construction de l’Union Européenne mais aussi la politique économique et les affaires étrangères de son pays, la Belgique. Passé à l’entreprise (il a été fondateur de Brussels Airlines, Président de la société générale de Belgique, puis de Suez Tractebel), c’est un as de l’influence, notamment au sein de la Table ronde des industriels européens, l’un des lobbies les plus influents sur l’Europe. Et d’ailleurs, j’ai eu en face de moi un homme gonflé de sa puissance. Une heure durant, il m’a servi la soupe d’une organisation boyscout, oeuvrant pour, je cite « la paix, la justice dans le monde, la meilleure entente entre les peuples ». J’ai ressenti toute cette culture du « too big to fail », du « trop gros pour sombrer », à l’œuvre chez une bonne partie de ce qu’il est encore convenu mais franchement, je ne sais plus pourquoi, l’élite.

J’étais rentrée de Sitges déçue de n’avoir rien vu. Je suis rentrée de Bruxelles furieuse de n’avoir rien entendu. L’édition 2011 du Bilderberg démarre donc ce jeudi. Au programme sans aucun doute, la Grèce, de l’Euro, de la Libye à « sauver », le cours des matières premières et de l’Internet à contrôler, et le FMI. D’après Etienne Davignon lui-même, Christine Lagarde, en campagne pour sa nomination, ferait un saut à Saint Moritz. Pour prendre le thé probablement.

Extrait d'une interview de Etienne Davignon, réalisée le 26 mai 2011 à l'occasion de la prochaine réunion du Bilderberg, dont il est Président

 

Liens :

- Les thèmes et les participants de l’édition 2011 seront annoncés via le site officiel du Bilderberg (sur lequel figurent également les thèmes et participants des trois éditions précédentes).

- Retour sur l'édition 2010 : Bilan de ma "visite" à Bilderberg...

- Chronique audio sur France Culture

- Blog de Flore Vasseur


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