Des armes aux rebelles syriens : un pari risqué
par MUSAVULI
samedi 16 mars 2013
La guerre en Syrie dure maintenant trop longtemps et on se demande bien comment y mettre un terme. Faut-il, comme l’envisage la France avec insistance, fournir des armes aux rebelles pour accélérer la fin du conflit ? Londres et Washington seraient sur la même longueur d’onde, mais les choses ne sont pas aussi simples.
C’est un conflit déclenché dans la foulée du Printemps arabe. L’« espoir » de renverser Bachar-Al-Assad, comme avant lui Moubarak et Ben Ali, s’inscrivait dans le scénario d’une « guerre éclair » à défaut d’obtenir le changement par la rue. Deux ans après, c’est l’enlisement. Plus de 70 mille morts selon la haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay. Et on ne perçoit aucun signe d’espoir à l’horizon. On s’achemine en revanche vers le scénario cauchemardesque de la guerre d’usure, sorte de guerre sans fin où le quotidien se résume en fracas des armes et à d’indicibles souffrances dont témoignent les morts par milliers. Jour après jour…
La rébellion n’a pas les moyens de venir à bout du régime lequel, de son côté, semble en capacité limitée pour reconquérir l’ensemble des territoires perdus.
Les initiatives çà et là pour tenter d’abréger la souffrance des populations n’aboutissent plus à grand-chose et l’ONU semble avoir perdu la main. En tout cas, elle ne pèse plus lourd, comme en témoigne la prise d’otage dont ses observateurs ont été l’objet début mars.
C’est dans ce contexte que la France et le Royaume-Uni envisagent de peser sur l’équilibre des forces. Selon le quotidien Britannique The Guardian, Paris et Londres envisagent de fournir des armes aux rebelles syriens, quitte à violer la Charte de l’ONU qui proscrit le recours à la force entre Etats (article 2.4) en dehors du cadre de l’ONU (chapitre 7). Une livraison d’armes qui violerait par ailleurs la décision du Conseil de l’Union Européenne du 09 mai 2011 proscrivant la vente d’armes à destination de la Syrie[1].
Les Etats-Unis seraient sur la même longueur d’onde, depuis des mois, et rien ne permet de ne pas considérer que ces fournitures d’armes ne sont pas déjà en cours et que les Occidentaux veulent juste rendre plus visible le soutien militaire aux rebelles syriens.
Seulement, en face, le régime syrien, qui a promis de résister jusqu’au dernier soldat ne montre aucun signe de panique. Sûrement grâce à l’appui ferme de Moscou dont le soutien militaire, sur le plan du droit et des relations d’Etat à Etat, est beaucoup plus acceptable que l’appui aux rebelles envisagé par Paris, Londres et Washington.
Ainsi, pour influer de façon décisive sur le cours des évènements, les puissances occidentales devraient fournir aux rebelles syriens d’importantes quantités d’armes et de munitions, et s’assurer que Moscou concède, in fine, à lâcher prise. Mais le risque est que ces armes se retournent un jour contre « nous ». Des souvenirs douloureux ne manquent pas.
Sans qu’il ne soit nécessaire de remonter à la guerre Tchado-libyenne au cours de laquelle l’armée française a dû faire face aux armes vendues par Paris à la Libye, qui était pourtant un Etat, la guerre du Mali rappelle combien cela est irresponsable de disséminer des armes, en quantité, dans les mains des groupes échappant à tout contrôle. L’Armée Syrienne Libre (ALS/principal groupe rebelle) ne semble plus maîtriser la situation sur le terrain, débordée par des groupes extrémistes, très motivés, mais avec des agendas qui ne font pas mystère.
Il faut surtout rappeler là où ça se passe : au Proche-Orient, une région hautement explosive.
Alors, toujours prêts à livrer des armes aux rebelles syriens ?
Boniface MUSAVULI