Des services secrets américains de plus en plus privés
par Michel Monette
mardi 30 janvier 2007
Mike McConnell, celui que le président Bush vient de nommer directeur de la National Intelligence à la place de John Negroponte, était vice-président de la firme privée Booz Allen Hamilton. Cette firme est étroitement associée aux services secrets américains, qui comptent de plus en plus sur l’entreprise privée pour accomplir leurs missions.
Au cours des dernières années, McConnel a été impliqué dans des opérations de surveillance controversées, dont le fameux programme Total Information Awereness. Il a derrière lui une carrière militaire dans les forces navales américaines qui l’a mené jusqu’au poste de vice-amiral. De 1992 à 1996, il a dirigé la National Security Agency (NSA). Si le nom de cette agence ne vous dit rien, peut-être celui d’ECHELON vous indiquera-t-il la nature de ses activités.
Le va-et-vient entre le secteur public et le secteur privé est courant aux États-Unis. Toutefois, depuis quelques années, s’est ajoutée une privatisation sans précédent des fonctions de l’armée et des services secrets.
Le journaliste indépendant Tim Shorrock estime que les États-Unis contractent au privé environ la moitié du budget annuel des 16 agences de surveillance, lequel s’élève à quelque 45 milliards US$.
Des militaires de carrière tels McConnell, qui ont eu accès aux plus secrets des secrets d’État, se font offrir de très bons salaires par les firmes les plus actives dans le domaine. Les premiers mots de McConnell à la presse en disent long sur sa vision du service civil : « I plan to continue the strong emphasis on integration of the community to better serve all of our customers . » (Democracy Now ! Mike McConnell, Booz Allen and the Privatization of Intelligence.)
C’est un vieil ami qui a approché McConnell pour le poste de directeur de la National Intelligence, l’agence qui chapeaute toutes les agences de sécurité. Cet ami est lui-même féru de l’art de mélanger intérêt personnel et intérêt public. Il se nomme Dick Cheney.
Selon l’enquête menée par Shorrock, les firmes privées mêlées à la sécurité nationale ont une très mauvaise réputation quand il est question de respect de la vie privée. Mais l’exécutif américain peut, en revanche, compter sur leur totale loyauté. Ce ne sont pas ces firmes qui vont s’opposer à une opération douteuse au nom de l’éthique publique. Le client a toujours raison.
C’est pour faire face aux avancées technologiques de la fin des années 1990 que les agences de sécurité américaines ont fait de plus en plus appel au privé. Elles avaient perdu la longueur d’avance qu’elles avaient toujours eue sur le privé.
Mais un autre phénomène a joué. Les administrations américaines n’ont eu de cesse de réduire le personnel de leurs agences. Il a bien fallu que celles-ci se tournent vers le privé dont une bonne partie du personnel venait du secteur public. Il fut d’autant plus facile d’attirer ce personnel qu’il était moins bien payé par le gouvernement.
Shorrock a pu mettre la main sur une information qui en dit long sur le rôle de Booz Allen. Il a découvert que la firme compte parmi son personnel « more than 10,000 TS/SCI cleared personnel ». TS/CSI est le niveau de sécurité le plus élevé.
McConnell était, avant sa nomination, président de l’Intelligence and National Security Alliance (INSA), l’association représentant les sous-traitants de la NSA et de la CIA (Salon.com The spy who came in from the boardroom).