Diplomatie algérienne et guerre libyenne

par GHEDIA Aziz
lundi 29 août 2011

Un adage populaire du terroir dit, en substance, ceci : « ne craint le feu que celui dont le ventre est rempli de foin ». Je crains que le profil bas adopté par le pouvoir algérien lors des révolutions qui ont secoué dernièrement certains pays arabes ne soit en conformité avec cet adage. Sinon comment expliquer le fait que pendant que le peuple algérien vibrait de tout son corps avec les insurgés libyens et attendait avec impatience la chute du tyran de Tripoli, notre diplomatie, réduite depuis plusieurs années maintenant à sa plus simple expression, observait une neutralité politique très suspecte. 

Elle n’a, à aucun moment, essayé ne serait-ce que de proposer aux belligérants un plan de sortie de crise. Pourtant, du fait de sa position géographique (qui fait que la l’Algérie partage avec la Libye une frontière de presque mille Km), le problème Libyen la concernait directement. Maintenant que les dés sont jetés et que le sort de Kadhafi semble définitivement scellé, il est peut-être temps d’entreprendre une analyse géostratégique de la situation de ce pays frère et de voir par la même occasion où se situent les failles de la diplomatie algérienne. Nos analystes politiques et nos stratèges ont donc du pain sur la planche et doivent dès maintenant se pencher sérieusement sur ce problème s’ils veulent comprendre cette inertie, cette absence d’agressivité de notre politique étrangère.

Dans un premier temps, on a accusé l’Algérie de soutenir le pouvoir Libyen par l’envoi de mercenaires. Bien entendu, l’Algérie a fait des démentis ; ces démentis ont-ils été pris en considération ? Pas si sûr ! Il y a quelques jours seulement, le CNT continuait de soutenir mordicus le contraire. Malgré l’intervention militaire de l’OTAN qui lui a grandement facilité la tâche en ciblant de façon méthodique tout ce qui est supposé appartenir au clan Kadhafi, celui-ci continuait à mettre sur le dos de l’Algérie tous ses déboires sur le terrain. On voyait des mercenaires algériens partout. C’est ce qui explique l’acharnement des insurgés libyens sur l’ambassade algérienne qui a été mise sens dessus dessous dès que ceux-ci ont pu entrer dans Tripoli. Et que fait notre diplomatie ? Elle appelle l’ONU à assurer la protection de notre personnel diplomatique sur place alors qu’il est notoirement connu que dans cette affaire libyenne l’ONU est reléguée à la dernière position. L’ONU a, certes, donné son quitus pour l’intervention des coalisés contre le régime libyen de Kadhafi, mais une fois que la machine infernale et meurtrière de l’OTAN s’est mise en branle, celle-ci ne pouvait qu’observer de loin les évènements. Ce « machin » a, encore une fois de plus, montré son inutilité et ses limites dans le règlement des conflits dans le monde, que ces conflits soient le fait de pays entre eux ou de peuples contre leurs régimes tyranniques.

S’il est aisé de comprendre la position officielle de l’Algérie vis-à-vis de la Tunisie qui a fait sa révolution elle-même et de l’Egypte aussi où pendant plusieurs jours de suite la place Tahrir n’a pas désemplie, j’avoue que, en tant que simple citoyen algérien, je reste médusé et sans voix devant la neutralité de notre diplomatie en ce qui concerne la Libye. N’aurait-il pas fallu à notre pays d’intervenir ? Je me pose sérieusement la question. C’est là, de mon point de vue, que le concept de « l’ingérence humanitaire », cher au docteur Bernard Kouchner, trouve toute sa signification et toute sa pertinence. Qui aurait reproché à l’Algérie de faire dans l’humanitaire ? Ce que j’entends, personnellement, par ingérence humanitaire c’est le fait d’intervenir, même militairement, dans le seul et unique but de séparer les belligérants et de protéger la population civile qui était véritablement en danger, tout le monde en convient. Il n’est pas question d’occuper un pays voisin et frère de surcroit dans le but de s’emparer de ses richesses pétrolières et gazières. L’Algérie ne l’a pas fait. Elle a respecté bêtement le principe de « la non ingérence dans les affaires d’un pays souverain », en l’occurrence la Libye ; or, dans ce cas précis, il s’agissait de porter secours à un peuple menacé d’extermination par un guide au summum de sa folie meurtrière .Elle s’est contenté de suivre de loin les évènements, opposant, dans le meilleur des cas, des démentis quant à son implication supposée en faveur du régime Kadhafi. Or, en politique comme dans d’autres domaines, la nature a toujours horreur du vide. L’OTAN et en particulier la France ne se sont pas fait prier pour s’engouffrer et occuper ce vide. Pourtant l’on sait que l’intervention militaire de la France, de la Grande-Bretagne et d’autres pays encore de la coalition est beaucoup plus motivée par des intérêts d’ordre économique (l’exploitation du pétrole Libyen) que par le fait de venir réellement en aide au peuple Libyen. 

 Jusqu’à quand resterons- nous, nous peuples Maghrébins, dépendants de l’Occident que ce soit en temps de paix ou dans les calamités de tous ordres qui nous arrivent de temps à autre ? D’un autre côté, je comprends parfaitement bien qu’il n’est pas si simple et si facile à l’Algérie, qui fait face depuis vingt ans à un terrorisme des plus abjects, de se fourvoyer dans une autre aventure guerrière aux lendemains incertains. C’est peut-être là le nœud gordien du problème qui a fait que l’Algérie s’est contenté d’une position de neutralité mais qui, en fin de compte, ne l’honore nullement.


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