Djibouti : une élection présidentielle jouée d’avance
par IH
vendredi 1er avril 2016
Djibouti est au bord de l’implosion à l’approche de l’élection présidentielle. Ismail Omar Guelleh, à la tête du pays depuis 17 ans, se présente pour un quatrième mandat. Les élections sont jouées d’avance, dénonce l’opposition, qui peine cependant à se rassembler pour faire contrepoids. L’alternance semble pourtant de plus en plus nécessaire à mesure qu’est dénoncée l’oppression que fait subir « IOG » au peuple djiboutien.
Le scrutin « est joué d’avance »
Le scrutin paraît sans enjeu tant le gagnant est connu d’avance. Ismail Omar Guelleh, ou « IOG », devrait être reconduit dans ses fonctions présidentielles pour la quatrième fois consécutive lors des élections du 8 avril prochain. Représentant l'Union pour la majorité présidentielle (UMP, un regroupement de cinq partis), IOG se montre certain de son succès, à tel point qu’il en paraîtrait presque indifférent, voire apathique.
Le scrutin « est joué d’avance », explique Zakaria Abdillahi, député de l’Union pour le salut national (USN, une plateforme d’opposition qui regroupe huit partis) et président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH). « Cette élection à huis clos a été taillée sur mesure par le président Guelleh pour valider sa réélection, dénonce cet avocat djiboutien. Ces élections ne seront pas transparentes. C’est une habitude du régime. En 2013 déjà, l’opposition avait remporté les législatives, mais à l’arrivée, les résultats ont été inversés par le pouvoir et notre victoire a été volée ».
L’opposition explosée
Le parti de Zakaria Abdillahi, l’USN, a vu le jour à la suite de la crise post-électorale des législatives de février 2013. Or l’USN peine à rassembler les différents courants qui le composent (huit en tout) et deux partis ont fait défection en son sein en appelant au boycott : le Mouvement pour le renouveau démocratique (MRD) et le Mouvement pour la démocratie et la liberté (MoDel). Cinq candidats feront toutefois face au président sortant. Parmi eux, deux personnalités issues de l’USN, qui a décidé de maintenir les candidatures d’Omar Elmi Kaireh et Mohamed Daoud Chehe. Trois autres candidats se présenteront en indépendants, Hassan Idriss Ahmed, un ancien diplomate, Mohamed Moussa Tourtour, économiste, qui s’était déjà présenté en 1992, et Jamaa Abdouramane Jamaa, un ancien notaire.
Pour l'opposant Daher Ahmed Farat, à la tête du MRD et porte-parole de l'USN, cette élection est une « mascarade ». Il dénonce en particulier le non-respect de l’accord-cadre qui devait permettre de réformer le cadre de la tenue des élections législatives dans le pays.
La réforme n’aura pas eu lieu
L’accord-cadre, signé en 2014 entre le gouvernement et l’opposition portait les promesses de réformes nécessaires dans le pays, en prévoyant notamment une réforme de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). « Une réforme qui n’a pas eu lieu », dénonce l'opposition. Interrogé sur la question, le Président botte en touche. « Nous, la partie gouvernementale, nous estimons avoir rempli notre part du marché c’est-à-dire que nous avons donné notre avis sur la Commission électorale et nous avons aussi accepté toutes les autres conditions demandées par l’opposition. Maintenant, si les deux acteurs sont sérieux et fiables, il ne doit pas y avoir de problèmes politiques chez nous. L’opposition est là. Elle va présenter ses candidats et nous allons nous retrouver sur le terrain ».
En échange du tournant démocratique promis, resté au point mort, le peuple djiboutien a eu droit à une chape de plomb. « Djibouti est l’un des derniers pays d’Afrique où tout est interdit, dénonce Zakaria Abdillahi. Il n’y a pas de presse libre, pas d’associations libres et toutes les organisations autorisées sont « maisons » et proches du pouvoir. La LDDH est considérée comme une association clandestine. Certains partis ont été dissous ». La répression des mouvements de contestation s’est encore durcie à l’approche des élections. En décembre 2015, les affrontements entre la police et les militants de la plateforme d’opposition USN ont fait au moins 27 morts et des dizaines d’arrestations. Une illustration supplémentaire de l’oppression féroce qu’oppose IOG à son peuple, et qui finit par faire passer son slogan, « candidat de chaque Djiboutien qui espère » pour un pied de nez.