Du Qatar, de la France, du Rafale et de l’euro

par Laurent Herblay
mardi 5 mai 2015

Hier, François Hollande s’est déplacé dans le Golfe pour signer un troisième contrat de vente du Rafale, réussissant là où Nicolas Sarkozy avait beaucoup fanfaronné et rien signé. Mais la signature de ce contrat doit beaucoup à des éléments extérieurs et la France continue à beaucoup céder…

Merci la baisse de l’euro
 
Les trois contrats consécutifs décrochés par la France avec le Rafale, en Egypte, en Inde, et maintenant au Qatar brisent ce qui semblait être une malédiction dont le fleuron de notre industrie militaire. Beaucoup de raisons sont évoquées  : la performance de nos avions dans le cadre des opérations militaires auxquelles nous avons participées depuis quelques années, le rééquilibrage géostratégique d’Etats qui ne veulent pas forcément dépendre des Etats-Unis, ou la technique de négociation, plus discrète et moins fanfaronne, de notre nouveau président. Mais une raison a sans doute beaucoup joué et est trop peu souvent évoquée, à l’exception de François Lenglet sur RTL : la baisse de l’euro.
 
En effet, même si ce n’est sans doute pas le seul facteur, il faut bien noter que ces trois contrats tombés en quelques mois ont tous été signés alors que la monnaie unique européenne est au plus bas depuis dix ans. Il y a seulement un an, la monnaie unique européenne valait entre 1,3 et 1,4 dollars. Aujourd’hui, elle oscille entre 1,05 et 1,15 dollar, une baisse de près de 20%, qui représente une baisse d’autant du prix du Rafale par rapport à la concurrence étasunienne notamment. Mais encore une fois, les partisans de l’euro cher ne devraient pas noter le lien entre les deux, au contraire de François Lenglet. Encore un nouvel exemple des dangers des politiques de monnaie chère, désastreuses pour l’industrie.
 
Relations troubles avec le Qatar
 
Mais il semblerait qu’un autre argument ait pu jouer un rôle dans la décision du Qatar d’acheter français pour ses avions. Le Monde souligne qu’au même moment, Qatar Airways bénéficie de nouveaux droits de trafic vers la France. François Hollande a démenti tout lien, affirmant : « il y a des discussions qui sont engagées dans d’autres domaines avec le Qatar, avec d’autres pays pour l’attribution de lignes aériennes, mais ce contrat n’a pas fait l’objet de négociations sur d’autres sujets que l’avion Rafale et des matériels qui doivent l’équiper ». Cela a fait bondir le syndicat des pilotes d’Air France qui dénonce « la concurrence déloyale des compagnies du Golfe, qui touchent de la part de leur gouvernement des subventions colossales, estimées à plus de 40 milliards de dollars ces dernières années  ».
 
The Economist a consacré il y a dix jours un dossier extrêmement instructif démontrant les avantages dont bénéficient Qatar Airways, Emirates et Etihad. La plus grande ouverture du ciel français devrait affaiblir Air France, qui souffre, comme les autres, de cette concurrence déloyale. Plus largement, cela nous rappelle le statut bien particulier dont bénéficie le Qatar en France puisque notre pays semble être un « paradis fiscal » pour cet Emirat avec des exemptions fiscales injustifiables accordées par Nicolas Sarkozy, et qui ne semblent pas avoir été remises en cause depuis. Tout ceci place cette signature dans un contexte global qui, a minima, devrait poser des questions assez inconfortables.
 
Bien sûr, on peut se réjouir des emplois que ce contrat va créer en France et de cette reconnaissance de la technologie de notre pays. Néanmoins, il faudrait aussi admettre le rôle joué par la forte baisse de l’euro, mais aussi se poser des questions sur les relations que nous entretenons avec le Qatar.

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