Du sens de la bavure des Etats-Unis en Afghanistan

par Laurent Herblay
lundi 12 octobre 2015

Il y a huit jours, un raid des forces étasuniennes sur un hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz, en Afghanistan, a fait pas moins de 22 victimes. Qu’aurait-on dit si c’étaient les forces Russes qui avaient fait cela en Syrie ? Mais ce triste raid est révélateur à bien d’autres titres.

 
Une triste bavure reconnue par Obama
 
Dans un monde où le moindre mot de travers, souvent plus ou moins sorti de son contexte, peut déclencher de gigantesques polémiques, il peut sembler paradoxale que la bavure des Etats-Unis en Afghanistan n’ait pas déclenché davantage de réactions, en France en tout cas. En revanche, un quotidien Ecossais, The Herald, s’est demandé en une s’il s’agissait d’un « crime de guerre ». Alors que dans un premier temps, le chef de mission de l’OTAN a affirmé que la frappe avait été réalisée « à la demande des forces afghanes », Médecins Sans Frontières, a dénoncé les contradictions des déclarations étasuniennes. L’ONU a jugé le raid « inexcusable » et même « potentiellement criminel », les bombardements ayant continué 45 ministres après que l’ONG ait averti les armées engagées qu’elle était touchée.
 
Du coup, le président des Etats-Unis a été contraint de contacter la présidente internationale de Médecins sans Frontières pour « s’excuser et présenter ses condoléances  ». Mais subsiste un point de désaccord qui n’est pas neutre : la question de l’enquête sur cette bavure, MSF ayant demandé une enquête internationale indépendante, ne faisant pas confiance aux enquêtes du Pentagone, de l’OTAN et de l’armée afghane, dont on peut craindre qu’elles ne soient pas complètement objectives, étant parties prenantes. La présidente de MSF souligne qu’il s’agit d’une « attaque contre les conventions de Genève  », ce qui pourrait permettre de demander une investigation de la Commission d’enquête internationale humanitaire puisqu’il suffirait qu’un des 76 Etats ayant reconnu ces conventions en demande une.
 
Ce que cela dit de notre époque
 
Cette bavure est révélatrice à plusieurs titres. D’abord, près de quatorze ans après l’intervention punitive des Etats-Unis en Afghanistan, il est frappant de constater que le pays est toujours aux prises avec les talibans. Cela démontre que l’opération de Washington, outre son caractère parfaitement arbitraire et meurtrier, n’a rien résolu, ni permis d’éradiquer le terrorisme islamiste. Il est tellement présent plus d’une décennie après que les Etats-Unis en viennent à bombarder un hôpital de Médecins sans Frontières, ce qui en dit long sur le délabrement des pays où des pays occidentaux interviennent, comme on le voit aussi en Irak ou en Libye. La situation de tous ces pays devrait calmer les néocons qui plaident pour une intervention en Syrie. Même avec les meilleures intentions du monde, le bilan est calamiteux.
 
En outre, cette triste histoire révèle également le double langage des puissants qui promeuvent les différents traités internationaux. Si l’immense majorité des signataires n’ont pas intérêt à ne pas les suivre à la lettre (nous venons d’en voir un exemple avec la Grèce), en revanche, les plus puissants s’affranchissent des règles qu’ils imposent à moins forts qu’eux, comme on le voit avec Schengen et l’Allemagne aujourd’hui. Tous ces traités ne sont qu’un habillage pseudo légal de rapports de force pas moins brutaux ou arbitraires. Enfin, il n’est pas inintéressant de se demander quelles auraient été les réactions médiatiques si jamais c’était la Russie qui avait commis une telle bavure ? N’y-a-t-il pas encore un deux poids deux mesures qui révèle une fois de plus le caractère arbitraire de notre époque ?
 
Bref, ce triste raid des armées de Washington qui a fait 22 victimes innocentes va largement au-delà d’un accident de guerre. Il est le révélateur de l’impasse complète des interventions des pays occidentaux dans des pays aux prises avec un terrorisme qu’elles ne font que renforcer.

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