Durban II : Ne pas choisir entre la préservation de l’ONU et la défense des droits de l’Homme

par Eric Kaminski
mercredi 25 mars 2009

On entend beaucoup parler de la préparation de la Conférence de Durban II. Certains commentateurs, comme Caroline Fourest défendent des positions sensées et courageuses. Cependant, outre le fait que des fausses informations circulent, les enjeux principaux de ce rendez-vous très attendu sont souvent masqués par des positions de principe irréalistes qui mettent en danger tant le miracle onusien que la promotion des droits de l’Homme.

Esquissons rapidement le contexte des négociations en cours sous l’égide de l’ONU autour de la Conférence de suivi (Durban II du 20 au 24 avril à Genève) de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (Durban I). Cette dernière s’était tenue en 2001 à Durban, comme son nom l’indique, avec un objectif (la lutte contre le racisme) louable. Des négociations sérieuses avaient été menées comme dans toutes les conférences internationales pour aboutir à un texte officiel de compromis acceptable. Bien évidemment, ce texte ne pouvait satisfaire pleinement toutes les parties quand on sait à quel point sont grandes les divergences entre les Etats de l’ONU. Nous reviendrons sur ce point en fin d’article.

Le scandale, et c’en est un, est venu de l’utilisation par des ONG du forum qui se réunissait en parallèle de la conférence officielle pour diffuser des positions réellement antisémites et donc inacceptables. Ces propos ne concernaient pas uniquement la politique du gouvernement israélien - que l’on peut critiquer à juste titre - mais pouvaient être assimilés à de l’incitation à la haine raciale. Ces positions n’ont heureusement jamais constitué une position officielle au sein de l’ONU, et n’ont été que le fait de certaines ONG en marge de la conférence proprement dite.

Avec ce précédent en toile de fond, l’opposition d’Israël des Etats-Unis notamment à l’ouverture d’une conférence de suivi de cette première conférence de Durban est compréhensible. Pourtant, le refus par principe de toute conférence - et donc du dialogue entre Etats - n’est pas une solution. La confrontation sans dialogue permet rarement de résoudre des problèmes. C’est pourquoi certains pays (Suisse, Norvège, Union européenne...) ont fait le choix de l’engagement pour s’assurer que les dérives observées en 2001 ne se reproduisent pas. Et force est de constater, qu’à ce stade, ils y ont plutôt bien réussi.

En effet, il n’y aura pas de forum des ONG parallèle à la conférence de Durban II, qui, sur un thème aussi sensible, n’aurait pas manqué d’être instrumentalisé. Surtout depuis 2001, des évènements sur la scène internationale ont contribué à rendre encore plus sensible la question de la lutte contre le racisme et l’intolérance qui y est associée. Le terme d’« intolérance » fait ici référence à la religion[1]. Or, la crise des « caricatures de Mahomet » a laissé, pour de bonnes ou mauvaises raisons, des séquelles. Certains Etats peu respectueux des droits de l’Homme profitent de ce contexte pour tenter d’avancer sur des sujets pour le moins contestables.

Ainsi, au cours des négociations du texte final de Durban II, certains Etats, principalement des membres de l’Organisation de la Conférence islamique, ont tenté d’imposer dans le texte une critique unilatérale d’Israël, le concept de « diffamation des religions » (contre la liberté d’expression) et la reconnaissance d’injustices historiques (esclavage...). L’intention des Etats défendant ces points est évidente : se servir de la conférence comme tribune politique et pour détourner l’attention des violations commises sur leur propre territoire. C’est inacceptable. Et cela n’a pas été accepté.

En effet, dans le dernier état du texte, le facilitateur russe a fait disparaître ces points hautement problématiques. Les positions des Etats qui ont décidé de s’engager au nom de la défense des droits de l’Homme ont prévalu. Pour l’instant. Il est donc urgent de continuer le combat. Il s’agit de tenir bon pour concilier les exigences apparemment contradictoire du dialogue, symbolisé par l’ONU, et la défense des droits fondamentaux sans transiger avec les normes universelles.

Car l’enjeu se situe ici : dans quel cadre, de quelle manière pourrait-on continuer à faire progresser les droits de l’Homme si l’on ne disposait plus de ce forum formidable que constitue l’ONU. Il en existe un, la guerre, comme l’on souhaité certains des promoteurs de la guerre en Irak. Une autre solution est le repli sur soi et le renoncement à la défense des droits fondamentaux. Pourtant, l’absence de respect des droits de l’Homme dans un pays est une cause évidente d’instabilité géopolitique qui ne manquerait pas de rejaillir sur nos pays, aussi isolés soient-ils. L’isolement est le plus sûr moyen de susciter, par méconnaissance, la peur et la haine de l’Autre.

C’est pourquoi il est important que la France reste engagée dans les travaux de l’ONU ; qu’elle continue à promouvoir les droits de l’Homme de manière intelligente ; qu’elle refuse la lâcheté et reste active dans la préparation de la Conférence de Durban II afin de promouvoir la dignité humaine, quitte à se retirer du processus en cas d’échec patent des discussions préparatoires.

 

[1] Celle-ci ne peut certes pas être assimilée au racisme, mais il ne peut être contesté que des représentations associent dans une même haine des races imaginaires (puisque sans fondement biologique) et des religions.


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