Élections américaines. A la mi-temps du match

par Pierre JC Allard
dimanche 10 avril 2016

 Ceci est mon 4 ième article sur le sujet . Les trois premiers sont en ligne et il s’en dégage quelques idées-maitresses que je résume ici. Il l n ‘est pas nécessaire d’être d’accord avec ces prémisses, mais il est utile de savoir que c’est sur elles que s’appuie l’interprétation des événements que je propose dans cet article. Ces idées-maitresses sont : 

  1. Les USA sont gouvernés par une caste dominante essentiellement héréditaire de nantis, mais qui a fait la part belle à l’ « adjonction des compétence », par l’apport constant d’un système d’éducation élitiste, extrêmement sélectif et efficace. Cette caste se renouvelle au rythme bien étudié qui a empêché sa dégénérescence
  2.  Cette gouvernance s’exerce par le biais d’une Administration d’experts nommés et non élus – et largement inconnus du public, - dans le cadre d’une démocratie totalement manipulée, a) par les medias qui contrôlent l’information et donc la pensée, b) par les institutions financières qui contrôlent la richesse et donc la satisfaction des besoins, et c) par les « forces armées » qui assurent la sécurité et le respect de ce qui doit être respecté.
  3. Cette caste dominante n’a aucun préjugé idéologique. Elle ne souhaite que donner au peuple tout ce que le peuple veut et qui ne mette pas en péril la continuité et le pouvoir de la caste dominante.
  4.  Les élections aux USA m’ont pas pour but de décider des politiques – l’Administration se charge de les établir et de les optimiser - mais de connaître ce que le peuple veut, pour concilier cette volonté populaire avec l’optimum défini par les experts et réaliser un consensus. Le meilleur consensus possible. Le peuple a droit de choisir ses représentants… mais il n’est pas prévu que ceux-ci exercent un vrai pouvoir.

Gardant à l’esprit ces idées-maîtresses, quel est le but de la très longue campagne électorale aux USA ? Par une multitudes de sondages et de scrutins régionaux, connaître à fond, ce que veulent les Américains répondre à certaines questions précises, identifier les grandes tendances pour demain et voir jusqu’où on peu aller trop loin. … Les réponses, conduisent à élaborer (2) deux « plateformes » alternatives qui seront soumises aux électeurs en novembre.

DEUX (2) plateformes (programmes), car on est en démocratie... Il serait inconcevable, toutefois, que la politique optimale que concoctent présentement les experts soit alors significativement réorientée en catastrophe pour satisfaire les caprices de l’électorat ! Les deux (2) plateformes/programmes doivent donc être interchangeables et ne se distinguer qu’au niveau du vocabulaire et des effets de manches.

Où en sommes-nous, à la mi-temps, du grand « sondage » qui déterminera ce que veulent les Américains … et ce qu’on leur offrira ?  Analyser les milliers de sondages – ce que font présentement ceux dont c’est la mission – dépasse de loin mes capacités et mes moyens. Ceux que qui veulent s’y attaquer peuvent avoir un aperçu du défi en plongeant dans quelques-uns des site qui transportent et colportent cette information. Je vous en mets ici deux (2) en lien… et un lien magique qui vous conduira à des douzaines d’autres. Mais souvenez-vous que, où que vous cherchiez, vous ne verrez que la surface d’un océan très profond.

http://www.gallup.com/topic/election_2016.aspx

http://www.realclearpolitics.com/epolls/latest_polls/elections

https://www.google.com.mx/search?client=safari&rls=en&q=sondages+de+politique+am%C3%A9ricaine&ie=UTF-8&oe=UTF-8&gfe_rd=cr&ei=6d8HV9iDGYzAqAWV0IHIAg&gws_rd=ssl

On ne peut refaire dans son salon le travail des centaines, voire des milliers, d’experts qui sont à définir la politique des USA pour les prochains 4 ans. Mais on peut voir des indices de ce qui vient dans les reflets de la boule de cristal.  Je vous présente ici trois (3) des changements les plus significatifs auxquels il faut s’attendre. Il y en d’autres et on y reviendra.

1- Un changement de la structure politique traditionnelle des USA. Le message le plus fort de Quidam Lambda à ses dirigeants politiques, en cet an de grâce 2016, est qu’il ne veut plus d’eux. Le rejet est universel et sans appel. Il ne leur pardonne pas les petites manigances partisanes qui ont tétanisé la gouvernance depuis 4 ans. 

Notons que ce rejet des homme politiques n’a pas aux USA le caractère révolutionnaire qu’il aurait ailleurs, en France, par exemple, car, comme nous l’avons dit, le vrai pouvoir aux USA n’est même pas perçu comme vraiment exercé par les politiques. Mais il demeure qu’un bouleversement des structures partisanes aura des conséquences imprévisibles, dont celle qui menace IMMEDIATEMENT les partis traditionnels d’une défection massive de cette part de leur clientèle respective dont la contestation de leurs dirigeants n’aura pas eu gain de cause.

En clair, si le contestataire Trump n’obtient pas l’investiture républicaine, il n’est pas acquis que ses partisans ne préfèreront pas voter pour le contestataire Démocrate Sanders, plutôt que pour les candidats républicains soumis qu’ils croiront que leur propre parti aura voulu leur imposer ! Même scenario à l’inverse - avec une dimension encore plus consciemment provocatrice, car ony est plus futé - si ce sont les partisans de Sanders qui sont déçus et choisissent de soutenir par dépit le candidat Républicain contre une hiérarchie Démocrate dont ils jugeront qu’elle les trahit.

Dans 4 ans, le paysage politique aux USA pourrait être méconnaissable. Avec de vrais « socialistes »…. et une mouture locale d’une sorte de « front national…. ».

2- Un changement significatif dans le partage de la richesse

Parce que c’est bien une redistribution relative mais significative que signifie la croisade de Sanders pour rendre la santé et l’éducation publique gratuite. Le support massif des plus jeunes à Sanders a pris l’Amérique par surprise. Une « certaine » redistribution, anathème il y a à peine 8 ans, - est donc devenue incontournable. Au pragmatique, cette redistribution rendra d’abord effective la demande pour une consommation accrue, indispensable à l’essor de l’économie américaine. Mais elle sera aussi un gain MORAL, un pas bienvenu vers l’égalité et un embryon de solidarité au pays de l’égoïsme revendiqué comme une vertu. 

Rien que du bon dans cette redistribution ? Il semble bien... , mais ne négligeons pas ses conséquences possiblement perverses sur le tissu social. Réalisée par une prise en charge partielle des coûts de la santé et de l’éducation, cette redistribution, ne se fera pas aux dépens des plus riches, par une ponction sur le capital, mais en visant encore le revenu, en refilant surtout l’ardoise aux rentiers aisés vieillissants, des inactifs qui sont vus comme les bourdons dans la ruche. On ne connaît pas toutes les conséquences de cette approche On n’a pas totalement évalué, non plus, d’autres effets « secondaires » de ce virage de la société américaine vers un secteur public plus proactif.

Ainsi, concernant la santé, la médecine et l’industrie pharmaceutique vont occuper désormais une place croissante dans la société. Si l’État en assume le coût, il en assumera aussi l’orientation et le contrôle. Cette intervention de l’État ne sera pas sans impact sur le rapport de force entre l’individu et la société. Il faudra que des mesures soient prises, pour éviter une forme de chantage, un passage vers une tyrannie de la compétence qui serait peut-être la pire qu’on ait jamais connue….

 https://nouvellesociete.wordpress.com/2011/08/24/la-penurie-de-medicaments/

b) Concernant l’éducation, il y a un autre aspect à considérer. Il saute aux yeux qu’une démocratisation significative de l’éducation ne peut avoir lieu sans un assouplissement des critères de participation qui impliquera une baisse relative de la qualité moyenne de l’apprentissage. CELA EST INEVITABLE. Cette démocratisation est une exigence de la justice sociale, mais il faut se préparer à en gérer les effet négatifs, dans une société ou, la mobilité sociale repose essentiellement sur la gestion efficace d’un élitisme académique intransigeant que ne compromettent pas sérieusement aujourd’hui les faveurs aux vedettes du foot ou du basket…

3- Un changement du fédéralisme à l‘américaine

Pour une troisième élection consécutive, c’est le vote des Afro-américains qui décidera en 2016 de la Présidence des USA. Sans l’appui monolithique - 91% ! - de cette minorité afro-américaine, Obama n’aurait pas été élu : il était minoritaire au sein du reste de l’électorat. Aujourd’hui, sans le soutien massif de la communauté afro-américaine, Hillary Clinton aurait déjà dû jeter l’éponge face à Sanders…et ce, dès les primaires démocrates.

La minorité afro-américaine en mène large. Même en ne concédant au politique qu’un pouvoir symbolique, ce privilège récurrent d’être l’arbitre final du jeu démocratique - en vertu d’un esprit de corps qui fait fi de toute autre considération que l’appartenance à une minorité - peut créer un malaise … Le communautarisme est latent aux USA. Il deviendra de plus en plus difficile d’y maintenir une gouvernance unitaire, car n malaise semblable, mais plus dangereux est à prévoir quand augmentera encore l’importance numérique de la communauté hispanique et qu’elle suscitera d’autres porte-paroles que des Oncles Tom comme Rubio ou Cruz…. 

Même ette croissance démographique des « Latinos » au sein des USA est secondaire. Toutefois. Elle distrait de l’essentiel qui est que la « Manifest Destiny  », qui visait jadis une expansion vers l’Ouest, a maintenant mis le cap au Sud et pense à des « États Unis  » allant d’un pôle à l’autre…. Respecter une spécificité afro-américaine, sans imposer à la majorité des règles dont elle ne voudrait pas, peut donc devenir une première application-modèle de la permissivité qu’exigera la gouvernance d’un État biculturel anglo-latin d’un milliard 1 000 000 000 d’habitants dans un monde à trois (3) joueurs.

https://nouvellesociete.wordpress.com/2015/11/11/marx-asimov-orwell-le-sceau-des-prophetes-laiques/

Dans cette Amérique continentale bi-culturelle, la caste dominante actuelle ne pourra maintenir son pouvoir que si elle devient encore plus discrète, commodément occultée par une structure politique fédérale ouverte à tous les particularismes et ne préservant son caractère unitaire qu’aux paliers du financier et du militaire.

Renversant une tendance centralisatrice qui prévaut depuis 200 ans, on peut donc prévoir que, dès les prochaines années, l’accent sera mis désormais sur « les droits des États ». Trump en parle déjà beaucoup… N’excluons pas que ces droits puissent être différents d’un État à l’autre ; cette nation n’a-t-elle pas déjà fait cohabiter des États qui permettaient l’esclavage et d’autres qui interdisaient ? Paradoxalement, on pourra se pardonner bien des divergences entre Américains si l’intérêt commun le suggère…. Le quadriennat qui commence sera mouvementé….. et on n’est encore qu’à le mi-temps de cette élection qui en déterminera le cours. D’autres changements seront annoncés. Restons aux aguets.

 

Pierre JC Allard


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