Elections aux Etats-Unis : dix petits fantômes
par Mathias Delfe
mardi 4 novembre 2008
Les médias français se sont mis depuis longtemps et massivement à l’heure de l’élection présidentielle américaine, au point qu’il semblerait que l’avenir de la Ve République soit en jeu et pas celui des Etats-Unis.
Ici, à l’exception des extrêmes – et encore Besancenot préfère-t-il Barack à John –, l’obamania a touché tout le personnel politique, sarkozystes en tête, alors que tous les choix en matière économique et sociale de notre propre président, toute sa sensibilité le rapprochent au contraire de McCain, le digne successeur de l’admirable Bush Jr.
Mais enfin, opportunisme, quand tu nous tiens ! Selon toute probabilité, il va bien falloir s’entendre avec un grand échalas basané qui nous prendra de haut plutôt qu’avec un petit pot à tabac à poil blanc qui nous ressemble en plus vieux, alors…
Passons. Il a fallu atteindre J-1 pour que Le Monde titre sur les « dix autres candidats "indépendants" qui briguent, sans espoir, la Maison-Blanche ».
Dix ! Quand même ! Si peu importants néanmoins que notre quotidien « de référence » ne parvient à en citer que quatre, les seuls qui auraient d’un point de vue théorique une chance d’être élu.
En gros, c’est comme si les médias américains avaient réduit la dernière présidentielle française à un duel entre Sarkozy et Royal, pour rappeler au dernier moment à leur public le plus politiquement pointu qu’il y avait d’autres postulants, tout en oubliant tout de même de citer Bové, Villiers et Schivardi.
Ne vous énervez pas ! Oublier, c’est justement ce qu’ils ont fait, je le sais ! D’autant que toute la campagne électorale française ne valait pas plus qu’une brève juste avant la météo.
Il faut touiller et fouiller le net pour dénicher un site qui fournisse la liste exhaustive des personnalités briguant la magistrature suprême :
- Gene Amondson, Prohibition Party ;
- Chuck Baldwin, 56 ans, investi le 26 avril 2008 par le Parti constitutionnaliste ;
- Bob Barr, 60 ans, candidat du puissant Parti libertarien depuis le 26 mai ;
- Roger Calero, Parti socialiste des travailleurs ;
- Charles Jay, Boston Tea Party ;
- Alan Keyes, indépendant ;
- Gloria La Riva, Socialism & Liberation ;
- John McCain, Parti républicain ;
- Cynthia McKinney, le Parti vert, depuis le 12 juillet ;
- Brian Moore, 65 ans, candidat du Parti socialiste des Etats-Unis ;
- Ralph Nader, 74 ans, candidat indépendant depuis le 24 février ;
- Barack Obama, Parti démocrate ;
- Thomas Stevens, Objectivist Party ;
- Ted Weil, 83 ans, candidat du Parti de la réforme.
Il y en a 14 en fait, mais Roger Calero n’étant pas un Américain de seconde génération au moins, il ne peut être éligible.
A la notable exception de Ralph Nader, je suis à peu près sûr que la plupart d’entre vous n’avez jamais entendu parler d’eux.
C’est normal, c’est ça la démocratie considérée depuis une caste dirigeante qui, là-bas comme ici, organise consciencieusement le passage de fait au monopartisme, soit à une dictature soft et glamour qui n’avoue pas son nom.
Tiens, même si je suis loin de partager toute sa philosophie*, c’est avec plaisir que j’ai constaté que le libertarien Bob Barr était bien près d’entériner sur le terrain mon propre constat : « En matière économique, notre pays interdit les situations de monopole, mais, en politique, il les encourage. Notre système est devenu prisonnier de l’idée que seuls deux partis peuvent fournir un candidat viable pour la Maison-Blanche (...) alors qu’il n’y a que très peu de différences entre les deux formations. »
Entre « très peu de différences entre deux formations » et parti unique, à court terme il y a quoi, comme différence ?
*Les libertariens sont plus ultralibéraux que libertaires (néanmoins ils sont hostiles au contrôle social renforcé type Patriot Act, à la prohibition des drogues douces, à la remise en cause du droit à l’IVG).