En Grèce, assistons-nous à un crime contre l’humanité ?

par Laurent Herblay
vendredi 13 décembre 2013

Les mots manquent quand on décrit ce qui se passe en Grèce depuis trois ans. Hier, les émissaires de la Troïka sont revenus à Athènes pour de nouvelles négociations, alors qu’un projet de budget pour 2014 doit être voté demain. Les plans européens ont produit une situation révoltante.

Un massacre social
 
Bien sûr, la notion de crime contre l’humanité a un sens, précis, et il peut paraître excessif de l’appliquer à ce qui passe en Grèce. Quoique… Après tout, en 2012, le nombre de suicides a augmenté de 26%. Médecins du Monde s’alarme du fait que près de 30% de la population vit désormais sans couverture sociale, avec une baisse des vaccinations et une augmentation de 21% des embryons morts nés. On peut également rappeler que le PIB a baissé de 25%, le pouvoir d’achat de la population de 40%, que le taux de chômage dépasse 25%, et même 50% pour les jeunes, que le SMIC a été baissé de 22%, et même 32% pour les jeunes et enfin qu’1% de la population a quitté le pays en 2011  !
 
S’il existait une notion de crime économique, il est évident que les plans (que Médecins du Monde a encore la naïveté de qualifier « de sauvetage ») qui sont mis en œuvre dans ce pays seraient de bons candidats pour être qualifiés de la sorte. Les émissaires de la troïka veulent discuter du déficit pour l’année prochaine, qu’ils estiment plus important que les autorités du pays. Ils veulent également une levée du moratoire sur les saisies immobilières, qui protège plus de 150 000 ménages des banques. La troïka n’a aucun scrupule à protéger les banques des conséquences de la crise mais n’a que faire du sort de ces ménages que la crise a envoyé dans le mur, dans un acte d’une incroyable inhumanité.
 
Vers une révolte démocratique ?

Une offre d’emploi pour travailler dans un hôtel sans la moindre rémunération, en étant logé et nourri, a créé un scandale dans le pays, qui y voit un retour à l’esclavage. Pour l’instant, le gouvernement semble vouloir résister aux demandes de la troïka. Il n’a pas inclus la fin du moratoire ni une nouvelle taxe immobilière dans le projet de budget qui sera voté demain. Il faut dire qu’il prévoit déjà 2,1 milliards d’impôts supplémentaires et 3,1 milliards de nouvelles coupes dans les dépenses, soit un nouvel ajustement équivalent à 3% du PIB. On se demande bien comment le pays pourra être en croissance en 2014.

Mais le climat politique change. En effet, la majorité ne dispose plus que de 154 sièges sur 300. Quelques défections de plus et Antonio Samaras sera en minorité… En outre, depuis 2013, le pays a un excédent primaire, à savoir que son budget est équilibré hors paiement des intérêts de la dette, ce qui signifie qu’un défaut n’imposerait pas de programme de rigueur. Certes, ce n’est pas la voie proposée par Syriza, qui affirme encore que si l’euro était une erreur, il doit être préservé. Cependant, le programme du parti est totalement incompatible avec les exigences de la troïka, en proposant un retour du SMIC à son niveau antérieur, une renégociation de la dette et une restructuration bancaire.

Dans quelques années, il est probable que les économistes et les historiens porteront un jugement très sévère contre les horreurs des plans inhumains et inefficaces de la troïka. Le pire est que cela aurait pu être évité si la Grèce avait recouvré sa souveraineté monétaire et utilisé sa banque centrale.


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