Energies renouvelables : l’Allemagne et le Portugal renvoient le nucléaire au 20ème siècle

par Anthrax
dimanche 22 mai 2016

Un événement pourtant majeur de l'économie européenne est quasiment passé inaperçu de la plupart des médias : le 8 mai dernier, l'Allemagne a payé ses consommateurs à dépenser de l'énergie électrique ! Au même moment, pendant une semaine, la consommation électrique du Portugal a été entièrement couverte par ses énergies renouvelables.

Le dimanche 8 mai, l’Allemagne a atteint un pic de production d’énergie renouvelable fournie par le soleil, le vent, l’eau et les biomasses. Une journée ensoleillée et venteuse a provoqué, la production de 55 des 67 gigawatts consommés, soit 87%. Compte tenu de la surproduction électrique, les prix de l’électricité sont devenus négatifs durant plusieurs heures, ce qui signifie que les consommateurs étaient payés pour consommer. Même si l'on doit prendre en compte des circonstances météorologiques favorables, ce résultat n'est pas le fruit du hasard. C'est celui d'une politique réfléchie. Les critiques avaient argumenté que les hauts et les bas quotidiens de l’énergie renouvelable (dus aux variations météorologiques) ne lui permettraient que de jouer un rôle d’appui dans la distribution d’énergie des grandes économies. Preuve a été (momentanément) faite du contraire. L’Allemagne prévoit d’être totalement dépendante des énergies renouvelables d’ici 2050 et le Danemark, dont les éoliennes produisent par moments plus d’énergie que ce que consomme le pays, exporte déjà ses surplus.

 

Révolution portugaise

A peu près au même moment, le Portugal a fonctionné uniquement avec des énergies propres, selon un rapport du Réseau national de l'énergie : La consommation électrique du pays a été entièrement couverte par le solaire, l'éolien et l'hydraulique pendant 107 heures. Ce résultat est d'autant plus spectaculaire qu'en 2013, le Portugal tirait la moitié de son électricité des combustibles fossiles (charbon principalement), 27% était d'origine nucléaire, 13% hydraulique, 7,5% éolienne et enfin 3% solaire. Mais depuis 2015, la tendance s'est inversée Le renouvelable fournit désormais 48% de l'électricité.

 

Le vent change chez Total et le nucléaire s'embourbe

Le pétrolier vient de rejoindre l'association Terrawatt de promotion de l’énergie solaire et envisage de se lancer dans l’éolien. Un premier pas dans ce sens a été fait avec l'offre de rachat de SAFT, spécialiste mondial des accumulateurs industriels. On ne peut pas encore parler de changement de métier chez le pétrolier, mais sa prise en compte de la montée des renouvelables est évidente.

Et côté nucléaire officiel, justement, que s'est il passé ? Le fait le plus notable, outre les contorsions du gouvernement autour des ratés de l'EPR, est l'annonce de la publication prochaine d'un rapport d'évaluation de la Commission européenne concernant le parc nucléaire européen. Ce rapport n'est toujours pas disponible mais grâce aux élus et aux associations on en connaît les grandes lignes. 131 réacteurs appartenant à 14 des états membres ont atteint l'âge moyen de 29 ans. Sans prolongation de la durée de vie des centrales actuelles, 90% devront être fermés d’ici 2030. Concernant la gestion des déchets nucléaires, les premières installations devraient être opérationnelles en Finlande, en Suède et en France entre 2020 et 2030. Reste le gros morceau : le démantèlement des centrales. La Commission avance un chiffre de 126 milliards d’euros d’ici 2050. La plupart des grands pays ont provisionné entre 80 et 90 % de ces coûts qui restent cependant très aléatoires. Mais la France, on s'en doutait, est très en retard avec seulement 31% des frais provisionnés. Ce retard, que nous devrons prendre dans la figure d'ici une quinzaine d'années (cadeau aux générations futures...) a été volontairement minimisé par EDF et les gouvernement successifs depuis 40 ans, trop occupés à vanter la gloire du tout nucléaire. L'exemple de la centrale bretonne de Brennilis devrait pourtant donner à réfléchir : son petit réacteur de 700 MW a été arrêté en 1985. Depuis cette date, il est toujours en cours de démantèlement. En 1979, la facture du chantier était estimée à 19,4 millions d’euros. Elle a depuis été réévaluée à 482 millions d’euros.

Aujourd'hui, EDF voit s'accumuler les devis d'investissements gigantesques : construction des EPR, maintenance des centrales, reprise (imposée par le gouvernement) d’une partie d’Areva, démantèlement futur des 58 réacteurs nucléaires en exploitation évalué, en 2014, à 19,3 milliards d’euros. Quand on connaît la fiabilité des prévisions d'EDF, on peut s'attendre au double... au minimum. Et pendant ce temps, Chinois, Américains, Allemands, Espagnols, Danois investissent des milliards dans la R&D et la production des véritables solutions de l'énergie d'avenir. Avec le sourire, parce qu'ils savent qu'ils auront déjà un client tout trouvé qui s'appelle la France. 


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