Et si l’Iran avait la bombe (mais pas celle attendue) ?

par morice
samedi 14 mars 2009

Le lancement sur orbite basse du tout premier satellite iranien a mis le monde en émoi. Qui dit satellite, dit fusée de puissance conséquente, au minimum capable de servir de base à un missile longue portée (pour l’intercontinental, on attendra encore un peu). En Israël, évidemment, on a déjà réactivé les médias, qui crient déjà tous en cœur à l’ultime menace. Traduisez par demande au gouvernement de faire au plus vite une expédition punitive en rase-mottes au dessus de la centrale nucléaire de Natanz...., en rééditant l’exploit de la centrale nucléaire livrée par les français, Osirak, attaqué en 1981 par des F-16 de l’Opération Opera, conduit par celui qui était devenu le premier cosmonaute hébreu (Ilan RAMON), décédé au retour dans l’atmosphère de la navette spatiale US Columbia. Bref, ce lancement secoue fortement le cocotier du Proche-Orient, pour des tas de raisons, dont notamment l’émergence d’une puissance astronautique supplémentaire assez inattendue dans le coin. Une région qui bouge sérieusement, question recherche spatiale. L’Inde vient juste de se poser sur la Lune, elle sait déjà récupérer ses cônes de fusée, et s’active beaucoup dans le cadre de l’astronautique, voilà qu’un voisin pas si éloigné, l’Iran, lui emboîte le pas. Dangereux, s’esclament tous les pays limitrophes ou non : l’Inde possède l’arme atomique et peut être tentée, via ses fusées de taille conséquente, de l’envoyer sur orbite... l’Iran pouvant lui emboîter le pas assez rapidement, si le pays a réussi au bout de 15 années de recherches, comme cela a été le cas pour le Pakistan, par fabriquer sa bombe atomique... oui mais voilà, l’Iran n’a d’activité nuclélaire que civile, nous dit le pouvoir en place, ce que nous sommes tout prêts à croire, bien entendu, n’étant ni américain ni israëlien.. ouh là, on entend déjà les cris et les injures d’ici : comment ça "uniquement civil" ?

Ben oui, très certainement : et hop, deuxième bordée d’injures ! Attendez, je n’ai pas fini : l’Iran, c’est simple, n’a pas à détourner son programme nucléaire civil pour fabriquer une ou deux bombes. Elle n’en a pas besoin : des bombes, elle peut très bien déjà en avoir, et il y a des gens qui le savent particulièrement bien, puisque ce sont les leurs... Quoi ? Qu’est-ce-qu’il raconte encore ce Morice ??? Attendez, je n’ai pas fini. Oui, l’Iran peut très bien déjà être en possession d’une ou deux bombes, voire même trois. Pas vraiment des neuves, vous savez : celles qu’elle peut très bien posséder dateraient de 1991. Pas toutes neuves, mais bien... américaines d’origine. Attendez, attendez, j’explique ! 


D’abord, que les bombardiers américains B-52, on le sait et je l’ai assez expliqué, savent très bien perdre ce genre de bombes dans la nature. Soit en raison d’un accident (l’avion ravitailleur qui emplafonne le ravitaillé, à Palomares), soit en raison d’une défaillance technique grave, comme à Thulé. Or en 1991, un B-52 H déployé pour faire des ronds au-dessus de Bagdad, pendant l’opération Desert Storm, l’offensive contre Saddam du père de l’ancien président, avait été muni de trois missiles AGM 69A-SRAM de 10 tonnes chacun contenant chacun une charge thermo-nucléaire. Au cas où. Sous couvert d’opérations militaires de type "guerre propre", le régime du père de Bush avait bien prévu le pire, en effet : ça n’a rien de surprenant, on sait que cette famille a toujours été prête à tout : les nombreux cadavres qui encombrent ces placards sont là pour le prouver.. et les militaires US ont toujours eu la tentation de l’usage des armes nucléaires tactiques lors des conflits les plus récents : c’est bien trop attirant pour eux. Car les rumeurs continuent à courir sur l’usage de bombes nucléaires miniaturisées pendant L’opération Desert Storm. Donald Rumsfeld en personne avait évoqué sa possibilité : "soon after commencing aerial bombardment against Afghanistan, Secretary of Defence Donald Rumsfeld told the press “he did not rule out the eventual use of nuclear weapons." (Houston Chronicle Oct 20/01)" 

Les recherches sur les bombes à moindre radiation n’avaient jamais cessé en fait aux états-unis :"risks are compounded when countries facing America’s willingness to use nuclear weapons against them respond by developing their own 4th generation, low-yield nuclear bombs. Risks are compounded when countries facing America’s willingness to use nuclear weapons against them respond by developing their own 4th generation, low-yield nuclear bombs. The concern is that countries are starting to see these weapons as useable, whereas during the Cold War they were seen as a deterrent," nous affirme Ian Anthony, un expert nucléaire du Stockholm International Peace Research Institute. (AP June 11/07)". 

Des bombes de petite taille, dont l’explosion ne provoque pas l’immense nuage de Nagasaki, mais qui ressemble plutôt à une explosion conventionnelle, des bombes dont la construction fut interdite à partir de 1994 seulement ;"recognizing that "low-yield nuclear weapons blur the distinction between nuclear and conventional war,” a 1994 law banned research and development on nuclear weapons of less than 5-kilotons in the United States." La présence, durant Desert Storm, sur les sites bombardés de militaires US en costume anti-radiation corrobore l’idée que cet équipement n’était pas destiné aux armes de Saddam, mais plutôt destinés à se protéger des rayonnements de leur propres armes ! A Tora Bora, on a très bien pu en utiliser : "the nuclear version of the GBU-28 bunker buster is the B61-11. When American forces targeted Tora Bora in 2001, there were 150 B61-11s in the U.S. arsenal. Featuring nuclear warheads that could be dialed from 0.3 to 340 kilotons - equivalent of 300 to 340,000 tons of radioactive TNT - these new Earth Penetrating Weapons were, according to atomic scientists, capable of "destroying the deepest and most hardened of underground bunkers, which the conventional warheads are not capable of doing." (Bulletin of the Atomic Scientists May/June 1997 ; Wired Oct 8/01)". Que ce soit en Irak ou en Afghanistan, des tonnes de produits radioactifs ont donc bien été déversées également dans les deux pays : "the tonnages of radioactive Uranium-238 and toxic heavy metals detonated in hundreds of cruise missiles fired into neighborhoods in Afghanistan and Iraq was never tabulated. But after conducting extensive research on DU weapons, former Naval officer Daniel Fahey declared, “You’re talking about something that should be stored as a radioactive waste, and [instead they’re] spreading it around other countries. (Mother Jones June 23/99)". 

En Bosnie ou au Kosovo, l’usage de bombes pleines de poussières radioactives pour saturer les centrales électriques a été un véritable désastre écologique :"this dust would be deadly. In Yugoslavia, where 30,000 radioactive uranium projectiles fired by NATO warplanes had released thousands of tons of easily inhaled or ingested microscopic particles, medical doctors were already reporting “multiple unrelated cancers” in families with no previous history of cancer, who lived in highly contaminated areas". Partout où on a fait usage de ses armes, rien n’a été nettoyé après : "United States law and U.S. Army Regulations AR 700-48 and TB 9-1300-278 require the army to "Clean and Treat" all persons affected and all areas contaminated by the radioactive uranium munitions. But Lt. Col. Mike Milord confirmed that the Pentagon had zero plans to clean up radioactive contamination in Kosovo - or anywhere else". (Vanity Fair Nov/04 ; Daily Telegraph Jan 15/01) . En Irak, on a donc bien employé ces "mini nukes", comme le relatait encore LeMonde du 20 novembre 2001. En 2001, dans la folie guerrière qui suit la catastrophe du WTC, on est prêt à tout dans l’opinion américaine :"pourrait-on utiliser l’arme nucléaire en Afghanistan ? La question reste, pour l’heure, théorique, mais elle est jugée acceptable par une partie des Américains. Selon un sondage publié le 7 novembre par l’institut Zogby International, 54 % des 1 000 personnes interrogées pensent que l’utilisation de bombes nucléaires serait efficace dans la guerre contre le terrorisme". Sidérant, le pouvoir du 11 Septembre sur l’esprit des gens ! A Sandia, en Californie, où réside le supercomputer de l’armée US, le fameux Thor Hammer, le directeur Paul Robinson s’enthousiasme plus encore : "nous avons besoin d’armes nucléaires à faible puissance, qui pourraient tenir en respect des Etats voyous." Il prêchait pour sa paroisse en fait, son marteau de Thor étant un des rares supercomputers capable de simuler les explosions nucléaires ! Ces derniers mois encore, quand il s’agissait de parler du bombardement de l’Iran, le dossier des fameuses B61-11 est ressorti comme par magie dans les "desks" des journaux. Les nuages des essais des armes de ce type sont assez particuliers ("divine strake").. et rappellent fortement ceux aperçus lors de l’effondrement du WTC : mêmes volutes, mêmes retombées. Un de ces nuages avait fortement intrigué la population de LasVegas, ou plus exactement de Pahrump, le 29 juillet 2004 encore. A l’origine cette fois,700 tonnes d’ammonium volatilisées, selon les autorités. Ou comment simuler une explosion nucléaire, comme semble l’avoir fait un jour la Corée du Nord...

Revenons plutôt à notre avion, le Boeing N°59‑2593, du 97th Bombardment Wing de Eaker Air Force Base. Un vecteur de missiles nucléaires, qui, le 3 février 1991, alors qu’il cherchait à rejoindre son ravitailleur KC-135 pour rentrer s’était retrouvé confronté à des problèmes électriques insurmontables, en particulier au niveau du cockpit, qui n’affichait plus aucun écran de navigation. En tentant de rejoindre au plus vite sa base de Diego Garcia, l’appareil avait longé la côte Somalienne en pilotant à vue, juste avant que la situation n’empirât. Sur les huit moteurs, trois au moins prirent feu, toujours en raison des problèmes électriques. L’avion en perdition, il restait peu de chances de se poser, encore moins avec les missiles à bord, le barillet interne de l’appareil où étaient attachés les 3 missiles devenait lui aussi incontrôlable. Résultat, les 3 missiles furent promptement et simplement largués, s’éjectant en déclenchant leur fusée, une procédure incontournable, l’AGM ne pouvant tomber en chute libre ("free fall"), car ce n’est pas une bombe, mais un missile. Non armé, il ne devait y avoir de crainte d’explosion même à l’impact, comme on l’avait déjà constaté à Palomares ou Thulé. L’équipage préférant faire cette éjection au dessus d’une eau assez profonde. Manque de chance, le B-52H, avec son immense voilure, avait dérivé plus près des côtes que prévu... Une fois les missiles largués, l’avion s’écrase quelque temps après, en vue de la base, l’équipage s’éjectant ou sautant dans le vide au dernier moment : plusieurs y laissèrent la vie dans la manœuvre trop tardive. L’épisode ne fit l’objet d’aucune publicité trop voyante dans la presse, toute dévoluée aux opérations de guerre, à peine si le Seattle Times relate le 5 février 1991 la mort du lieutenant Eric Hedeen, 27 ans, tué dans l’accident. On retrouva son corps inanimé flottant sur l’eau, bouée de sauvetage gonflée automatiquement. 

L’homme était officier de contre mesures à bord, et était donc au cockpit arrière du B-52, à côté du tireur de queue (ce poste de mitrailleur sera définitivement supprimé cette année-là). Sur les 6 membres d’équipage, il y eut 3 survivants : le pilote et le co-pilote, et justement le tireur (relié par vidéo au canon arrière !). Le navigateur et le radariste, éjectés vers le bas, décédérent (d’une éjection trop tardive, très certainement ?) avec le pauvre officier de brouillage. Selon la famille, l’avion avait d’abord perdu l’usage de tous les moteurs progressivement, puis avait subi une avarie électrique généralisée.  "At 2,000 feet altitude, the bomber experienced total electrical failure — all eight engines sputtered, then lost power. The crew worked frantically to restore power to the aircraft, but at 700 feet, and in a rapid descent, they realized the plane’s recovery was futile. "All six ejected," explique le père du défunt, Gerald Hedeen, lui-même ancien pilote de l’Air Force fighter pendant la guerre de Corée : "Eric’s chute malfunctioned, and he hit the water at hard impact." Selon les sources officielles, le B-52 était tombé à 15 miles seulement de Diego Garcia. On est très loin de la Somalie ou de L’Arabie saoudite comme indiqué parfois aussi (on cite 2500 miles de la côte !) ! En fait, le crash a bien eu lieu près de Diego Garcia, mais les missiles avaient été largués bien avant.

Les missiles, eux, largués à peine la péninsule Arabique passée, avaient en effet continué leur trajectoire quelque temps, et avaient fini par tomber à l’eau. Mais pas tout à fait comme prévu : non pas au fond d’une fosse marine mais dans une eau fort peu profonde... des côtes somaliennes, où ils avaient été retrouvés trois mois après non pas par les soldats US, mais par de bon vieux pirates comme il en existe encore des milliers dans le secteur. On ne connaît pas le nombre d’engins récupérés. De taille moyenne pesant à peine 250 kilos (560 livres), il avait été assez aisé de les remonter... inutilisables, tant l’eau de mer les avait dégradés pendant trois mois passés en mer. Le mécanisme, oui, mais pas le plutonium hautement enrichi contenu, qui, pour les pirates somaliens est subitement devenu synonyme de tonnes d’or. Evidemment, les têtes furent activement recherchées mais sans succès par les américains, qui ignoraient où elles avaient pu être larguées exactement : entre la côte somalienne et Diego Garcia, il y a de quoi chercher. Mais elles ne furent visiblement pas perdues pour tout le monde. Ces têtes nucléaires ont alors beaucoup voyagé, suivies à la trace par la CIA qui n’a jamais réussi à les reprendre, au gré des demandes et des enchères, pour aboutir, très certainement en Iran... pays le plus offrant du moment. Et le plus intéressé à l’époque. 

A l’époque du crash, en 1991 donc, le responsable côté américain de l’enquête sur l’incident s’appelle Dick Cheney (déjà !), qui avait alors complètement minimisé l’affaire, et avait conclu assez rapidement que les armes à bord avaient été "retrouvées". Un pieux mensonge  : "Cheney Violated International Law In Failing To Report The 1991 B-52 ’Lost Nuke Incident’ In Iran, According To Former Forensic Intelligence Officer UK source, close to the oversea’s arms scandal, says intelligence officer’s report would be damaging to Cheney if revealed in the upcoming Scooter Libby trial". Or ce n’était pas le cas, mais cela, on ne l’a appris qu’en 2005 par une fuite du Pentagone qui mettait en cause les recherches menées. Auxquelles n’a pas participé l’Alvin, l’engin spécialisé dans ce genre de découvertes, présentées invariablement à la presse comme une campagne purement scientifique : car à ce moment là, l’Alvin était dans le Pacifique, au large de l’Amérique Centrale sur l’étude de la faille Sisqueiros. A l’heure actuelle, on est bien incapable de déterminer si un sous-marin de grande profondeur a été mis à flot à cette occasion ou pas. Cheney est un menteur invétéré, on le sait, et dès 1991 il avait déjà nié l’évidence, comme il le ferait 10 ans après avec les armes de destruction massive de Saddam, sans oublier le 11 septembre et les liens entre le WTC et Saddam Hussein, totalement inexistants. Question B-52 exclusivement, ce n’est pas la dernière fois que Cheney mentirait.

Si l’Iran dispose bien aujourd’hui de bombes nucléaires, ce n’est donc pas nécessairement lié à ses activités nucléaires civiles, mais bien à la récupération fortuite d’armes égarées par l’administration américaine et ... Dick Cheney, qui sait donc, lui, depuis longtemps où elles ont finalement atterri. Mêmes endommagées, où même si une seule tête a été récupérée, elle(s) contenai(en)t surtout la matière fissile nécessaire pour en faire une ou des armes efficaces : les quelques kilos de plutonium hautement enrichi qu’elles contenaient représentaient leur valeur fondamentale, qui a dû enrichir de biens classiques pirates Somaliens. On comprend mieux, à la lueur de ces faits, pourquoi Cheney a toujours insisté autant sur la détention d’armes nucléaires par l’Iran : ce seraient tout simplement les siennes ! A partir de là il suffisait aux iraniens de récupérer des techniciens formés chez le chercheur Pakistanais Kahn, pour tenter de les réactiver et d’en faire des armes de pleine efficacité : on peut très bien imaginer qu’en moins de cinq ans ç’eut pu être fait : cela nous amène aux abords de 2000 si on compte deux ou trois ans de pérégrinations pour les têtes de missiles et leurs négociations de revente. 

Avant même d’attaquer l’Irak, Cheney savait déjà que l’Iran disposait d’une, deux ou trois bombes nucléaires, selon la dextérité de ses techniciens à avoir remis en ordre de marche les trois missiles recupérés. Et cela n’avait strictement rien à voir avec le programme civil du pays. Maintenant, quant à savoir comment mettre une bombe nucléaire tactique dans un cone de fusée Shahab, il me semble que ce soit l’enfance de l’art. Le satellite iranien ne fait pas le "bip bip" du premier Spoutnik, mais sa petite musique s’entend déjà partout dans le monde. Médiatiquement, l’Iran a réussi un joli coup. Diplomatiquement, il vient de signer son arrêt de mort. Si vous le voulez bien, la prochaine fois on dressera un tableau de l’organisation de l’aviation iranienne, pour s’apercevoir que la question d’une attaque de l’Iran peut poser de sérieux problèmes à qui tenterait l’aventure. Les iraniens ont des avions... américains, dont ils savent se servir. Et des missiles somme toute performants...

 

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