Et si la Grèce annulait sa dette ?

par hommelibre
mardi 21 juin 2011

Y a-t-il vraiment une sortie pour les grecs ? Les plans drastiques d’austérité leur permettront-ils de ne pas faire faillite et de rembourser leur dette ? Rien n’est moins sûr. Economie en forte récession à cause des plans d’austérité, baisse des recettes fiscales : la Grèce est quasiment déjà en faillite.

Les européens tergiversent pour le versement de la nouvelle tranche de 12 milliards d’euros. Au fond ils ont peut-être raison. Il faut peut-être cesser de faire perfusion sur perfusion à un malade dont les veines sont grandes ouvertes. On ne lui rend pas service.

Les raisons de sa grande maladie ont été maintes fois évoquées dans la presse : trucage des comptes par une banque privée, fiscalité défaillante, vie au-dessus des moyens. Les jeux olympiques de 2004 ont par exemple augmenté la dette sans rapporter de quoi équilibrer les comptes.

340 milliards d’euros appartenant à des grecs sont au chaud à l’étranger. Le montant de la dette. On se demande pourquoi les grecs auraient encore envie d’obéir aux européens et de vendre ce qui appartient à l’Etat pour rembourser seulement une petite partie de la dette, alors que les européens devraient leur renvoyer de force ces 340 milliards, comme ils le font pour les avoirs de Kadhafi.

Actuellement plus le pays emprunte plus la situation semble s’aggraver, et plus la chute semble seulement retardée. Le magazine en ligne Marianne2 a une bonne phrase pour dire cela : « Encore une minute monsieur le bourreau ».



La chute est-elle inexorable ? Et si oui, est-elle vraiment dérangeante ? Pas certain. C’est peut-être ce qui pourrait arriver de mieux aux grecs, une sorte de remise à plat. Dans cet ordre d’idée on pourrait imaginer que la Grèce cesse de jouer le jeu. Comme l’Argentine il y a quelques années elle annule unilatéralement sa dette et tout remboursement. Elle sera mise au ban de l’Europe, devra probablement sortir de l’euro et relancer sa propre monnaie grâce à laquelle elle maîtrisera le taux de change.

Elle vivra sur elle-même, sur ses propres ressources, et sur des échanges avec quelques pays. L’Europe verra peut-être quelques faillites de banques qui ont prêté à la Grèce, le chômage remontera, et puis il faudra bien trouver des solutions. Il faudra revenir à une vue plus réelle de l’argent. Actuellement nombre de pays - comme leurs habitants - vivent sur de l’argent qui n’existe pas. Il n’y a plus de couverture des monnaies et la richesse vient de l’argent fictif des crédit. On sait que si tous les épargnants veulent le même jour retirer leurs avoirs en liquide, les banques ferment leurs portes et ne paient pas. L’argent n’existe plus que dans les ordinateurs. Les banques sont riches d’un argent qu’elles n’ont pas : elles sont riche des crédits, soit des dettes des privés ou entreprises auxquels elles prêtent. Si elles cessaient de prêter le système s’écroulerait. Tout le monde vit sur ce qu’il n’a pas.

Si donc la Grèce annule sa dette, elle sera très vite sans liquidités. Les grecs devront pendant quelques années vivre chichement et durement, mais au moins ils vivront pour eux plutôt que pour payer une dette pour laquelle ils doivent emprunter sans fin. Ils devront créer des réseaux d’approvisionnement pour survivre, décréter la cessation de paiement interne, par exemple des loyers, bref redécouvrir une économie solidaire pour survivre. Le gouvernement ne s’occupera que des affaires courantes et sera astreint à une totale transparence de ses dépenses. Il est même possible que les grecs élisent un gouvernement autoritaire qui fixera les prix de la vie : denrées, loyers, etc, en fonction des possibilités réelles de la population. Il est possible aussi qu’un tel gouvernement demande le rapatriement des 340 milliards. Pour redonner aux grecs un sentiment de fierté nationale et l’envie de se redresser, il pourrait sortir complètement de l’Europe.

Le libéralisme aura fait tellement n’importe quoi qu’il faudra s’en passer quelque temps. Et pourtant je suis libéral, très attaché à la liberté individuelle, au refus de l’autoritarisme et d’un Etat trop puissant. Cela a toujours du sens. Un Etat autoritaire, c’est un petit groupe qui impose sa volonté à la majorité, qui complique la vie, qui entre dans la tête des gens. Non merci !

Les grecs, en cessant de jouer le jeu, n’auront pas pris leurs responsabilités, car au fond ils ont aussi apprécié de vivre sur la dette. Maintenant qu’elle est trop grande ils s’en plaignent et incriminent l’Europe. Certes l’Europe s’est peut-être faite un peu vite en intégrant des pays qui ne pouvaient pas tenir le challenge. Mais la construction européenne est très complexe. Il était juste d’intégrer largement de nouveaux pays pour tenter de faire émerger un sentiment d’appartenance général à une même entité. Je ne suis pas certain que l’on puisse rendre la commission de Bruxelles et autres instances supranationales responsable des déboires de chaque pays.

Si la Grèce rompt le pacte et cesse de jouer le jeu, ce sera une perte pour l’Europe, ou une remise à plus tard. Peut-être un nécessaire ajustement. Un retour à une économie réelle. De redéfinir les relations souhaitables et celles que l'on ne veut plus entre les humains et les pays. Mais l’effet domino à craindre est à mon avis plus politique qu’économique. Des banques craqueront puis se reconstitueront. Ce n’est pas grave. Mais le nationalisme reviendra, et l’on pourrait revoir dans 20 ou 30 ans une Europe en guerre et totalement dominée par les Etats-Unis d’un côté, le monde musulman de l’autre.

La chute de l’Europe ne me paraît pas être une perspective réjouissante. Nous aurons bien plus à perdre sans Europe qu’avec.

Putôt que de laisser la situation se dégrader, ou d’endetter encore plus les pays comme la Grèce, l’Europe devrait être solidaire et décréter d’une seule voix une réduction des dettes publiques des pays en difficultés. Comme cela s’est déjà fait pour des pays émergents. On met sa fierté dans sa poche et on se redresse.

Personne n’a obligé la Grèce à se retrouver dans cette situation. Elle devra un jour prendre ses responsabilités. Mais en attendant il faut protéger celui qui est tombé. Il ne faut pas l’achever. L’Europe pourrait bien être méchamment mordue par celui qu’elle maintient sous sa pression.


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