Et si Vladimir Poutine n’avait pas tous les torts ?

par Yalta
mercredi 13 août 2014

Comparé aux plus grands dictateurs de l’histoire, accusé d’impérialisme et d’agressivité à l’encontre de la souveraineté des États, Vladimir Poutine est vivement et uniformément critiqué par l’Occident. La légitimité de ces condamnations connaît néanmoins quelques contradicteurs, des experts de la Russie, de son histoire et de ses relations diplomatiques avec le reste de l’Europe. Leurs analyses permettent d’accéder au point de vue de la Russie, déconsidérée depuis de trop nombreuses années et agissant davantage en réaction à ce qu’elle considère comme une ingérence occidentale que de manière véritablement machiavélique.

Vladimir Poutine fait peur à l’Occident

Sa politique internationale et l’invasion de la Crimée font de Vladimir Poutine tour à tour un visionnaire à la De Gaulle, un envahisseur nazi, ou encore le grand Chaytan lui-même. Les observateurs de la communauté internationale n’y vont pas de main morte pour décrire le président russe, selon elle habité par les plus noirs desseins. Et ce alors même que dans son pays, il n’a jamais été aussi populaire. Ses décisions concernant la Crimée sont même créditées à 91 % d’opinions favorables.

Effectivement, le parcours de Poutine peut effarer. Formé au sein des services secrets, il travaille comme un professionnel des services de renseignement et manœuvre aussi en coulisse, n’hésitant pas à jouer un double jeu diplomatique. Les spécialistes qui se sont intéressés au personnage ne nient pas cette sombre facette. Mais, outre le fait qu’il est loin d’être le seul à louvoyer sur l’échiquier politique, ces mêmes experts tiennent à revenir sur la vision diabolique qu’ont de lui l’Europe et les États-Unis, rarement remise en question. Du moins tiennent-ils à la nuancer, à l’expliquer.

Car de telles condamnations sont véhiculées tout d’un bloc avec une grandiloquence et un vocabulaire passionné tout à fait éloignés de la sagesse diplomatique requise pour apaiser les tensions provoquées par l’annexion de la Crimée. A ce titre, elles valent la peine d’être examinées d’un peu plus près.

Après examen, toute cette affaire apparaît sous un jour nouveau et l’on se surprend à considérer le point de vue russe, ce qui est tout à fait exclu dans la presse aujourd'hui : L’Occident s’indigne des libertés entravées et de l’interventionnisme russe mais n’est en réalité pas complètement étranger à l’insécurité ressentie par Vladimir Poutine. Et les intérêts occidentaux sont en jeu. 

« Je ne pense pas que Poutine a une stratégie en Ukraine. Ce n’est pas un stratège, c’est un tacticien. C’est un judoka, il réagit aux coups par coups », analyse Vladimir Fédorovski, écrivain et ancien diplomate russe auteur de "Poutine, l’itinéraire secret". Ses réponses contestées correspondraient donc en réalité à des réactions défensives face à ce qu'il perçoit comme un empiètement occidental. Voilà un premier pied de nez aux explications généralement fournies par les médias. Et il est audible.

Car la Russie aurait ses raisons de se sentir lésée, l’Union européenne ayant agi à son égard de manière critiquable : « Les traités européens ont toujours été négociés de façon un peu balourde comme étant des traités uniquement pour amarrer l’Ukraine au camp européen. Or, il est évident que l’Ukraine est un pays historiquement divisé entre les uns et les autres. Ce n’est pas une invention de monsieur Poutine. L’Ukraine aurait du être traitée comme un pont », fait valoir Hubert Védrine au cours d’un entretien sur France Inter.

Effectivement, la manière dont l’UE a mené par exemple les négociations de l’accord de libre-échange avec l’Ukraine n’avait rien d’anodin. L’exclusion de la Russie était manifeste et significative. Les Russes ont bien compris ce qu’ils avaient à comprendre. Ils n’étaient pas les bienvenus et cet accord se ferait sans eux. Difficile de ne pas conclure à un manque d’intelligence économique et diplomatique de la part de l’Union européenne. Et il est légitime de déceler derrière cette manoeuvre une intention de l’UE à l’endroit de l’Ukraine. Une intention d’éloignement, alors que la Russie pouvait faire partie de l’équation.

Selon ce point de vue, l’Union européenne et l’OTAN, tout comme la Russie, cherchent à élargir leur sphère d’influence et, en avançant avec le masque de la démocratie et de la défense des libertés, défendent en réalité leurs intérêts. Qui joue un double jeu ?

« Il y a un problème nationaliste, il y a le problème de la Russie qui a été très mal traitée par les Occidentaux à mon avis depuis une vingtaine d’années. La Russie, après l’effondrement de l’URSS, a été traitée avec désinvolture, avec mépris, comme ne comptant plus. Des promesses ont été faites à Gorbatchev selon lesquelles l’OTAN ne serait pas élargie qui n’ont pas été tenues. Il y a eu des velléités d‘élargissement de l’Ukraine à la Géorgie. Donc du point de vue russe, ils se sentent menacés par les avancés occidentales  », renchérit Hubert Védrine, montrant que ce manque de considération remonte à des décennies.

A ce titre, les sanctions commerciales appliquées le 29 juillet 2014 à la Russie sont contreproductives, car elles s’inscrivent dans la continuité des humiliations précédentes et alimentent le nationalisme qui conforte Poutine dans l’opinion des Russes. Mais tant que les Occidentaux ne consentiront pas à se décentrer légèrement et à voir Vladimir Poutine autrement que comme un satanique Machiavel, il y a fort à craindre que les réactions en chaîne se poursuivent et que les tensions s’aggravent.


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