Etats-Unis : avis de hold up sur les médicaments
par Laurent Herblay
mardi 13 octobre 2015
C’est une histoire absolument abracadabrantesque. Aux Etats-Unis, une entreprise de biotechnologie a racheté les droits d’un médicament, puis a annoncé vouloir en multiplier le prix par 55, déclenchant une polémique reprise par Hillary Clinton ! Une histoire révélatrice de notre époque.
Robin des bois inversé
Mais jusqu’où va l’indécence du capitalisme moderne ? GSK commercialisait le Daraprim, un médicament contre les infections parasites, et notamment la toxoplasmose, une infection particulièrement dangereuse pour les personnes qui ont un système immunitaire affaibli, comme les patients atteint du SIDA ou victimes de certains cancers. Outre-manche, ce médicament est vendu autour de 20 dollars pour 30 comprimés par GSK. Mais les droits du médicament pour les Etats-Unis ont été vendus en 2010, puis après une nouvelle vente, ont été récupérés par Turing, qui a annoncé une augmentation de son prix de 13,5 à 750 dollars par pilule ! Quelques jours plus tard, l’entreprise a annoncé reconsidérer cette hausse de prix. Certains justifient cela par la maximalisation des intérêts des actionnaires.
The Economist précise qu’il ne faut pas s’attendre à ce que des concurrents viennent perturber les plans très lucratifs de Turing puisqu’il s’agit d’un médicament à faible volume, et les coûts des tests nécessaires seraient rédibitoires. La pratique de Turing n’est malheureusement pas nouvelle puisque Valeant a acheté les droits de deux médicaments pour le cœur avant d’en monter le prix. Horizon a multiplié par 7 le prix du Vimovo, un médicament anti-douleur après l’avoir racheté à Astra Zeneca en 2013. Selon The Economist, les prix des médicaments ont augmenté de pas moins de 127% depuis 2008, contre 11% pour les prix à la consommation. Avec les systèmes de santé publics et les mutuelles, certains laboratoires pharmaceutiques semblent prendre la collectivité pour un distributeur d’argent.
Le néolibéralisme n’est pas libéral
Il n’est pas inintéressant de constater que les actions des entreprises de biotechnologie ont baissé suite aux polémiques déclenchées par cette information, et la critique venue d’Hillary Clinton. Elle a annoncé vouloir faciliter les importations de médicaments étrangers équivalents, une plus grande capacité de négociation, ainsi que de nouvelles règles sur les dépenses marketing et de R&D des laboratoires. Ainsi, on découvre que derrière le buzz des biotechnologies, se cachent aussi de simples vautours du capitalisme pour qui la science n’est qu’un prétexte pour essayer de trouver des rentes juteuses au frais de la collectivité, sans rien inventer d’autre qu’une simple copie des monopoles sans scrupule du passé. Un point commun avec cette nouvelle économie qui recherche si souvent la rente de situation.
Cela pose aussi la question des règles publiques, qui laissent faire de tels comportements, et qui peuvent mêmes les nourrir, de manière directe ou indirecte, dans le cas des médicaments, payés par la collectivité ou des mutuelles, qui y gagnent en voyant leur chiffre d’affaire augmenter aussi vite que leur intérêt pour des citoyens qui ne peuvent plus payer les rançons médicamenteuses demandées par certains gangsters du médicament comme Turing. Même si on ne peut pas nier les progrès apportés à notre santé par certains laboratoires, ces comportements totalement abusifs amènent à se poser la question du cadre réglementaire à mettre en place pour éviter de tels abus. En effet, il y a une responsabilité des Etats qui ont mis en place ce système, où la privatisation de la santé n’en baisse pas le coût.
Ce faisant, le néolibéralisme révèle aussi qu’il finit par s’éloigner du libéralisme en privilégiant la rente, le monopole et l’abus sans la moindre vergogne. Il faudra se souvenir de ces pratiques pour construire un système qui ne les permet plus, ou, a minima, les sanctionne à leur juste mesure.