Excédent commercial du Japon : nouveau succès des Abenomics !
par Laurent Herblay
vendredi 24 avril 2015
Dans quelques années, quand les économistes se pencheront sur le cas du Japon, Shinzo Abe a toutes les chances d’être présenté comme celui qui a réussi à casser le cercle vicieux déflationniste dans lequel il était plongé. Nouvel indice de son succès : le premier excédent commercial depuis trois ans.
Un produit des Abenomics
Historiquement, le Japon était un pays en excédent commercial puisqu’il avait basé sa croissance sur les exportations, tout en protégeant très fortement son marché intérieur, ce que les néolibéraux myopes tendent toujours à oublier. Mais Fukushima a provoqué une remise en cause complète de la politique énergétique, la fermeture des centrales nucléaires, remplacées par des centrales thermiques nécessitant l’importation d’hydrocarbures, qui ont plongé le pays en déficit. Bien sûr, le retour à un solde positif s’explique en bonne partie par la baisse de 51% de la facture de pétrole et de 12% de celle de gaz, provoquant un recul global de 14,5% des importations, sans quoi le pays serait resté en déficit.
Mais ce résultat n’est pas seulement le fait de la (forte) baisse des importations d’hydrocarbures consécutive au recul de leurs prix. En effet, les exportations ont également progressé de 8,5%, soit une hausse de plus de 540 milliards de yens, plus que les 230 milliards de yens d’excédent. Si les exportations étaient restées stables, le pays aurait encore affiché un déficit de 310 milliards de yens. Or, il est clair que les exportations ont beaucoup progressé du fait de la baisse du yen et des choix radicaux de politiques monétaires du pays. D’ailleurs, en Europe et en France, la très forte baisse de l’euro soutient fortement les exportations, ce qui contrebalance fortement le discours des masochistes de l’euro cher.
La monnaie : un outil politique
Bien sûr, ceux qui ne gouttent guère les Abenomics soulignent que si l’on ne prend pas en compte la hausse de la TVA il y a un an, les prix sont tout juste stables. Mais cette interprétation est profondément biaisée. En effet, jusqu’à il y a deux ans, l’inflation au Japon était plus faible qu’en Europe. Aujourd’hui, même en retirant l’effet de la hausse de la TVA, l’inflation est plus basse dans la zone euro qu’au Japon ! Si la déflation n’avait pas été tuée, une bonne partie de la hausse de la TVA aurait été absorbée par les prix hors taxe qui auraient baissé. Bien sûr, ce choc fiscal a fait tomber le PIB au 2ème trimestre 2014, mais il avait très fortement monté avant et s’est repris depuis. Mieux, les salaires progressent enfin.
Ce que démontrent Shinzo Abe et le Japon depuis deux ans, c’est que la politique monétaire est politique et qu’elle permet de se libérer de contraintes financières qui semblent totalement insurmontables pour les pays qui ont abandonné leur monnaie à des technocrates austéritaro-monétaristes dogmatiques. En effet, il faut rappeler ici que malgré une dette publique au-delà de 200% du PIB et un déficit budgétaire de 10% du PIB, Shinzo Abe a conçu un plan de relance de l’économie, permis par un rachat massif de dette publique par la banque centrale (plus de 6% du PIB) ! Cela a fait baisser le yen et Shinzo Abe a aussi appelé les entreprises à monter les salaires. De quoi faire rêver les européens aujourd’hui…
Merci donc à Shinzo Abe et au Japon de démontrer qu’il y a bien une autre voie que la folle direction qui conjugue austérité et baisse des salaires en Europe pour un pays dit développé. Quand on se protège et que la monnaie est du ressort du gouvernement, on peut même vouloir monter les salaires !