Facebook au Maroc : la police marocaine aurait dû lire Le Monde

par Alain Germain
jeudi 14 février 2008

Il y a quelques jours le journal Le Monde titrait : « Sur Facebook devenez qui vous voulez ». Il eût fallu avertir le jeune Fouad Mourtada de prendre ses précautions tout de même.

L’histoire qui se déroule au Maroc depuis quelques jours surprendra beaucoup d’utilisateurs de Facebook dans le monde : ils apprendront avec stupéfaction qu’il est possible d’être incarcéré (certains diront même kidnappé par la police) pour avoir créé le profil d’une célébrité sur Facebook.

C’est malheureusement la dure réalité à laquelle est confronté depuis plus d’une semaine le jeune Fouad Mourtada, appréhendé par la police marocaine pour avoir créé le profil d’un prince marocain : Moulay Rachid, le frère du roi du Maroc.

Pourtant, l’article du Monde disait que sur Facebook "chacun était libre de créer un profil en choisissant le nom et le prénom qui l’intéresse". Il ajoutait qu’il était de notoriété publique que la majorité écrasante des profils de célébrités étaient créés par des admirateurs et étaient donc faux. Il concluait que tout cela n’avait rien de bien sérieux, évidemment

L’article du Monde, la police marocaine ne l’a certainement pas lu. Si elle l’avait lu, elle n’aurait pas fait de Fouad Mourtada un martyr du net. Elle ne se serait pas hasardée à qualifier son acte, si banal, de "pratiques crapuleuses". Elle ne l’aurait pas kidnappé de chez lui pendant 36 heures avant de le déclarer à la presse. Elle ne se serait pas mise dans l’embarras vis-à-vis de celui dont le nom est associé à cette affaire qui n’a certainement rien demandé. Bref, la police marocaine aurait gagné à lire Le Monde du 18 janvier dernier. Elle aurait gagné à lire tout court.

Fouad Mourtada, lui, ingénieur d’Etat en informatique, attend son procès du fond de sa cellule, puisque la justice, pas très au courant non plus, lui a refusé la liberté sous caution. Il attend qu’on lui dise qui le poursuit et pourquoi exactement. L’usurpation d’identité étant très réglementée dans la loi marocaine, et ne pouvant s’appliquer en l’espèce, tout ce beau monde doit être en train d’imaginer des scénarios de sortie de crise. On nous annoncera donc probablement bientôt que le jeune Fouad, grâce à Facebook, a porté atteinte à la sûreté de l’Etat, qu’il a tenté d’escroquer des milliers de personnes au Maroc et dans le monde, ou encore qu’il a détourné par ce compte virtuel plusieurs milliards au Trésor marocain.

Il faudrait au moins une charge de cette nature pour justifier le traitement qui lui a été réservé et la peine de cinq ans d’emprisonnement qui lui est manifestement promise.


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