Farc/Uribe/Sarkozy : A quel jeu jouent-ils ?

par tonio
mercredi 6 juin 2007

Depuis une dizaine de jours les nouvelles s’enchaînent, Uribe prépare la libération des guérilleros qui auraient accepté le plan gouvernemental de démobilisation. Les FARC s’entêtent à dire que les promesses d’Uribe sont un rideau de fumée pour cacher le scandale de la parapolitique, qui a pris des proportions inquiétantes pour la stabilité du gouvernement.

Sarkozy a mis du sien dans l’histoire, il est soi-disant en contact régulier avec son homologue colombien, voulant garantir la non-intervention armée des militaires colombien pour sauver les otages. Il cherche aussi à faciliter les discussions avec la guérilla.

En France les journaux titrent à l’optimiste, une grande avancée vers la libération des otages, voire même une grande avancée vers la paix. Cependant, au jour d’aujourd’hui, il n’existe toujours aucune garantie de la bonne volonté des Farc de suivre ce mouvement de “paix”.

Essayer de comprendre les petits jeux de chacun n’est pas une tâche facile dans l’ambiance régnante. Que cherche Sarkozy ? Pourquoi les Farc accepteraient-elles de libérer les otages sans rien y gagner ? Pourquoi Uribe a-t-il changé sa stratégie de manière si abrupte ?

Pour Sarkozy, l’explication des élections à venir et l’envie de faire la une des journaux comme étant le grand sauveur d’Ingrid Betancourt, et par la même occasion faire mieux que son prédécesseur, n’est pas à négliger. Cependant cette vision s’arrête au court terme, et il ne faut pas oublier que les relations franco-colombiennes sont réduites depuis plusieurs années à cause de cette histoire. La libération d’Ingrid permettrait le renouement de ces relations. La Colombie est actuellement très attractive pour investir, ce serait dommage pour la France de perdre des opportunités. Sarkozy est sans doute prêt à plus qu’on ne peut l’imaginer pour terminer avec cette histoire. Imaginer une rançon n’est pas complètement absurde, la France n’en serait pas à son coup d’essai pour libérer ses citoyens séquestrés.

Uribe est évidemment intéressé par l’affaire, surtout en cette période, où sa crédibilité internationale est remise en question, principalement aux Etats-Unis. Dans ce sens, Uribe est en train de réaliser un coup risqué mais majestueux. Son revirement politique est palpable seulement au niveau interne, c’est-à-dire que s’il “perd” il perdra seulement de la crédibilité dans ses rangs. La majorité des Uribistes n’étant favorables à aucune discussion avec les Farc. Perdre signifie que les Farc refusent de relâcher ne serait-ce qu’une partie des otages, alors qu’il aurait fait libérer plusieurs centaines de prisonniers. Ce “perdre” ne l’est pas forcément au niveau international, car il démontre au monde une certaine ouverture, un effort vers la paix et une volonté d’avancer, ce qui, surtout en Europe, est très important. Donc ce “perdre” est en réalité un “gagner moins”.

Quant aux FARC , ils se retrouvent coincés ; difficile de sortir de ce piège tendu par Uribe. S’ils acceptent de libérer des otages, leur possibilité d’être des “stars” d’un jour avec une zone démilitarisée est fichue. Pire encore s’ils refusent, car ils perdraient de la crédibilité en France et probablement en Europe, se reléguant au vulgaire statut d’organisation terroriste avec qui il est impossible de discuter. Une brève application de la théorie de jeu nous dirait que les Farc vont relâcher une partie des otages, pour “perdre moins”. Fait qu’ils devraient nier jusqu’au dernier moment pour tenter de décrédibiliser Uribe, espérant qu’il fasse marche arrière.

Uribe sortirait alors grand vainqueur, ouvrant la porte à une négociation plus ample et Sarkozy serait le sauveur de Jeanne d’arc. La seule véritable perdante est la justice colombienne, Uribe lui passant par-dessus sans grande préoccupation. Le pouvoir du politique qui, dans certains cas bien particuliers, s’avère nécessaire pour l’avancée d’un pays.


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