Fatwa contre la ministre de la justice britannique
par Catherine Segurane
lundi 31 janvier 2011
La police britannique enquête sur des affiches collées à Tooting (un quartier de Londres). Imitant la typographie des affiches "Wanted" des westerns, elles annoncent une fatwa contre Theresa May, ministre britannique de l'intérieur, pour enlèvement et séquestration. Cette fatwa a même son site officiel.
Les extrémistes reprochent à la ministre de poursuivre et de détenir des religieux musulmans.
C'est évidemment es-qualités, en tant que chef de la police, que la ministre fait procéder à des poursuites, et, après condamnation judiciaire, à des détentions.
Le porte-parole du groupe, un certain Abou Bakr, tient à nous informer sur la nature exacte d'une fatwa. C'est moins, selon lui, un appel à la violence, qu'une "réponse à une question spécifique". Madame May devra quand même, toujours selon lui "rendre des comptes" pour l'action de la police contre des musulmans.
Il s'agit donc bien d'un appel à la violence couvert par une avis pseudo-juridique, le "droit" appliqué étant la charia.
Une telle fatwa est-elle valide ?
En droit véritable, non bien sur. C'est un appel à la violence comme un autre.
En "droit" musulman, toute la question est de savoir quelle est l'autorité qui délivre la fatwa, et si elle est légitime. Il y a bien entendu autant de réponses que de groupuscules rivaux, puisqu'il n'existe pas d'autorité suprême dans l'islam.
Mais, pour les victimes potentielles d'une fatwa, la question ne se pose pas en ces termes.
La seule question qui importe est : "Se rencontrera-t-il un fou pour trouver la fatwa assez valide selon les critères de son cerveau dérangé et pour y voir une autorisation de passer à l'acte ?".
Et il ne manque pas de fous meurtriers qui n'attendent qu'un vague prétexte pour se livrer à leurs pulsions sans se sentir coupables.
Mais cette "fatwa" est plus qu'un appel à la violence : c'est un appel à la subversion. En effet, ses auteurs renversent les rôles : ils contestent à la ministre de la justice (c'est à dire à l'autorité légitime britannique) le droit de poursuivre des délinquants et de les mettre en prison ; et en même temps ils s'arrogent, au nom des pouvoirs qu'ils estiment tenir du "droit musulman", le droit de poursuivre la ministre. Ils se constituent donc en pseudo-autorité et revendiquent à ce titre les prérogatives les plus régaliennes de l'Etat : le droit à exercer la force.