Faut-il libérer Morsi ?

par Christian Labrune
mercredi 31 juillet 2013

Mardi 30 juillet, 22 heures

Lorsqu'on tape « Egypte », dans Google, on obtient trois titres :

Paris appelle à la libération de Morsi (il y a 6 heures)

La France appelle l'armée à se mettre « en retrait ». (il y a 4 heures)

Paris appelle à la libération de Mohamed Morsi (il y a 8 heures)

On croit rêver ! L'infâme Catherine Ashton a pu converser deux heures avec Morsi ; il se porte bien. Conversation « amicale » (sic.). Les Egyptiens soumis depuis un an à la tyrannie des barbus apprécieront !

Et qu'est-ce que peut signifier cette insistante exigence concernant la libération de Morsi ? Comme s'il n'avait pas des comptes à rendre, au même titre que Mubarak il y a plus de deux ans. Qu'il soit souhaitable que le pouvoir ne soit pas confisqué par les militaires, que les détentions arbitraires prennent fin, soit. Mais à l'heure qu'il est, on n'a nulle part entendu que cette éventuelle libération de Morsi dût être assortie d'une condition : qu'il renonce publiquement à un mandat qu'il n'a pas su remplir et qu'il appelle les Egyptiens de Nasser City à rentrer chez eux, à renoncer aussi bien à exercer des violences qu'à se transformer en « martyrs » à force de provocations. J'entends dire qu'ils mettraient en avant (vieille et courageuse habitude qui est aussi celle du Hamas) les femmes et les enfants. Pour la fabrication des martyrs, c'est plus rentable.

Ce qui est en train de se passer ce soir au Caire est d'une importance considérable : l'avenir des pays du Moyen-Orient en dépend entièrement. Si l'armée, qui doit quand même se méfier, répond encore une fois aux provocations en tirant sur la foule, ce sera un pas de plus vers une forme de guerre civile atroce. Mais il semble, à voir les images que transmettent les chaînes d'information continue, que les Frères soient très loin de remplir l'objectif qu'ils s'étaient fixé : on est bien loin du million de manifetants. Il y a donc peut-être encore une chance que la nuit se termine sans trop de violences, et après un tel échec, les Frères ridiculisés ne pourraient plus arguer de leur légitimité.

Il n'empêche : la politique française est en dessous de tout et la presse ne vaut pas mieux. Il y avait tout à l'heure un débat sur France 24, qui faisait intervenir trois Egyptiens à Paris et une pauvre femme qui parlait du Caire dans un français hésitant, décidée à rester dans la rue aussi longtemps que Morsi ne serait pas redevenu président. Eh bien, la sympathique journaliste qui organisait les débats a commencé en demandant si on pouvait soutenir le pouvoir issu d'un coup d'état qui venait de déposer un président régulièrement élu. C'est-à-dire qu'elle n'hésitait pas à reprendre les arguments grotesques de Frères musulmans dont il semble, depuis quelques jours, qu'on ait entièrement oublié les dérives et les exactions, la politique de division et de haine féroce entretenue par des media aux ordres.

Le seul intérêt de cette visite d'Ashton, c'est qu'elle fait clairement apparaître que Morsi est toujours bien vivant, qu'il n'est pas maltraité et qu'il sera très difficile de le faire passer pour un « martyr ». Mais le gouvernement provisoire serait complètement idiot s'il ne conditionnait pas cette libération - qui n'a vraiment rien d'urgent ! - à une déclaration publique de Morsi appelant ceux qui le soutiennent à rentrer chez eux en attendant de pouvoir revenir dans le jeu démocratique lors des prochaines élections.


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