Fidel Castro a la santé, Cuba de bons médecins

par metamag
jeudi 24 mai 2012

Dans l'île chaude, moins de foi dans l'église, plus dans l'initiative privée

 


Les éditions Michel Lafon publient le premier tome des Mémoires de Fidel Castro, intitulées "Les Chemins de la victoire 1926-1959". Dans ce livre, le dirigeant communiste cubain raconte sa jeunesse, ce qui l’a mené à la révolution et à la lutte armée. Le second tome, "De la Sierra Maestra à Santiago de Cuba", paraîtra en octobre 2012. Le livre de Fidel Castro, de plus de 800 pages en espagnol, avait été présenté par l’ancien Lider Maximo à la Havane en août 2010. L’ouvrage publié chez Lafon est agrémenté de 250 pages de photos et de documents historiques inédits. 

 
 
Né en 1926, à Biran, fils d’un riche propriétaire terrien d’origine espagnole, Fidel Castro Ruz, s’oppose à la dictature du président Fulgencio Batista dès la fin de ses études de droit à l’université de La Havane. Emprisonné de 1953 à 1955, puis exilé, il revient clandestinement à Cuba en 1956 avec 80 révolutionnaires. L’armée de Batista les attend. Seuls vingt d’entre eux survivront, dont le Che. En relation étroite avec Che Guevara, Castro organise une guérilla depuis le maquis de la Sierra Maestra. Au début de l’année 1958, Batista décide de liquider la menace révolutionnaire. Près de 10 000 hommes sont mobilisés, une artillerie lourde, des forces navales et aériennes colossales. Face à eux, 300 guérilleros. Les combats se solderont par la fuite de Batista en 1959. L’ancien président avait déjà raconté ses années de jeunesse dans un livre d’entretiens avec le journaliste Ignacio Ramonet, "Fidel Castro, biographie à deux voix", publié en espagnol en 2006. 
 
La Pâques férié de Benoît XVI et l’ouverture discrète du régime
 
Le pape, après avoir béni dans la même semaine Fidel, Raoul et Chavez –ah, face à la mort imminente, qu’elle est loin la religion comme opium du peuple !– a prêché l’unité du genre humain, lors de l’homélie prononcée place Saint-Pierre, à l’occasion du dimanche des Rameaux qui a marqué le début de la Semaine sainte. De retour d’une visite au Mexique et à Cuba, Benoit XVI venait juste d’apprendre samedi que La Havane avait accepté de faire, dès cette année, du Vendredi Saint un jour férié, comme il est de tradition dans toute l’Amérique latine. 
 
 
Dans son homélie des Rameaux, le pape a parcouru les épisodes évangéliques de la procession de Jésus vers Jérusalem quand, à quelques jours de la Pâques juive et de la Passion du Christ, une foule en liesse l’a accueilli en brandissant comme de coutume des rameaux d’olivier. « Nous pouvons découvrir ici un premier grand message qui nous arrive de la festivité d’aujourd’hui : l’invitation à avoir le juste regard sur l’humanité entière, sur les gens qui forment le monde, sur les diverses cultures et civilisations  », un ton œcuménique et consensuel qui fait bien de l’Eglise, qu’on le veuille ou non, la bonne conscience hypocrite du libéralisme et du mondialisme. 
 
Au Mexique, quelques jours avant Benoît XVI avait pourtant dénoncé les « mensonges » des trafiquants de drogue, puis il avait souhaité « aider à un dialogue constructif » avec le régime communiste de La Havane. En fait, la parole de l’Eglise s’épuise . On a oublié que le catholicisme ne représente plus à Cuba que 10% de la population, que les églises évangéliques financées par les Etats-Unis ont partout fortement supplanté le clergé catholique, accusé de trop dialoguer avec le pouvoir, de n’être pas assez rigoriste sur la question des mœurs (la prostitution masculine et féminine de la Havane comme « gagne-pain » auprès des touristes !), mais aussi ferme sur l’enjeu des libertés religieuses et des publications. Benoit XVI a beau déclaré ouvertement que « l’idéologie marxiste comme elle avait été conçue ne répond plus à la réalité » et qu’il « convient de trouver de nouveaux modèles », son dernier voyage a montré, pour les observateurs, un essoufflement réel de l’Eglise catholique de Cuba, que l’on ne voyait pas du temps de Jean-Paul II, il est vrai, plus charismatique.
 
 
En tout cas, avec ce voyage papal à La Havane, l’année 2012 paraît être, pour l’île communiste des Caraïbes, une année de changements manifestes, des changements attendus depuis si longtemps. Changements économiques d’abord avec la poursuite des réformes qui visent à élargir l’initiative privée. Depuis le 1er janvier, une nouvelle étape dans la privatisation du secteur public a commencé. Des photographes ou des charpentiers qui travaillent pour l’Etat vont pouvoir se mettre à leur propre compte. 
 
Mais cela a aussi bougé du point de vue politique puisque, après plus de cinquante ans de révolution, le Parti Communiste a voulu préparer sa réforme politique alors que, officiellement pourtant, le mot « réforme » est encore tabou. On préfère parler, en effet, d’ « actualisation du modèle socialiste ». Un modèle qu’il faut renouveler pour le préserver, estime d’ailleurs le gouvernement de Raoul Castro. Quoi qu’il en soit, les Cubains sentent déjà dans l’air un petit alizé du changement souffler sur l’île. 
 
Par exemple, depuis quelques mois, ils peuvent acheter et vendre des voitures ou des appartements. Et la logique du marché s’étend aux petits commerces. Des salariés-fonctionnaires peuvent créer leur propre entreprise. Les futurs « auto-entrepreneurs » pourront eux-mêmes fixer leurs horaires d’ouverture ainsi que les tarifs de leurs produits. Après ce virage économique, le président Castro a aussi ouvert, plus timidement, un autre chantier, celui des réformes politiques. A l’ordre du jour de la Conférence du Parti Communiste Cubain, fin janvier, la limitation du mandat des chefs d’Etat (deux fois cinq ans), l’usage de l’Internet ou encore la lutte contre la corruption.
La corruption ? C’est à une véritable croisade contre elle qu’a voulu s’atteler Raoul Castro dans son discours de clôture d’une conférence de rénovation du PCC, corruption qu’il considère comme «  l’un des principaux ennemis de la révolution  ». Et Castro d’ajouter : « Nous n’avons aucun doute que l’énorme majorité des citoyens et cadres de direction sont des gens honnêtes, mais nous savons que ce n’est pas suffisant. Il ne suffit pas d’être honnête, il faut se battre et passer de la parole à l’action ». Ce sera d’ailleurs bien le cas pour le Président lui-même : le multipartisme est toujours interdit à Cuba !
 
 
C’est en appelant le parti à «  corriger les erreurs du passé  », que Raoul Castro a, en effet, également défendu le principe du parti unique et maintenu, du coup, son refus d’une ouverture au multipartisme qui serait sans doute, à l’international, le signe d’un vrai bouleversement. Mais le vieux est toujours là. Il est né du parti unique, il mourra, même béni par le Pape, même entouré de gays ou de travestis, avec le parti unique. En effet, dans l’air du temps, ce qu’a bien su entériner, au contraire, la conférence du parti, c’est la volonté de mettre fin à toutes les discriminations raciales, religieuses ou sexuelles, avec ce signe « visible » d’une bannière gay à côté du drapeau rouge, modernisation altersexuelle de l’appareil médiatique d’Etat.
 
Une médecine d’élites mais de réelles découvertes
 
Quand on discute polémiquement sur Cuba, l’argument constant est celui d’un service de santé hors pair et d’une éducation gratuite pour tous, l’image, par exemple, de Chavez préférant suivre ses soins anticancéreux à la Havane plutôt qu’à New York. En fait, le réseau dense des dispensaires médicaux est bien installé en province mais souvent, depuis la chute de l’URSS, sans pharmacie et sans moyens modernes, il n’a pas été modernisé. On alphabétise tous les petits à Cuba, mais sur des abécédaires avec pour la lettre F, de jolis dessins sur Fusil et Fidel  ! Reste d’excellentes équipes médicales, pratiquement réservées à l’élite et, n’oublions pas, même si elle est révolutionnaire, l’élite est ethnique et surtout blanche ! 
 
Pourtant, les scientifiques cubains, compétents et courageux, s’apprêtent à tester un vaccin humain contre le sida qui a déjà été utilisé avec succès dans des expériences avec des souris et qui a même commencé à être testé chez les humains, sur des médecins volontaires de l’équipe de chercheurs et des patients séropositifs qui ne sont pas encore à un stade avancé de la maladie. Le docteur Enrique Iglesias, patron l’équipe qui a conçu le vaccin, a décrit l’avancement de ses recherches au Congrès International de Biotechnologie 2012, qui, justement, s’était tenu en mars à la Havane, au Palais des Congrès de la capitale cubaine. 
 
Le scientifique a expliqué que le vaccin TERAVAC-VIH-1, issu d’une recombinaison de protéines (par le biais de techniques de génie génétique), cherche à induire une réponse cellulaire contre le virus de l’immunodéficience humaine. Le médecin cubain a bien sûr mis en garde contre de fausses attentes, puisqu’il n’existe aucun modèle animal de l’infection du sida que reproduise la maladie telle qu’elle se produit chez les humains et que jusqu’à présent, il a été procédé à plus de 100 essais cliniques (chez l’homme) au VIH, à Cuba déjà mais aussi dans d’autres pays, en particulier en Thaïlande et en France. Tous jusqu’alors ont échoué.
 
L’équipe du docteur Iglesias fait partie du pôle scientifique de l’ouest de la Havane, composé de vingt centres de recherche, de production et de commercialisation des produits de la biotechnologie, avec des exportations de 400 millions de dollars par an. Ce secteur, producteur de médicaments souvent efficaces, spectaculaires, par exemple, en cas de turista ou de diarrhée aigue (nous les avons testés) représente la deuxième source de revenus de Cuba, après le nickel. 
 
 
Concernant le sida, selon le Ministère de la santé publique cubaine, l’île a investi plus de 200 millions de dollars par an dans son programme de promotion, de prévention et de soins aux malades du sida, qui comprend un traitement gratuit à chaque malade, certains produits étant fabriqués dans le pays. Cuba, qui, selon les rapports locaux, figure parmi les 22 pays les moins touchés par le virus du sida, connaît environ 12 000 cas d’infection VIH-sida et 2 063 morts depuis le premier cas, détecté en 1986. 
 
L’autre équipe médicale en pointe, c’est celle de l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) de La Havane qui a également présenté deux candidats en mars pour des vaccins préventifs contre la dengue (équipe du Dr Guzman). Guzman a souligné que l’objectif est de conclure les essais en cours chez les singes et, comme il s’attend à un résultat positif, de passer ensuite à la phase une de tests chez les humains. Dans les deux cas, l’objectif est de réaliser un vaccin tétravalent (contre les quatre virus du dengue) qui offrirait une protection en un temps court, a dit le chercheur, après avoir indiqué que l’Amérique latine a signalé en 2011 plus d’un million de cas de dengue. Cuba, le Chili et l’Uruguay sont les seuls pays d’Amérique latine où la dengue n’est pas endémique, mais entre 1977 et 2002, l’île a connu quatre épidémies. Dans la plus récente épidémie, de juin 2001 à mars 2002, il y a eu 14.524 cas, 81 de dengue hémorragique, dont trois mortels, tous à la Havane, selon une étude spécialisée.
 
La santé, est-ce le monde merveilleux du communisme ? En tout cas, pour terminer ce petit voyage, nous renvoyons au lien du dernier discours de Fidel Castro, publié au moment même de la visite papale. Ce sont les réflexions d’un vieux companero qui nous décrit ironiquement "Le monde merveilleux du capitalisme" !
http://www.metamag.fr/metamag-841-Fidel-Castro-a-la-sante---Cuba-de-bons-medecins-Dans-l-%C3%AEle-chaude—moins-de-foi-dans-l-eglise—plus-dans-l-initiative-privee.html

Lire l'article complet, et les commentaires