Flint, retraités, inégalités : ces nuances du cauchemar étasunien

par Laurent Herblay
mardi 14 août 2018

L’automne dernier, j’avais fait une longue série de papiers sur le cauchemar étasunien, cette société oligolibérale qui sert malheureusement de boussole à la majorité de nos dirigeants. Depuis cette série, de nombreux faits illustrant le cauchemar que sont devenus les Etats-Unis ont été rappelés par les médias, une occasion de revenir sur certains côtés obscurs effarants de ce pays.

 

Malheur aux pauvres…
 
Dans la série de cet automne, j’avais omis l’incroyable scandale de santé publique de l’empoisonnement de l’eau municipal de Flint. The Economist est revenu sur ce drame à l’occasion de la publication de deux livres sur le sujet, me permettant d’en parler enfin sur le blog. En 1980, Flint, où GM employait 75 000 travailleurs, avait le plus haut revenu médian pour les travailleurs de moins de 35 ans. Aujourd’hui, elle en emploie moins de 7 000, ce qui a provoqué un tel effondrement économique que les médecins de la Navy SEAL s’y entrainent car la ville offre la plus proche approximation d’une ville affectée par des années de guerre  ! 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté fédéral.
 
En 2011, le gouverneur du Michigan plaça la ville en état d’urgence financière, avec un manager chargé de couper les coûts. Malgré des besoins critiques, le nombre de policiers et de pompiers fut coupé. Et en 2014, pour faire des économies, la ville, qui approvisionnait son eau du lac Hudson, décida de passer à la rivière Flint, alors qu’elle était très toxique du fait des rejets industriels. Et alors qu’il aurait été possible de traiter une telle eau, des économies de bout de chandelle (100 dollars par jour), sur les agents anti-corrosion, ont provoqué une grave contamination au plomb, que les autorités essayèrent de camoufler dans un premier temps, avant que le scandale ne remette les choses en ordre.
 
 
Autre aspect particulièrement choquant de la société étasunienne : le traitement réservé aux personnes les plus faibles et les moins riches. Pas moins de 255 000 personnes de plus de 85 ans sont contraintes de travailler, (4,4% de la classe d’âge, contre 2,6% en 2006), dans des péages, des supermarchés ou pour faire le ménage. En cause : la crise de 2008 qui avait frappé leurs plans d’épargne retraite, et le coût des soins de santé, qui augmente plus rapidement que les petites retraites. Une terrible démonstration des conséquences de la privatisation du service public, qui perd alors en partie sa fonction protectrice pour les plus faibles, abandonnés à un marché sans pitié.
 
 
Enfin, alors qu’un journaliste fantasmait récemment sur l’apport de la discrimination positive pour les noirs aux Etats-Unisun article de The Economist est venu rappeler la réalité de la condition des noirs et des classes moyennes. Quand le revenu médian des blancs a réculé de plus de 20% depuis 1970, la chute atteint plus d’un tiers pour les noirs, imposant le constat que les écarts de revenus sont en hausse et l’écart aussi grand que dans les années 1950 ! Et il faut rappeler que plus d’un tiers des hommes noirs de 25-54 ans ne travaillent pas (dont 8% sont en prison !), contre plus de 15% des hommes blancs (1,5% en prison). Des chiffres qui en disent long sur la situation des Etats-Unis.
 
Cela fait longtemps que les Etats-Unis ne sont plus un modèle. Tant de faits viennent nous le rappeler, mais pourtant une grande partie des élites européennes continuent de suivre son chemind’accepter ses oukases et de relayer son extravagante vision du monde. Voilà pourquoi il est essentiel de continuer à rappeler toutes les tares du pays qui est allé le plus loin dans l’oligo-libéralisme.

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