France et Israel, deux pays (2) mūrs pour un vrai changement
par Laurent Simon
mardi 9 septembre 2014
Nous avons vu dans le premier article ("France et Israel, deux pays (1) aux évolutions bloquées") que les systèmes politiques des deux pays sont à bout de souffle, du fait d'un système électoral inadapté (extrême, chacun dans une direction opposée) : majoritaire pour la France, sans aucune part de proportionnelle, et proportionnelle intégrale pour Israel.
Nous verrons ici que les guerres, les crises et les moments importants, pour des pays, continents ou pour le monde, obéissent à des cycles, souvent multiples de 20 ans. Car c’est l’arrivée d’une nouvelle génération, qui a besoin de faire sa propre expérience, ou qui avec son sang neuf et son énergie différente repose des questions essentielles.
Et, pour la France comme pour Israel, le moment est venu (en 2014 - 2015) pour un véritable changement.
Des cycles d'environ 20 - 22 ans pour le monde, et des cycles moitiés d'environ 11 ans
Un phénomène qui touche aussi les entreprises, et les générations successives d'un même produit !Ce phénomène touche aussi les entreprises, qui sont des organisations humaines, soumises aux humeurs des individus et groupes, et les produits qu'elles conçoivent et produisent. "La cohabitation des deux marques va s'avérer difficile durant plus de vingt ans." (Wikipedia, "Citroen, les années Peugeot, des débuts difficiles"). D'autres exemples peuvent être pris dans l'aéronautique, ou le spatial :
Ce ne sont que quelques exemples, la liste serait facile à étendre (missiles M4, M45, M51, 38 ans entre deux avions mythiques : le Concorde et l'Airbus A380, etc.). |
De même pour la France, et pour Israel, y compris depuis 1945
De même pour Israel : 1948, création de l'Etat d'Israel, 1967 Guerre des 6 jours - 1973 Guerre du Kippour, 1992 élection de Yitzhak Rabin - 1993 accords d'Oslo - 1995 assasinat de Yitzhak Rabin.
Car cette règle pour le monde fonctionne aussi pour les pays (cf encadré plus bas), avec quelques particularismes locaux. A condition, pour éviter certaines difficultés dans l'établissement des dates à prendre en compte, de considérer deux événements importants très proches (et liés l'un à l'autre) comme un seul événement (comme pour les guerres mondiales) : plus une guerre dure longtemps (plusieurs années), plus elle affecte durablement une part plus importante de population.
Les écarts sont alors de :
- 23 ans entre 1945 et 1968, et 22 ans entre 1968 et 1990 début de crise), pour la France
- 19 ans (entre 1948 et 1967, entre 1973 et 1992) pour Israel
La différence dans ces écarts peut sembler importante (entre France et Israel), et affaiblir la théorie que nous présentons, mais elle nous semble au contraire très lieé à l'explication que nous en donnons (une nouvelle génération qui arrive), puisque la population est plus jeune en Israel : l’âge médian en France est assez élevé (36,3 ans en 2000), alors qu'il n'est que de 29,7 ans en Israel [5].
Bien sûr nous sommes conscient de ce qu'il ne peut s'agir que d'ordres de grandeur, pour ces événements qui font intervenir de très nombreux facteurs. Mais en nous servant de ces nombres, nous avions pu prédire, avec succès :
- que les 'printemps arabes' en Libye et en Tunisie allaient déboucher sur une chute de ces deux régimes (ce qui ne veut malheureusement pas dire que la situation actuelle en Libye soit intéressante... ces cycles indiquent des changements, pas nécessairement vers le mieux !)
- alors que ce ne serait probablement pas le cas dans plusieurs autres pays arabes.
Les événements majeurs suivent des cycles de 20-22 ans (ce que nous écrivions il y a 9 ans)
Pourquoi ? C’est simplement l’arrivée d’une nouvelle génération, qui a besoin de faire sa propre expérience, ou qui avec son sang neuf et son énergie différente repose des questions essentielles. Quelques exemples dans l’histoire récente :
En Europe :
Pour le monde :
En économie et en politique ces cycles d’une vingtaine d’années se vérifient également, pour la France : Ces périodes de environ 22 ans se retrouvent dans l’histoire de France également au 19e siècle : 1870 22 ans après la révolution de 1848, et 44 ans avant : 1804 Napoléon empereur..." |
Toujours pour Israel : du changement à partir de 2014...
L'assassinat de Y. Rabin en 1995 a été une date très importante pour Israel et les Israéliens.
Faut-il aussi rappeler qu'une autre manifestation monstre, deux ans après, réunissait 300 000 personnes en sa mémoire. "La place, baptisée du nom de Rabin, n'a pas pu contenir la foule immense qui n'arrêtait pas d'affluer depuis les boulevards avoisinants". "il s'agit de la plus grande manifestation de l'histoire d'Israel", a déclaré le chef du Parti travailliste, Ehud Barak. à la foule innombrable qui arborait des pancartes "Sauvez la paix", "Nous n'oublierons pas" ou encore de grandes photos de Yitzhak Rabin. [7]
Il est donc naturel de prendre 1995 comme une date clé dans l'histoire récente d'Israel, Or 19 ans (ou un peu plus, 20 ou 21 ans pour tenir compte aussi du vieillissement de la population israélienne) nous amènent à 2014, 2015 ou 2016 !
Il est donc temps d'insister auprès d'Israel, après ces combats (compréhensibles) à Gaza contre le Hamas, ainsi qu'après ceux anti Hezbollah au Liban, qui montrent que des actions exclusivement militaires ne permettront rien de durable.
- ... "une large majorité au sein des deux peuples s'accordait alors à considérer, sans autres détails, qu'un accord de paix pouvait être trouvé sous la houlette de leurs dirigeants actuels (Ariel Sharon et Mahmoud Abbas). Un mois plus tard, les responsables des deux organismes, Yaacov Shamir du côté israélien, et Khallil Shakiki du côté palestinien, ont voulu explorer précisément les contours d'un accord possible. Les résultats, rendus publics dans un communiqué commun en date du 18 janvier 2005, sont très intéressants" (voir le site www.pcpsr.org et http://www.upjf.org/fr/1370-isra%C3... )
- "56 % des Israéliens soutiendraient des discussions avec le Hamas dans le but d'aboutir à une solution avec les Palestiniens." 78 % des Israéliens soutiennent ces négociations" [8]
- sondages réguliers : www.pcpsr.org , dont le récent commun (juin 2014). Avec la conclusion : 62% des Israéliens et 54% des Palestiniens soutiennent une solution avec deux états.
... La paix maintenant !
- Israel se retrouve, après ces opérations militaires à Gaza, dans une situation mitigée, comme après les dernières opérations au Sud Liban, vis à vis du Hezbollah. Et comme après la guerre du Kippour, qui n'avait pas vu une victoire éclatante de Tashal comme en 1967. Les Israeliens constatent donc l'impasse que représente une attitude exclusivement militaire, l'évidence est encore plus criante : il faut une solution négociée !
- le contexte international (régional) y est propice, puisque les événements en Irak imposent des changements importants au niveau diplomatique pour plusieurs pays occidentaux : Etats Unis, Royaume Uni, Allemagne, France, ainsi que par rapport à l'Iran.. Toute la région est ainsi concernée par ces changements très importants.
- et une autre date est à prendre en compte, la fin du deuxième mandat de Barak Obama en 2016. Ne voudra-t-il pas faire comme Bill Clinton, qui avait intensément agi en faveur des accords d'Oslo, ainsi que dans le processus de paix en Irlande du Nord ?
Car ce caractère cyclique n'est pas fatal, inéluctable, et il ne peut pas empêcher des décisions contre-productives...
Et il revient bien sûr aux dirigeants, et/ou aux peuples d'en saisir l'opportunité.
En particulier, dans ce cas précis, il revient au Président états-unien, seul capable d'imposer quelque chose à Israel, d'intervenir, et de tordre le bras aux dirigeants israeliens, s'il le faut, pour enfin créer les conditions d'une paix durable, à laquelle tous aspirent, sauf bien sûr les extrémistes des deux camps.
Et en France, le changement (de la gauche) c'est maintenant !
Revenons en France. Nous avons vu que, 22 ans après 1968, 1990 a été le début d'une longue crise économique, dont le summum a été en 1993. C'était juste après une embellie économique majeure, en 1989, suite notamment aux effets positifs des réformes libérales de 1986-1988 ; mais cette embellie avait été brutalement interrompue du fait de la 1ère guerre du Golfe, en préparation dès 1990.
Si nous datons cette crise de son début en 1990 et de son summum en 1993, alors 22 ans après nous amènent à ... 2015 ! Ce qui correspond aussi à 47 ans après 1968, soit 2 x 23.5 ans.
Cette date correspond donc bien à nos critères, d'autant que :
- elle suit deux périodes en lesquelles une majorité de Français avaient mis beaucoup (trop) d'espoir : l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, et celle de François Hollande en 2012.
- dans les deux cas la désillusion fut importante. Pour des raisons un peu différentes, mais cela ne change pas cette chute importante de popularité, des deux Présidents, très vite après leur élection. Cette chute de popularité est encore plus forte pour François Hollande, car son programme électoral était encore plus porteur d'ambigüités : il falllait plaire à l'extrême gauche, et à la gauche de la gauche), alors que les Français ont bien perçu que la crise de 2008 - 2011 a vraiment plombé la situation pour Nicolas Sarkozy [10].
Et deux ans après 2012, nous sommes dans une situation comparable à 1983 [11], lorsque, 2 ans seulement après la victoire de l'Union de la Gauche [12], déséquilibre du commerce extérieur record et crise du franc obligent, il fut évident qu'il fallait corriger le cap économique, et renoncer à une bonne partie des promesses électorales !
De manière similaire aux deux déconvenues israéliennes, par rapport au Hezbolllah et au Hamas, les Français vivent d'amères désillusions, après ces deux élections qui déchantent. Et même les électeurs de gauche veulent des décisions enfin efficaces, pour sortir de cette crise sans fin, et de ce chômage de masse, qui a repris une hausse quasi constante depuis quelques années.
C'est en fait un "déjà vu" de 2005 et de son funeste Référendum. A la suite duquel nous écrivions [13] :
Car ceux qui ont voté NON ont surtout exprimé un fort mécontentement par rapport à la situation économique et sociale du pays (à 40% et même 50%) : d’après un sondage "sortie des urnes" ils sont seulement 36% (c’est-à-dire seulement 20% des votants !) à avoir voté contre le Traité Constitutionnel, mais c’est l’Europe, la France et les Français qui en feront les frais. Prenons un peu de recul. Puisque les événements majeurs se produisent tous les 20 ou 40 ans, le vote NON pourrait bien être en fait une réédition du vote de mai 1981 et l’annonce d’une crise majeure un peu plus tard (vers 2010, 40 ans après 68 ?). |
Prémonitoire, non ?
En tout cas, nous verrons dans le prochain article ("France, un pays (3) où le déclic vient d'avoir lieu, comme après mai 68") des éléments complémentaires, et en particulier pourquoi le gouvernement ET LES FRANCAIS sont prêts pour ce changement majeur que nous annonçons pour 2014 - 2015.
[1] Wikipedia, Citroen, les années Peugeot, de timides progrès
[2] Agoravox, 25 août 2014 "Deux satellites Galileo pas nés sous une bonne orbite !"
[3] Agoravox, 2 septembre 2014 "Galileo, Soyouz, Arianespace... et le management de projet (international)"
[4] Wikipedia, Economie d'Israel, années 1990 "Le processus de paix israélo-palestinien, lancé par la conférence de Madrid de 1991 et qui a conduit aux Accords d'Oslo en 1993 et au traité de paix israélo-jordanien en 1994, a grandement profité à l'économie israélienne en mettant un terme à l'isolement économique du pays et en favorisant une intégration régionale et une ouverture des relations économiques avec ses voisins. Cela a également marqué le début d'une augmentation des exportations israéliennes vers l'Asie de l'Est et des investissements étrangers en Israël."
[5] Wikipedia, Demographics of Israel
[6] Libération, 3 novembre 2007 "Le crime sans fin de Yigal Amir"
[7] L'Humanité, 10 novembre 1997 "Pour Rabin et pour la paix"
[8] Courrier international, 22 octobre 2010, "Israel - Palestine, un sondage étonnant"
[9] Le Monde, 31 août 2014 "Israël veut s'approprier 400 hectares de terres en Cisjordanie"
[10] Nous ne faisons pas partie des fans de l'ancien Président, et nous étions parmi ceux qui insistaient pour que de vraies réformes soient faites. Mais la crise n'a pas facilité les choses !
[11] Wikipedia, Tournant de la rigueur en 1983
[12] Après une très longue période d'opposition, encore plus longue que pour les 10 ans de droite entre 2002 et 2012
[13] Libéral et Social, 30 mai 2005 "Un NON annonciateur d’une crise majeure, genre mai 68, avant 2010 ? L’expérience de 1981-1983 n’a pas suffi : la France a voté NON, tentée par un repli faussement salvateur".