Gambie : Yahya Jammeh, tyran et charlatan !
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
lundi 15 octobre 2012
Yahya Jammeh est au pouvoir en Gambie, un petit Etat africain enclavé au cœur du Sénégal, depuis 1994 à la suite d’un coup d’Etat militaire où il a renversé le président Dawda Jawara, à la tête du pays depuis l’indépendance. Il y fait régner la terreur la plus totale. Le tyran mégalomane a annoncé qu’il a réussi à guérir 68 personnes atteintes du VIH à des stades divers en utilisant un mélange d’herbes bouillies, dont lui seul a le secret…
La nouvelle a provoqué un tollé général sur la scène internationale, causant la colère des experts médicaux occidentaux qui ont affirmé qu’il donnait de faux espoirs aux malades. Mais le président de Gambie est formel : il prétend avoir guéri 68 personnes atteintes du VIH avec un mélange de 7 herbes médicinales, tout en psalmodiant des prières musulmanes. Son traitement a été reconnu par le ministère gambien de la Santé, sur la base des témoignages des patients soignés. Les malades sous ce traitement confirment un mieux-être dans leur état de santé général mais tout contrôle par une autorité indépendante est interdit. Considérant leur mieux-être, les malades arrêtent les trithérapies.
Les guérisons supposées n’ont pas été reconnues par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), bien au contraire. Le président gambien refuse de donner la « recette » de son remède miracle. Il est bien connu pour avoir une formation militaire mais aucune formation médicale. L’OMS a déclaré que son « traitement » était alarmant parce que les patients sont tenus de cesser de prendre leurs médicaments anti-rétroviraux, ce qui les rend encore plus vulnérables à l’infection. Le président gambien a réagi : « Qui suis-je pour que tout le monde m’encense ? Le prophète Mahomet a également été critiqué et pourtant il a réussi à établir l’Islam. Et moi également je suis critiqué et pourtant j’ai réussi à guérir 68 patients atteints du VIH ! ». Si sa décoction devait être efficace, les organisations internationales de santé seraient ravies de donner leur bénédiction au produit et en faire profiter tous les autres malades du sida. Certains pays africains sont dans une situation bien plus dramatique par rapport au sida. Le Malawi, par exemple, où le fléau a imposé des campagnes de prévention, en faveur de la contraception en particulier, au risque de heurter le poids des traditions ancestrales et des croyances religieuses.
Yahya Jammeh prétend également pouvoir guérir l’asthme, l’hypertension artérielle et le diabète ! Quelques ministres qui ont eu recours à ses « services » peuvent en témoigner… Il a des songes, la nuit, où ses ancêtres lui donnent les remèdes de médecine traditionnelle, afin de venir en aide à son peuple… De nombreux spécialistes doutent de sa santé mentale. Alioune Tine, le président de l’association sénégalaise Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) exprime sa vive inquiétude : « Il n’est pas très équilibré. En Afrique, on en a eu des semblables par le passé, des sanguinaires comme Idi Amin Dada en Ouganda. L’Union africaine et la communauté internationale doivent en tirer une leçon et agir dès aujourd’hui ». Vive le charlatanisme gambien, alors ?
Le président gambien est un peu le fils spirituel d’Amin Dada et de Bokassa, avec une petite touche de Mobutu. Farouche opposant à la liberté de la presse, il viole en permanence les droits de l’Homme dans son pays. Le 28 septembre 2009, il n'hésitait pas à menacer de mort les défenseurs des droits de l'Homme, lors d'une interview à la télévision d'Etat, accusant ceux qui aideraient ces derniers de vouloir « déstabiliser le pays ».
La Gambie est également un pays réputé pour la chasse acharnée que son président fait contre les homosexuels. Le dictateur avait donné, en 2008, un ultimatum de 24 heures à tous les gays pour quitter le pays, au risque de se faire couper la tête. En février dernier, il déclarait que l’homosexualité était une « abomination » : « Cela n’existe ni dans la Bible ni dans le Coran. C’est un péché. Je vous le dis, parce que cette nouvelle vague qui tend à imposer l’homosexualité ne sera jamais acceptée dans ce pays ». A la suite de nombreuses protestations d’organisations internationales pour les droits de l’Homme, il a répondu de façon cinglante : « Nous savons ce que sont les droits de l'Homme. Les êtres humains du même sexe ne peuvent pas se marier ou sortir ensemble. Si vous pensez que détruire notre culture relève des droits de l'Homme, vous faites une grossière erreur parce que si vous êtes en Gambie, vous êtes au mauvais endroit ».
Jusqu’au mois d’août, la Gambie observait un moratoire sur la peine de mort et était reconnue comme un Etat abolitionniste. Aucune peine capitale n’avait été exécutée depuis 1985. Mais lors de son discours de l’Aïd-el-fitr, marquant la fin du ramadan chez les musulmans, le président gambien avait déclaré que les 47 détenus condamnés à mort qui croupissent en prison allaient tous être exécutés. Sous la pression internationale, le despote a été contraint de réduire ses ambitions. 9 condamnés à mort ont toutefois été fusillés. On compte 3 militaires parmi les victimes, ainsi qu’une femme d’origine sénégalaise. Il faut noter que plus de 300 personnes ont été éliminées par des procédés extra-judiciaires depuis 1994. Sans parler des arrestations arbitraires et de la torture pratiqueés, avec beaucoup de zèle, par les autorités de l'Etat. Et les disparitions inexpliquées...
A Banjul, la capitale du pays, Yahya Jammeh se terre dans son palais présidentiel, pour des raisons de sécurité, à la suite d'une tentative de coup d'Etat manquée le mois dernier. La Gambie vit dans un état de terreur permanent. Parano, imprévisible et manipulateur sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent pour décrire celui qui fonde son pouvoir sur la culture de la peur. Et maintenant, on peut lui attribuer le titre de charlatan, qui manquait à son palmarès bien peu réjouissant…