Géopolitique pétrolière : Chine, Inde et Iran
par ÇaDérange
mercredi 1er mars 2006
La crise iranienne en est arrivée au point que, avec l’assentiment de tous les membres de l’AEIA, y compris l’Inde, la Russie et la Chine, le dossier du non-respect du Traité de non-prolifération nucléaire par l’Iran va être transmis au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais les choses ne sont pas si simples quand de gros intérêts, pétroliers en particulier, viennent interférer dans les décisions politiques. C’est le cas, en l’occurrence.
Parmi les membres du Conseil de sécurité de l’Onu qui vont devoir se saisir du problème et décider éventuellement de sanctions économiques, il y a en deux, la Russie et la Chine, qui ont des intérêts économiques très importants en Iran, et divergents de ceux des autres membres de ce Conseil.
La Russie, sous la forme de gros contrats dans l’énergie nucléaire justement, puisqu’elle construit actuellement une centrale nucléaire de 1000 MW à Bussher et que, dit-on, elle aurait un contrat secret avec l’Iran pour en construire plusieurs autres dans la foulée. Force est de constater qu’après des débuts hésitants dans ce débat, elle semble avoir pris le parti pro-occidental de forcer l’Iran à respecter le Traité de non-prolifération.
La Chine a toujours été beaucoup plus hésitante à mettre la pression sur l’Iran pour que ce dernier arrête de développer l’arme atomique. Elle n’a rejoint le camp pro-occidental que récemment, au Conseil de l’AEIA .Mais nul ne sait si elle ira jusqu’à ne pas mettre son veto à la demande de sanctions que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait prononcer. C’est que la Chine a de très gros besoins d’énergie pour alimenter sa croissance économique et que pour l’instant, ils ne peuvent être satisfaits qu’en faisant appel au pétrole, à beaucoup de pétrole. Or l’Iran en est le deuxième producteur mondial et un important fournisseur déjà de la Chine. Et de même que la Russie est tenue par ses contrats dans le nucléaire, la Chine est également très présente en Iran dans divers projets d’exploration, de raffinage, de barrages, de chantiers de travaux publics, terrestres ou maritimes.
Le calendrier des évènements à venir commence à être
serré, avec la transmission du dossier de l’AEIA à l’ONU à partir du 6
mars, et ensuite peut-être faudra-t-il un mois avant que le Conseil ne prononce de sanction,
ce qui conduit jusqu’à fin mars/début avril. Il est donc urgent de
"boucler les affaires" avant cette date. C’est la raison
pour laquelle la compagnie d’Etat chinoise Sinopec a annoncé
la conclusion imminente d’un contrat pétrolier et gazier de 100 milliards de dollars pour développer le champ pétrolier de
Yadavaran, proche de la frontière irakienne. Le développement de ce
champ pétrolier serait financé à 51% par Sinopec, maître d’œuvre en l’occurrence,
avec une participation de 29% de la Compagnie indienne Oil and Natural Gas
Corporation, 20% restant pour la Compagnie nationale iranienne !
Vous avez noté la présence de l’Inde,
qui a les mêmes problèmes de développement que la Chine et qui
avait annoncé vouloir s’allier avec la Chine plutôt que de se battre avec elle
dans le domaine énergétique. Au total le champ de Yadavaran a des réserves de 3
milliards de barils et devrait pouvoir produire à son maximum jusqu’à 300
000 barils/jours.
Il est donc évident que l’affaire sera signée avant que le Conseil de sécurité ne puisse se prononcer sur des sanctions éventuelles !
Autre élément, la Chine ne va pas abandonner son désormais allié, l’Iran, pour rien. Il va donc falloir, pour les occidentaux, trouver une compensation financière ou politique à l’abstention de la Chine au Conseil de sécurité. Vous avez peut être remarqué que Washington est particulièrement insatisfait que les firmes américaines Google, Yahoo et Microsoft aient accepté de mettre en place, sur leurs moteurs de recherche, des censures de divers types à la demande des autorités chinoises, et même de coopérer avec leur police pour dénoncer des opposants au régime chinois. Est-ce un bémol sur cette critique du régime chinois qui servira de monnaie d’échange, ou bien une plus grande ouverture du marché américain aux produits chinois, ou encore une concession sur Taïwan ? Je ne sais, mais ce qui est sûr, c’est qu’il faudra d’une manière ou d’une autre trouver une compensation à la bonne volonté chinoise.
Dernier commentaire, je vous avais fait part du désir de la Russie, de la Chine et de l’Inde d’expulser les compagnies pétrolières occidentales et américaines de l’Asie centrale, qu’elles considèrent comme leur pré carré. Sachez qu’il s’est créé un club régional sur ce sujet, l’Organisation de Shangai (OSC), et que l’Iran vient d’y obtenir une place d’observateur.
On peut toujours trouver des alliés dans le monde, quand on est riche de pétrole !