Giap le transcendant

par Montagnais .. FRIDA
mardi 19 juin 2012

Vo Nguyen Giap est né dans l’Indochine française en Août 1911. Il vit encore, à cent et un an.

Il est le seul au monde, en l’espace de moins de 20 ans, à avoir défait deux très-puissantes armées, l’armée française, puis l’armée américaine. L’histoire retiendra son génie militaire et d’aucuns n’hésitent pas à le comparer à Napoléon.. Mais au-delà du prodigieux soldat autodidacte – Giap n’a suivi l’enseignement d’aucune académie militaire, sa seule école a été celle de la guérilla dans les denses espaces urbains de Hanoï, de Saigon ou de Haiphong, dans les rizières, la jungle et les montagnes – véritable tigre à l’aise dans les rochers au milieu des siens, Giap est sans conteste un intellectuel brillant, un politique avisé, un stupéfiant visionnaire, un philosophe.. Philosophie de la vie comme déploiement de la totalité de l’énergie de l’individu, puisée entre autre dans le Hagakuré, et communiqué à tous ses soldats si l’on en juge par l’extraordinaire vitalité, la farouche volonté opposées à l’appareil de destruction des U.S. Philosophie de la mort aussi, voie du Samouraï, de la mort comme sacrifice nécessaire, prix à payer jamais trop élevé quand il s’agit de liberté. Il continue d’étonner par son intelligence du monde.

Son père était un Mandarin.

Un « personnage choisi pour diriger parmi les meilleurs hommes d’esprit ». Par ses origines, il est ainsi l’héritier des privilèges d’une caste dirigeante imprégnée à la fois de la connaissance de la civilisation chinoise et de la culture de l’Occident. Tout enfant, il n’a pas manqué d’avoir la révélation des exactions des Occidentaux en Chine et en Asie du sud-est, son esprit a du enregistrer très-tôt les images du sac de la Cité impériale par les Français et les Anglais, les souvenirs terribles de l’invasion étrangère, les souvenir des trahisons des engagements politiques, comme celles ayant conduit à la violation des traités de Nankin et de Tianjin..

L’Université de Hanoï, envers bénéfique de la colonisation pour le Vietnam, en a fait un historien. Il a ensuite enseigné l’Histoire.

Les évènements internationaux entourant son enfance, puis sa jeunesse, la guerre russo-japonaise, le déferlement des troupes japonaises – ou des « coiffeurs » - dans tout le sud-est asiatique, la Grande Guerre en Europe, la Révolution russe, le renforcement de l’emprise coloniale.. ont très-tôt nourri quelques idées directrices qui le guideront tout au long de sa vie :

- L’engagement absolu et la volonté farouche de libérer son pays de toute occupation

- La méfiance vis-à-vis de la civilisation occidentale, américaine surtout.

A ce propos, Giap n’a pas pu ignorer les différences fondamentales entre les méthodes respectives des Français, des Anglais ou des Américains en matière de colonisation. Ces différences plongent leurs racines au fond des siècles, au cœur des différentes visions du monde qui caractérisent les uns et les autres. Giap a reçu une éducation française. Les Français, fidèles aux ambitions civilisatrices et aux idéaux socialistes d’un Ferry, installaient écoles et universités dans leurs possessions, jouaient le jeu de l’intégration..Le Vietnam n’a pas fait exception à cet égard. Les Américains, autres temps autres mœurs, l’ont couvert de ferrailles, d’explosifs, de feu et de Napalm, de défoliants et de phosphore..

Il ne s’agit cependant pas de faire de l’angélisme dans l’analyse de ces choses. Le Viet Minh a infligé des souffrances terribles aux Français, des soldats et des civils furent sauvagement torturés, assassinés.. Le mouvement d’Emulation Patriotique créé par Ho-Chi-Minh dés 1946 n’avait-il pas lancé le mot d’ordre : « tuer le plus grand nombre de Français ». Les « Soldats de la boue » et les séides de Salan n’ont pas été en reste.. Il se peut même que, s’ils en avaient eu les moyens, les Français aient eu recours aux mêmes méthodes que les Américains : le général Navarre, instigateur de la mauvaise stratégie ayant abouti à Dien-Bien-Phu, se voyant perdu, n’a-t-il pas fait demander aux Américains l’emploi d’armes nucléaires tactiques pour écraser les troupes de Giap ? Mais on en était réduits aux dernières extrémités..

Il n’empêche, l’invasion du Vietnam par les troupes japonaises en 41 et la présence de ces troupes pendant près de cinq ans ont laissé dans les populations de terribles souvenirs, très-certainement plus terribles que ceux laissé dans leur ensemble par les Français. Les Japonais ne faisait guère de différences lorsqu’il s’agissait de casser du Viet ou du Français.. Curieusement, l’histoire n’a gardé qu’une faible mémoire de ces exactions, des temps maudits où Les troupes de Giap et de Bak Ho se trouvaient objectivement alliés aux Français pour résister aux Japonais.

Sa mère était une « Niakwé »

Par sa mère, Giap est fils de l’éternelle paysannerie du Vietnam. Toute sa vie durant, il restera fidèle à ses origines, il aimera se replonger dans l’environnement des campagnes et des rizières de son enfance, dans la jungle et les montagnes, là sont les espaces connus, familiers, domptés, refuges envers et contre tout, absolues protections. Giap a pu paraphraser Lamartine : « Oui je reviens à toi berceau de mon enfance, embrasser à jamais tes foyers protecteurs, loin de moi les cités et les vaines opulences.. ».

L’aptitude à vivre au contact de la nature, aussi rude et inhospitalière puisse-elle-être a été un facteur déterminant dans sa stratégie militaire. D’autant plus que ces troupes partageaient avec lui ces aptitudes.. Giap, éduqué par les Français et les Chinois, érudit de civilisation française et chinoise, a une moitié de son être façonnée par l’antique monde paysan, dont les qualités, vu de notre côté, expliquent aussi bien la fortune de Rome que les victoires des Français jusqu’à une époque récente..

Les ancêtres de Giap ont été des chasseurs de tigres et d’éléphants, des éleveurs de buffles, des agriculteurs pauvres. Il n’a jamais oublié les immenses seigneurs gris déboulant en hordes sauvages à travers les hautes herbes, il n’a jamais oublié le tigre Cop, celui qui sait un peu, la rivière Ya-Rhu qui doit se douter de quelque chose, le petit prince Bong, celui né avec un seul œil, qui ne voit que la moitié de la lune, que la moitié de la terre.. mais qui a néanmoins su ramener à son clan le feu salvateur.. Giap a lu les contes de Pluie et de Lune..

Parvenu aux sommets de la puissance et de la gloire, des possibilités qu’offre l’argent sans compter, Giap est resté attaché au mode de vie simple et frugale qui caractérise sa vie d’enfant, de soldat, de général en chef, qui caractérise aussi celle de la plus grande partie de son peuple.

Il a toujours méprisé les modes de la société dite moderne, du système de consommation de l’Ouest, l’American way of life tout particulièrement, irrémédiablement abîmée dans l’industrie du divertissement, si proche de la plus lamentable des fins..

Il se pourrait que Giap, expert en matière de résistance à l’envahisseur, puisse même nous aider à résister à notre époque. A cet égard, l’OWS pourrait en faire un Maître à penser. Cette symbolique invasion de la puissante Amérique ne serait qu’un juste retour des choses.

Sources 

Ho Chi Minh, Vo Nguyen Giap and their people’s army defeated the United States in the Vietnam War because they were smart and they had the political and military weaponry to outfox a superpower. Business World Manille


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