Grèce : pourquoi Obama appuie-t-il Syriza ?

par Laurent Herblay
samedi 7 février 2015

Cela a été un soutien inattendu à Syriza : Barack Obama a déclaré « on ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression  », et on dit que la rencontre prévue avec Angela Merkel porte sur ce sujet. Que penser de cet interventionnisme étasunien ?

 

Du bon sens économique
 
Comme le rapporte le Figaro, la troïka « demande à Athènes un surplus budgétaire (hors charge de la dette) allant jusqu’à 4,5% du PIB, au prix de lourds sacrifices sociaux  ». Usant d’une belle image, Paul Krugman, « prix Nobel d’économie » 2008, dit que c’est vouloir « tirer du sang à une pierre  ». Même le FMI dit que « maintenir un surplus de 4% du PIB pendant quelques années pourrait se révéler difficile ». Le 22 janvier, plusieurs économistes, dont Stiglitz et Pissarides, également « Nobel », ont demandé « une réduction de la dette, en particulier bilatérale, un moratoire sur le paiement des intérêts et un montant significatif d’argent  » pour financer de grands investissements et d’importantes réformes.
 
Tout ceci montre peut être que la distance permet de mieux comprendre la folie des politiques menées en Grèce, que nous avions été plusieurs à dénoncer dès 2010, sans être écoutés malheureusement. Au final, ces politiques étaient aussi inhumaines que folles et il serait aberrant de les poursuivre. Le problème est que, pas illogiquement, les pays créditeurs renâclent à accepter une réduction de la dette grecque. Le système de la monnaie unique européenne dresse les pays les uns contre les autres. En conscience, je pense qu’il faudrait accorder une remise à la Grèce, d’autant plus que je crois que la banque centrale doit être sous le contrôle de l’Etat et pourrait donc éponger cette « perte ».
 
Un souci plus géopolitique ?

Quelques amateurs de la théorie du complot ont vu dans l’intervention de Barack Obama la preuve que les Etats-Unis tireraient les ficelles de l’Union Européenne, si ce n’est du monde. Mais dans la réalité, le fait que le président des Etats-Unis se prononce publiquement pour faire pression montre sans doute l’inverse, à savoir que l’Allemagne semble renâcler. Washington est contraint à mettre tout son poids dans la balance pour essayer de pousser les faucons austéritaires à mettre de l’eau dans leur vin. L’enjeu géopolitique n’est pas neutre. Comme le dit Fabien Escalona sur le blog de Coralie Delaume, « si le mémorandum n’est pas démantelé, le coût politique pour Syriza sera terrible ».

En effet, il sera difficile pour Syriza de renoncer à ses promesses, comme le montrent les manifestations en réaction à la décision de la BCE. Du coup, si les négociations avec les dirigeants européens échouaient, le nouveau Premier ministre grec pourrait être tenté de demander de l’aide à la Russie, qui serait sans doute ravie d’enfoncer un coin russophone dans une construction qui regarde tellement vers l’Atlantique. Voici donc sans doute la principale raison pour laquelle Washington semble vouloir pousser Berlin et les autres capitales européennes à plus de souplesse avec Athènes. Sinon, le puzzle géopolitique installé depuis si longtemps en Europe pourrait être remis en cause.

Si cet interventionnisme des Etats-Unis, cette superpuissance qui croit qu’elle peut se mêler de tout, est forcément désagréable au gaulliste que je suis, qui ne veut pas d’une « Europe étasunienne », et même si les motivations me déplaisent, cela pourrait aussi signifier la fin de la torture des Grecs.


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